dimanche 28 janvier 2018

être un peu interne en obstétrique

Chaos est le nouveau roman de Mathieu Brosseau qui paraîtra dans quatre jours chez Quidam. C'est l'histoire de la Folle. Ça va vous faire tout drôle à lire car « la Folle joue avec la langue, s'exprime de la même façon qu'en pensée, ça coule, syntaxe claire malgré l'hermétisme anguleux de son discours parfois désordonné, là est toute la force et l'autorité de sa voix, l'aplomb de sa conscience, elle hésite peu sinon par quelque effet de son humeur ; ce pouls du ton, la mesure de sa musique ». Ça ne va pas être facile pour moi d'écrire un billet dessus même si je fais partie des privilégiés qui ont eu la chance de le lire avant sa parution. Et pourtant ça me parle terriblement, cette histoire de d'une femme au pluriel, avec sa jumelle absente, sa mère homonyme et sa grand-mère... – mais stop, je risquerais de me mettre à raconter et ça n'est pas non plus le propos de ce billet. Si plutôt je vous dis que cette histoire d'une vie dure le temps d'un voyage en train, ou plutôt celui d'une bosse au front, et que tout y est surplombé d'un ciel rouge et organique, peut-être éprouverez-vous aussi l'envie d'être l'interne en obstétrique qui sort la Folle de l'hôpital et l'accompagne vers Aînée, la sœur de l'Autre Ville ? peut-être vous direz-vous qu'être lecteur, mais oui, c'est un peu être interne en obstétrique ?


Pour les Parisiens, le lancement de Chaos sera l'occasion d'une rencontre avec l'auteur à la librairie La Manœuvre, 58 rue de la Roquette, jeudi 1er février à 19h.

samedi 27 janvier 2018

Aucun écrivain (entre autres) ne mérite d'être célébré.

Ces polémiques récurrentes (sous le lien c'est faut-il célébrer Maurras, comme il y a quelque temps faut-il célébrer Céline) ne sont intéressantes qu'en ce qu'elles disent du rapport religieux que le public entretient avec la littérature (comme avec le football ou la politique, d'ailleurs, même combat). Car enfin, quel sens cela peut-il bien avoir, de fêter la date anniversaire de la naissance ou de la mort d'un écrivain ? La réponse à ces questions devrait s'imposer d'évidence : bien sûr que non, il ne faut célébrer ni Maurras ni Céline, mais Camus pas davantage. Ni même Proust. Personne. Aucune personne ne mérite d'être célébrée. On devrait avoir dépassé l'âge de l'idolâtrie. En revanche, on peut, pourquoi pas, rendre hommage à une œuvre, quand elle le mérite – car toute grande œuvre dépasse son auteur, qui n'est jamais, à lui seul, l'auteur de l'œuvre ; toute œuvre est l'œuvre de l'humanité entière par le truchement de son auteur. Et pour la littérature, si l'on tient à fêter des anniversaires, il se trouve que chaque livre est pourvu d'une date de parution. Fêter la naissance de l'auteur des Beaux Draps, sûrement pas ; mais fêter l'anniversaire de la parution de Voyage au bout de la nuit, pourquoi pas ? Et comme on ne va non plus multiplier les anniversaires, on en viendrait alors à se demander si, pour Camus, il vaut mieux par exemple célébrer l'anniversaire de l'Etranger ou de la Chute, considérant a posteriori que la Peste, finalement, c'est quand même assez laborieux par rapport au reste de son œuvre – au moins comme ça on en reviendrait à parler un peu de littérature.

dimanche 14 janvier 2018

Des nouvelles de Michel Arrivé

Michel Arrivé est mort le 3 avril dernier mais n'a pas dit son dernier mot – lui qui précisément attribuait à son personnage Adolphe Ripotois cette formule qui me parle terriblement : « Le mot, c'est la mort sans en avoir l'R ». En effet je viens d'avoir de ses nouvelles, tout juste parues aux éditions Black-out sous le titre Elle et lui, lui et elle. Elles sont dix, ses nouvelles, et ainsi préfacées par sa fille Sylvaine Arrivé qui, dans un louable souci de clarté, n'hésite pas à les classer dans un genre jusque-là trop méconnu : la littérature vieillesse, pendant de la florissante littérature jeunesse : « les auteurs seraient des vieux, qui mettraient en scène des personnages de vieux, pour toucher un public de vieux. Les thèmes de prédilection en seraient la vieillesse, la maladie, et bien entendu, la mort. » On ne saurait mieux dire : fidèle quant au fond, cette préface l'est aussi quant au ton ; on y reconnaît déjà celui de l'auteur de l'homme qui achetait les rêves et d'Une très vieille petite fille – on croise d'ailleurs dans ces nouvelles une autre Mme Briand-Lemercier qui est peut-être la même très vieille petite fille – littérature jeunesse et littérature vieillesse ne sont pas si éloignées l'une de l'autre. Entre les nouvelles s'intercalent des illustrations de Brito, qui a bien saisi le ton, jugez plutôt, et n'hésitez pas à découvrir le texte.

dimanche 7 janvier 2018

en sortant d'Enigma

« Nous sommes des fictions créées par notre ego. T'es-tu déjà demandé pourquoi nous mourons alors que les personnages de romans ne meurent jamais vraiment ? »

̶E̶n̶r̶i̶q̶u̶e̶ ̶V̶i̶l̶l̶a̶-̶M̶a̶t̶a̶s̶ Antoni Casas Ros, Enigma, p. 232

(Oui : Villa-Matas est un personnage, dans Enigma. et même si c'est à Joaquim, authentique personnage si j'ose dire, qu'il s'adresse, Casas Ros aussi en est un, au fond.) (Oui, je viens seulement de lire Enigma, qui est paru en 2009. Le temps n'existe pas. Si ?)
C'est une vraie question, la propriété intellectuelle, en littérature. Nous (nous qui écrivons) y sommes viscéralement attachés, au point de souhaiter la mort de qui nierait la nôtre. Et pourtant la littérature est aussi un organisme vivant, où les individualités – qui aiment à s'appeler elles-mêmes écrivains  écrivais-je l'autre jour – sont moins évidentes qu'on ne veut bien le dire. L'auteur est-il complètement l'auteur de ce qui paraît sous son nom ? Le passant qui ne jette pas un œil à la vitrine de la librairie n'est-il pas en partie responsable de ce qui s'y vend ?
(Précaution d'usage : Je ne pense jamais vraiment ce que je dis. Je le dis pour le penser.)

Ah, et aussi : du même auteur qu'Enigma (j'adore cette expression « du même auteur »), c'est l'Arpenteur des ténèbres, qui paraît ces jours-ci, aux éditions du Castor Astral.
Résultat de recherche d'images pour "pile de livres blancs"

samedi 6 janvier 2018

Emmanuel Macron et le léopon

Mais je vous assure, Monsieur Le Président, que le léopon n'est pas un fake !

Aucun texte alternatif disponible.



Le léopon
n’existe pas dans la nature
mais j’en ai vu un

en photo.

Notes sur les noms de la nature, éditions des Grands Champs.

mardi 2 janvier 2018

Un Nouveau Magazine Littéraire

Je viens de recevoir le premier numéro du Nouveau Magazine Littéraire. Dans ma boîte aux lettres, sans rien demander à personne, d'ailleurs je n'étais pas au courant de son existence. Mais ça tombe bien, tout ce qui est littéraire m'intéresse, et tout ce qui est nouveau aussi. La couverture n'est pas très engageante : « magazine » est écrit en très gros caractères, « nouveau » en tout petit, « littéraire » en plus petit encore. Quelque noms propres en couverture semblent d'ailleurs assez bien illustrer ces choix de police : Onfray, Beigbeder, Vallaud-Belkacem, Slimani... En revanche si on l'ouvre on peut avoir l'agréable surprise d'en rencontrer d'autres, plus engageants : Nina Allan, Horacio Quiroga, Will Self, Joël Baqué, Anthony Poiraudeau... J'ai juste feuilleté quelques pages au hasard, ça vaut peut-être la peine ; je vais regarder ça d'un peu plus près.