mardi 30 octobre 2018

Dans Annocque il y a le coq & l'âne.


Dans Annocque il y a le coq & l'âne. Car enfin qu'est-ce que cet auteur qui publie successivement un recueil d'aphorismes poétiques sur les plantes les champignons et les animaux, un roman érotique virtuel, et maintenant un recueil de cartes d'un prisonnier de la première guerre mondiale ? Du même auteur ? Vraiment ?
Évidemment non. Évidemment le même auteur n'est jamais même. Et pourtant si. Et pourtant c'est le même.
Car Notes sur les noms de la nature n'est pas un recueil d'aphorismes poétiques sur les plantes, les champignons et les animaux. Bien sûr il a fallu pas mal de botanique, de mycologie et de zoologie pour l'écrire (parce qu'on écrit avec ce qu'on connaît et que tous les sujets sont bons) et pourtant c'est avant tout un livre sur les mots. Sur les noms, plus précisément. D'ailleurs c'est écrit dans le titre. Quant à Seule la nuit tombe dans ses bras, ce n'est pas, ou en tout cas pas seulement, un roman érotique virtuel, ni seulement un roman d'amour virtuel, ni seulement une évocation sociétale des nouveaux modes de relation à l'ère numérique ou quelque chose comme ça, mais une invitation à s'interroger sur ce que peuvent, ou ne peuvent pas, les mots – mais cette fois-ci, entre les gens.
Et donc le 8 novembre paraîtra aux éditions Lunatique Mon jeune grand-père. Bien sûr, il s'agit des cartes que mon grand-père, tout jeune, écrivait à ses parents pendant sa captivité en Allemagne du printemps 1916 jusqu'à la fin de la guerre, et que j'ai recopiées en donnant à lire en même temps ma propre lecture immédiate. Rien de plus éloigné a priori des deux livres précédents. Et pourtant, en relisant Mon jeune grand-père, j'ai eu la surprise de trouver sous ma plume la même référence à Austin (« how to do things with words ») qu'au début de Seule la nuit tombe dans ses bras – non, je m'en souvenais pas. C'est que Mon jeune grand-père est aussi, à sa manière toute différente, un livre sur les mots. Quand les mots sont tout ce qui reste pour dire « je pense à vous », « je vous embrasse », « je suis vivant ». Pour le dire, sans pouvoir le faire, parce que la vie n'est plus visible, la vie est enfermée. Oui la vie a été sauvée par la captivité, très certainement ; mais la vie a été ôtée par la captivité, très probablement. Mais ça je vous le laisse lire.



lundi 29 octobre 2018

Nouvelles très brèves (22)


Le docteur Emilien Charpot aurait sûrement trouvé le remède à cette maladie, si Colette Levasseur n'avait pas raté le train qu'avait pris par erreur Amédée Charpot, lequel ne l'ayant pas rencontrée ce jour-là n'a pas pu l'épouser dix-huit mois plus tard ni lui faire les six enfants dont le benjamin, le jeune Emilien, se serait sans aucun doute très tôt fait remarquer par son goût pour la médecine. A quoi ma mort aura-t-elle tenu !



jeudi 25 octobre 2018

Martin, le héros et les autres.


Le héros et les autres, c'est l'histoire de Martin, qui ne sait pas comment faire avec les autres, dans toute leur quotidienne opacité, toute leur virilité ordinaire, et qui ne sait pas qui est le héros de sa propre histoire. Le héros prend la forme d'un jeune homme anonyme au cri muet, sur le point de mourir depuis un siècle, sans avoir rien demandé à personne, mais proclamé héros au milieu du square urbain d'une ville qui n'en est pas une, un peu absurde lui aussi ce square urbain à la campagne ; c'est peut-être pour ça que Martin aime ce lieu. Car Martin aime les lieux. Sa principale activité est de les parcourir, de les découvrir, de les faire découvrir. Depuis Passerage des décombres, du même Antonin Crenn, on avait compris que les lieux sont les lieux de la découverte de soi, ou quelque chose comme ça. Le héros et les autres est un bref et beau roman qui poursuit ce chemin. Il vient tout juste de paraître aux éditions Lunatique.



mercredi 24 octobre 2018

Nouvelles très brèves (21)


Sa dernière sensation au moment de mourir fut une vague impression de déjà vu, dont il eut à peine le temps de s'étonner.



lundi 22 octobre 2018

de toutes pièces


Il y a déjà dix ans, j'avais beaucoup aimé Contact, de Cécile Portier, publié dans la trop éphémère collection « Déplacements » des éditions du Seuil. De toutes pièces, récemment paru chez Quidam et que je viens de terminer, me fait encore plus forte impression. Le roman se présente sous la forme d'un journal, celui d'un narrateur anonyme, nommé « curateur » et chargé, sans savoir par qui, de constituer de toutes pièces un cabinet de curiosités. Les moyens financiers sont sans limites, le délai en revanche est bref. « J'aurais dû, bien sûr, refuser. Répondre aux lois du genre et aller vite, c'est antinomique. »
Si la première et immédiate jubilation du lecteur réside dans la constitution du cabinet de curiosités lui-même – vous le faire visiter déflorerait trop le livre et le plaisir est aussi dans la description même desdites curiosités, jubilation contagieuse car elle est aussi celle du narrateur-curateur ; c'est bien au-delà encore que ce récit nous entraîne. Car c'est l'histoire d'un homme qui cède à la tentation d'une illusion. L'anonymat des commanditaires, financièrement tout-puissants et toujours invisibles ; le non-dit qui entoure les motivations de la constitution de ce cabinet de curiosités ; la solitude du curateur dans son hangar perdu au milieu d'une France déshabitée qu'on appellerait volontiers nulle part ; tout cela vient implicitement interroger le lecteur sur le caractère illusoire et artificiel de ce qui prétend donner du sens à notre vie.



jeudi 18 octobre 2018

Répertoire des métiers imaginaires


Dompteur de voix sauvages, Métasophe, Ecorcheur de nuages, Ramasseuse de ricochets, Inquiéteur, Dédeuilleuse, Ramasseur de bonnets, Phonographiste mortuaire, Fromager-parfumeur, Haleiniste, Glossomancienne, Douanier du néant, Chef des baisers, Abyssologue, Remueur de boue...
A l'heure où votre emploi vous attend de l'autre côté de la rue, il est temps d'ouvrir ce Répertoire des métiers imaginaires (je ne les ai pas tous cités, il s'en faut de beaucoup, avec grâce répertoriés par Rémy Leboissetier et ses collaborateurs, parmi lesquels citons Henri Michaux, Fernand Combet, André Hardellet, Alphonse Allais, Tony Duvert, Pierre Dac, Primo Levi, Mark Twain, Marcel Aymé, Erik Satie, Julio Cortazar, Edgar Poe, Georges Perec ou Fred.
C'est aux éditions du Sandre et disponible dans toutes les bonnes librairies, sans parler de Pôle Emploi.



vendredi 12 octobre 2018

Donc les prochaines apparitions :


Donc les prochaines apparitions :
Mercredi 17 octobre à 19h30, la librairie Charybde (129 rue de Charenton à Paris) vous invite à une rencontre avec l'auteur de Seule la nuit tombe dans ses bras, je ferai mine d'être celui-là tandis que Christophe Brault en personne lira des extraits du roman,
Dimanche 28 octobre, je serai toute la journée au Salon de Rambouillet, à la salle Patenôtre (64 rue Gambetta), avec Seule la nuit et quelques autres titres,
Jeudi 8 novembre à partir de 19h, nous fêterons la parution de Mon jeune grand-père aux éditions Lunatique, ce sera à l'Espace l'Autre Livre, 13 rue de l'Ecole Polytechnique à Paris,
Samedi 17 novembre je serai l'après-midi au Salon de l'Autre Livre, 48 rue Vieille du Temple à Paris, toujours pour Mon jeune grand-père,
Dimanche 18 novembre je serai toute la journée au Salon des Essarts-le-Roi, rue du 11 novembre et ça tombe bien puisque ce sera le centenaire de la libération de Mon jeune grand-père et de quelques millions d'autres personnes ; il y aura aussi bien sûr Seule la nuit tombe dans ses bras et même quelques autres titres,
Vendredi 23 novembre à 19h, la librairie La Chouette à Lille (72 rue de l'Hôpital militaire) nous invite à un duo d'amour, Pauline Delabroy-Allard (Ça raconte Sarah, éd. de Minuit) et moi (moi l'auteur de Seule la nuit tombe dans ses bras – car Herbert, pour sa part, a écrit Même la nuit tombe dans ses bras, mais il viendra sûrement quand même lui aussi),
Vendredi 30 novembre au soir c'est à la librairie Tulitu à Bruxelles (rue de Flandres 55) qu'on pourra m'écouter parler de Seule la nuit tombe dans ses bras.



lundi 8 octobre 2018

Invasion (3)


En fait il est là le péché originel : être né individu appartenant à une espèce invasive et en avoir conscience.

Invasion (1) (2)

mercredi 3 octobre 2018

une petite librairie


Je ne comprends pas comment j'ai pu oublier cette petite librairie. J'y allais pourtant assez souvent, à une époque, il n'y a pas si longtemps, une dizaine d'années peut-être, peut-être un peu plus. Je revois bien la rue, elle montait légèrement, la librairie était sur la droite. Et un peu loin sur le trottoir de gauche ils avaient un autre local, tout petit. Je me rappelle une jeune femme, très dynamique, qui tenait la librairie. Il y avait d'autres personnes aussi. C'était un lieu plein d'originalité ; je ne saurais plus dire pourquoi mais oui : c'était un lieu plein d'originalité. J'avais du plaisir à y aller. Il me semble que nous avions des relations presque amicales, les libraires et moi ; j'y allais presque en visite. Ce n'était pas très loin de chez moi. Ce n'était pas à côté mais ce n'était pas très loin : c'était à Montfort-l'Amaury. Je ne comprends pas comment j'ai pu les oublier. J'en ai un peu honte. C'était à Montfort-l'Amaury sauf qu'à Montfort-l'Amaury il n'y a pas cette rue qui monte. Il y a des rues qui montent à Montfort-l'Amaury mais pas celle-là. Ce doit être pour ça que je n'arrive plus à mettre de visage ni de nom sur la silhouette de cette jeune libraire amie. C'est parce qu'ici, dans ce monde-ci, cette librairie-là, il faut bien que je l'admette, cette librairie-là n'a jamais existé. Mais elle a existé ailleurs, puisque je m'en souviens. Elle existe peut-être encore, ailleurs. La prochaine fois que j'irai ailleurs, j'essaierai d'y retourner.