Par temps clair est plus abouti qu’Une affaire de regard,
c’est aussi l’avis de Bertrand Visage. Il précise même que,
s’il avait su que j’étais capable de ça, il m’aurait
probablement demandé des retouches à Une affaire de regard.
Je me rends bien compte a posteriori d’une des difficultés du
métier d’éditeur dont on ne parle pas tellement. Un auteur, qui
n’a pas encore publié, on le découvre par un texte ; et on
s’en fait une idée à partir de ce seul texte. C’est forcément
très réducteur. Par temps clair est plus abouti, mais il est
aussi plus « autarcique ». Ce n’est pas un point
positif, même si je ne peux m’empêcher de penser à l’idéal
flaubertien d’un « livre sans attache extérieure qui se
tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la
Terre sans être soutenue se tient en l’air » (j’ai
beaucoup pensé à Flaubert en écrivant Une affaire de regard).
La suite le confirmera. Alors que d’habitude au Seuil il suffit
d’un comité de lecture pour accepter ou refuser un manuscrit, Par
temps clair en nécessitera trois. Bertrand Visage veut le faire
passer, mais pas contre l’avis du comité de lecture. La première
impression étant plutôt réservée, il sollicite Olivier Cohen,
dont l’avis aussi est positif ; on est près de la publication
mais il y a encore une hésitation ; un troisième comité
devrait entériner la publication. Claude Cherki, qui est alors le
PDG du Seuil et qui d’habitude ne lit aucun manuscrit veut savoir
de quoi il retourne ; à l’issue du troisième comité de
lecture ce sera non. Deux ans plus tard il donnera sa démission avec
un procès sur le dos après avoir participé dans des conditions
discutables à la vente du Seuil à la Martinière ; ça me fera
une belle jambe.
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