Et puis fin août (puisque la rentrée littéraire de septembre
commence fin août) le livre paraît. A la rentrée littéraire, il y
a une attention particulière portée aux premiers romans. Le Seuil
n’en avait qu’un à proposer ; Une affaire de regard
sera l’autre. Le premier premier roman de la rentrée, c’est
Putain, de Nelly Arcan. Je la vois invitée à l’émission
Durand la nuit de Guillaume Durand, ce présentateur qui
ponctue ses propos par « N’oublions que nous sommes dans une
émission littéraire. » Il est évident que le potentiel
commercial d’Une affaire de regard est inférieur, et que
son auteur aurait été nettement moins télégénique. Pourtant le
roman obtient quand même un accueil favorable de la presse. Une page
dans les Inrockuptibles, notamment, qui ignoreront par la
suite tout ce que mes éditeurs suivants pourront leur envoyer. Parmi
tous les journalistes qui se sont intéressés à mon premier roman,
deux seulement continueront à suivre mon travail chez d’autres
éditeurs que le Seuil (pourquoi ne pas les nommer ? Alain
Nicolas, de l’Humanité, et Isabelle Rüf, du quotidien
suisse le Temps). Ça dit quelque chose du travail de la
presse. Bien sûr je ne me souviens pas de tous ces articles, mais
j’en garde une impression générale qui fait contraste avec ceux
que j’ai eus depuis, chez d’autres éditeurs : j’ai du mal
à reconnaître mon roman. Un auteur renommé (a-t-il déjà ou
aura-t-il bientôt le Goncourt ? je ne sais plus) écrit à son
propos un article très élogieux et tout à fait hors sujet, à se
demander s’il l’a lu. J’ai l’impression très étrange qu’on
me prend pour un auteur branché. Et puis les articles s’espacent,
je reçois encore une invitation à devenir membre d’un club
littéraire parisien, j’ai vraiment oublié le nom de la dame qui
l’organise, il paraît qu’on a le droit d’y fumer ;
Nicolas Rey (il a dix ans de moins que moi à l’époque, bien sûr
comme c’était il y a vingt ans c’est logique qu’aujourd’hui
ce soit moi qui en aie dix de moins que lui) en est la coqueluche ;
je crains la contagion, je me garde bien de répondre. L’automne se
termine, les dernières feuilles tombent ; un peu hébété je
comprends qu’il est temps de passer à autre chose.
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