Chroniques imaginaires de la mort vive, Melville éditeur, 2005.
Avec ce roman Philippe Annocque nous entraîne doucement dans les nasses
d'une histoire de meurtres traditionnelle menée avec une dose croissante de
suspense et magnifiquement aidée en cela par une écriture raffinée qui, tout en
restant allusive ne prétend pourtant pas à une légèreté qui ne siérait pas à
l'atmosphère pesante que dégage cette intrigue sise quelque part dans la France
profonde.
Ce roman n'offre pas une lecture facile, c'était aussi vrai
à propos du livre précédent de l'auteur commenté ici-même* ; sa volonté de dire
sans affirmer mais en effleurant demande une attention soutenue, parfois une
relecture de certaines lignes à la lumière de passages antérieurs ou
postérieurs. C'est qu'il ne faut manquer aucun maillon de cette histoire toute
en révélations feutrées, tout comme il faut prendre le temps de goûter le choix
des mots, de s'attarder sur la façon dont Ph. Annocque a choisi de les
distiller afin qu'ils tissent petit à petit dans la tête du lecteur précisément
ce que l'auteur a en tête. Philippe Annocque est un artisan de l'écriture, il
ne se précipite pas, ménage ses effets, s'impose des contraintes que
logiquement il impose aussi au lecteur qui se voit récompensé par une lecture
où absence de facilité rime avec plaisir ; le plaisir d'entrer dans le monde
épuré et impressionniste de l'auteur et de se laisser porter au fil de son
écriture finement travaillée, réfléchie, d'une classique élégance. Une fois le
roman refermé on a d'une part du mal à se défaire du malaise créé par
l'intrigue et on reste d'autre part un peu sonné, comme intimidé par le talent
d'un auteur bien discret. A découvrir donc, et à savourer lentement, au rythme
des nuages qui s'étirent dans le ciel d'hiver brouillé : "C'était
au-dessus du sol ras comme une infinité de nuages animés d'un étirement lent et
régulier, qui s'en allaient vers les sous-bois. D'autres plus bas et plus
denses à même le sol ne bougeaient pas, ils n'avaient pas cette fluidité diaphane
et ondoyante, cette propension à se diviser en un délicat déchirement ou au
contraire à s'agglomérer au point de ne plus faire qu'un qui caractérisait ceux
que dans l'instant tu prenais pour leurs reproductions éthérées.
Ce n'était, à dire sur un mode différent, rien d'autre que les restes d'un troupeau de moutons étendus répandus parmi la pâture et fumant encore du souvenir d'un récent carnage."
Ce n'était, à dire sur un mode différent, rien d'autre que les restes d'un troupeau de moutons étendus répandus parmi la pâture et fumant encore du souvenir d'un récent carnage."
- Au diable vauvert
(lecture sur Zazieweb) par
Calistoga
A
mi-parcours
L'ambiance
d'abord... J'ai tout de suite pensé aux Saisons
de Maurice Pons. Il fait glacial et le brouillard enveloppe paysage et
personnages dans un halo fantomatique. Est-on certain de ce qui se passe ? Rien
n'est moins sûr.
L'écriture
ensuite qui s'enroule autour d'une idée, en propositions successives qui
cherche à en épuiser le sens sans en prononcer le nom. Mais de quoi s'agit-il
enfin ?!
L'histoire
enfin. Cela fait froid dans le dos. J'ai du reposer souvent ce petit livre
précieux qui m'attache et que je repousse. Mais qui donc est cette bête
immonde ?
Vous
pouvez renoncer à lire ces chroniques si vous n’aimez pas la poésie, si
l’évocation de la quête d’un jeune soldat tout juste revenu des Flandres vous
indiffère, si jamais, petit, on ne vous a conté la terrible énigme de la bête du
Gévaudan, si, vous n’aimez pas les princesses fragiles à la peau translucide,
dont les yeux pâles cachent le mystère d’une vie secrète « derrière les
barreaux du portail dont la peinture n’est plus qu’un souvenir écaillé
dessinant des caractères sibyllins ».
Renoncez,
vous dis-je à essayer de comprendre le lien qui relie ces meurtres mystérieux
d’une jeune fille d’abord, de son père ensuite et d’autres encore. Serait-ce
lui, ce pauvre poilu, qui finit par tuer car toute humanité lui a été retiré
par ces années de barbarie au fond des tranchées ?
Mais si vous aimez vous laisser porter dans un lieu imaginaire, entre les terres de Gracq et de Pierre Michon (tentons le grand écart !), si l’histoire très ancienne des terroirs de France vous émeut, si la quête universelle des hommes et des femmes que la vie a rendus orphelins par trop de peine ou de souffrance vous concerne, alors oui, précipitez-vous sur ce petit volume que je m’en vais relire de ce pas.
Mais si vous aimez vous laisser porter dans un lieu imaginaire, entre les terres de Gracq et de Pierre Michon (tentons le grand écart !), si l’histoire très ancienne des terroirs de France vous émeut, si la quête universelle des hommes et des femmes que la vie a rendus orphelins par trop de peine ou de souffrance vous concerne, alors oui, précipitez-vous sur ce petit volume que je m’en vais relire de ce pas.
- Lecture de Chloé Dubreuil (Le blog de Chloé) :
C'est un récit étrange. En le lisant, je pensais aux Chants de Maldoror, mais aussi au Chien des Baskerville. L'atmosphère, sans aucun doute, faite de brume, d'appels inaudibles. Et ces assassinats horribles, incompréhensibles jusqu'à ce que la voix de la mort vive éclaire cette histoire. Les personnages eux-mêmes ont quelque chose de flou, d'incertain. C'est un récit daguerréotypé où tout est murmuré plutôt que dit, où tout semble recouvert d'un voile frémissant au rythme d'émotions vives. Ces chroniques imaginaires ne racontent pas la vie, elles racontent un rêve. Un rêve puissant et cruel, et qui vous chavirent le cœur et les sens.
C'est un récit étrange. En le lisant, je pensais aux Chants de Maldoror, mais aussi au Chien des Baskerville. L'atmosphère, sans aucun doute, faite de brume, d'appels inaudibles. Et ces assassinats horribles, incompréhensibles jusqu'à ce que la voix de la mort vive éclaire cette histoire. Les personnages eux-mêmes ont quelque chose de flou, d'incertain. C'est un récit daguerréotypé où tout est murmuré plutôt que dit, où tout semble recouvert d'un voile frémissant au rythme d'émotions vives. Ces chroniques imaginaires ne racontent pas la vie, elles racontent un rêve. Un rêve puissant et cruel, et qui vous chavirent le cœur et les sens.
- L'avis de Gérard Bobillier, des éditions Verdier, sur le manuscrit
- Billet sur le
Pandémonium littéraire.
- Billet sur les Chroniques
d'Asteline.