jeudi 30 septembre 2021

Brèves animales (53)

Pourquoi donc la pipistrelle et le cacatoès se retrouvent-ils si rarement dans la même phrase ?




mardi 28 septembre 2021

lundi 27 septembre 2021

Autopromotion alphabétique 6 : Mémoires des failles

Après L, M. Après Liquide, Mémoires des failles. Il est, ou plutôt ils sont parus après en effet : en 2015, aux éditions de l’Attente. Mais ils ont été commencés bien plus tôt, en 1982 au moins, voire encore avant, selon le degré de conscience que j’en avais. C’est qu’il y a toute une vie à l’intérieure. Une vie non tangible, certes, une vie non vécue, mais toute une vie quand même.

Mémoires des failles n’est pas un roman. Mémoires des failles n’est pas une fiction. Je n’y invente rien, je ne fais que m’y souvenir, et pourtant rien de ce que j’y raconte n’a été vécu. Les personnes que j’y évoque parfois, et qui pourtant pour la plupart sont des personnes « réelles », n’en ont aucun souvenir. C’est un récit poussé au plus degré de la subjectivité. Je l’ai construit à la force de l’attention, l’attention à ce qu’on ne voit pas, ce qu’on n’entend pas, ce qu’on oublie. Ma fascination y est à l’œuvre ; j’essaie de la partager.

Je me rends bien compte qu’il n’est pas facile de mettre des mots sur ce travail. En tout cas, c’est l’une des faces de mon travail qui compte vraiment à mes yeux.


« Dire les choses est vraiment un problème. Et on n’a cependant pas la naïveté de prétendre dire les choses telles qu’elles sont. Les choses n’ont vraiment rien à voir avec les mots. Sans doute faut-il, pour dire les choses au plus près, dire carrément n’importe quoi d’autre ; oui, c’est bien cela : dire carrément n’importe quoi d’autre, et compter sur la chance pour tomber juste. C’est la seule manière sérieuse d’écrire. »


Mémoires des failles, « Deuxième album, vingt-deuxième pellicule : château de sable, cuvette de WC, faune locale. » Éditions de l’Attente, 2015.




dimanche 26 septembre 2021

Brèves animales (50)

Le gorille et la zorille vivent sur le même continent, contrairement à la morille – mais elle, c’est un champignon.




samedi 25 septembre 2021

nous n’avons pas besoin de cette fiction récente

« Cette crise – la prise de conscience que la littérature n’existe pas, que les textes ne sauraient avoir de valeur en soi – peut déboucher sur des attitudes bien connues, comme celle de Rimbaud : on fait cesser la mascarade. On claque la porte, on part s’occuper de choses sérieuses. Il est alors amusant de voir les fidèles de la secte littéraire, pour justifier de rester quant à eux bloqués de l’autre côté de la sortie, déployer des trésors de rhétorique pâmée afin de faire de ce geste même un acte éminemment littéraire : toute une apologétique du renoncement essaime, le claquage de porte devient sacré. Les uns disent : Rimbaud au Panthéon ! Et les autres : Oh non ! Rimbaud est trop sacré pour le Panthéon ! Comme dans la Vie de Brian des Monty Python, toute tentative, par le pauvre écrivain, de nier l’existence de la littérature (comme il est raisonnable de le faire), apparaît aux disciples endoctrinés comme la preuve même de son génie littéraire.

Je dis « par le pauvre écrivain » : autant nous n’avons pas besoin de cette fiction récente, et sans doute ridicule, de la littérature, autant l’écriture est une activité tout ce qu’il y a de plus concrète et digne. Elle existe depuis longtemps et consiste à s’adresser, par le moyen de traces visibles dans le monde 1, à une subjectivité, afin de produire des effets dans le monde 2. En ce sens, montrer que le roi est nu, claquer la porte de la littérature, n’implique pas de renoncer à écrire : seulement d’arrêter de croire que des textes pourraient avoir une valeur indépendamment de leurs conditions de réception dans le monde 2. (...) »


Pierre Vinclair, Vie du poème, Lignes intérieures, 2021, pp 90-91.



lundi 20 septembre 2021

Autopromotion alphabétique 5 : Liquide

Après E, rien jusqu’à L. L comme Liquide. Liquide, c’est un roman cher à mon cœur. C’est le premier paru chez Quidam, en 2009 ; il y en aura six autres – et plus, j’espère. Je me souviens que, lorsque je l’ai commencé (à la fin de l’année 2002), je ne savais pas s’il était possible d’écrire tout un roman « comme ça ». « Comme ça », c’est-à-dire en effaçant la personne grammaticale tout en plaçant le lecteur dans la conscience du protagoniste. C’était déjà une pente naturelle de mon écriture, il fallait que j’aille jusqu’au bout. Le héros de Liquide souffre d’un effacement de la personnalité, à force de se conformer aux différents rôles que la société attend de lui – comme un liquide prend la forme du récipient. À ma connaissance, c’est le seul récit de toute l’histoire de la littérature, n’ayons pas peur des mots, entièrement mené à la personne zéro (sans que la langue en souffre, évidemment), mais c’est aussi l’un de mes livres où l’émotion reste la plus forte à la lecture. L’effacement de la personne – la personne zéro – était le moyen d’exprimer par la langue même la violence du conformisme social. Je me souviens aussi que, quand j’ai terminé l’écriture de Liquide, j’ai eu la conviction c’était ce que j’avais fait de mieux (c’était mon quatrième livre publié, au cours d’ailleurs d’une sorte de conjugaison inversée : j’ai écrit mon premier à la troisième personne, mon deuxième à la deuxième…) et même que c’est tout simplement un texte qui compte. Cette conviction, que Quidam a partagée, je l’ai encore, au point que je n’ai aucune pudeur à l’affirmer haut et fort.



jeudi 16 septembre 2021

Enig et moi

Aujourd’hui paraît dans la collection « les grands animaux » de Monsieur Toussaint Louverture la nouvelle édition d’Enig Marcheur, de Russell Hoban, dans la mémorable traduction de Nicolas Richard. J’en signe la préface (malgré ce qu’on peut voir sur le site de libraires mal renseignés) et n’en suis pas peu fier !



mercredi 15 septembre 2021

Mon quotidien fantastique

Anecdote vécue (ce matin à 8h30). Je vais chercher mes élèves dans la cour (une classe de sixième). On se dit bonjour ; un garçon, dans le rang, me félicite sur ma veste – je le trouve un peu familier, d’autant plus que la rentrée est encore toute proche : à surveiller. Mais surtout : son visage ne me dit rien du tout. Un nouveau ? (C’est peut-être pour ça aussi, et même d’autant plus, que je le trouve trop familier.) Ou bien un petit rigolo qui s’amuse à se ranger avec ses copains d’une autre classe ? À surveiller décidément. Je lui demande s’il vient d’arriver, il me répond non non – le fait est qu’il ne doit pas comprendre. On arrive en cours, je vais profiter de l’appel pour me souvenir de son nom. Arrivé à la fin de l’appel, je ne l’ai pas repéré : il a dû rejoindre sa vraie classe – mais j’ai peut-être mal regardé. Ou bien il est retourné à l’intérieur de mon imagination, ça arrive souvent. Et puis, finalement, au fond à droite, mais oui, c’est lui ; bien sûr que c’est lui. Attitude parfaitement correcte, bonne participation : je le remets très bien. Dans la cour, il était méconnaissable : il n’avait pas son masque.



lundi 13 septembre 2021

Autopromotion alphabétique 4 : Est-ce le livre en question ?

Après E, E encore ; après Élise et Lise, Est-ce le livre en question ?

En 2020, les éditions Le Nouvel Attila organise un concours d’auteurs forcément confinés, auquel j’ai participé. Est-ce le livre en question ? est un livre tout en questions, rien qu’en questions, écrit dans le but presque explicite que le lecteur se sente à peu près aussi rien, ou à tout le moins se sente à peu près aussi peu que son auteur : c’est qu’on est généreux, on a envie de partager ses doutes, et un peu plus que ça. C’est actuellement un livre numérique, auquel d’ailleurs je donnerais volontiers un jour une vie en papier, quitte à le développer encore (il n’y a pas de raison a priori pour arrêter de se poser des questions), et aussi une vie sonore, pourquoi pas : il se prête vraiment bien à la lecture orale.



mercredi 8 septembre 2021

Catastrophes à la Maison de la Poésie

Ne lésinons pas sur un titre accrocheur pour vous inviter vendredi soir (après-demain) à la Maison de la Poésie de Paris. Ce sera le lancement du nouveau numéro de la version papier de la revue Catastrophes. Nous serons quelques auteurs à intervenir : Guillaume Condello, Frédéric Forte, Julia Lepère, Cécile Riou, Pierre Vinclair et moi-même. J’y lirai quelques passages de Trois ductions de Kubla Khan ; il y est question de poésie, d’écriture, de rêve, de traduction...



dimanche 5 septembre 2021

Autopromotion alphabétique 3 : Élise et Lise

Après D, E ; après Dans mon oreille, Élise et Lise.

Élise et Lise est paru en février 2017 chez Quidam.

Je sortais de Pas Liev. Pas Liev, non content d’être l’expression de ma plus profonde inquiétude, en est devenu une source nouvelle. En terminant de l’écrire, puis en lisant les retours que j’en ai eu, la pensée que peut-être je n’écrirai plus jamais quelque chose d’aussi fort m’a traversé (me traverse encore). Je me rappelle une sensation de flottement les deux jours qui ont suivi la réponse (très) positive de Quidam. Mais il faut quand même bien continuer. Écrire, c’est vivre. Alors : Élise et Lise. Deux jours après, dans la fièvre coutumière. Élise et Lise, au départ c’est le croisement entre une conversation amicale (« tu te rappelles Une Telle, à la fac », « un vrai personnage de roman »), la typologie d’un certain comportement féminin dans le rapport à d’autres femmes, évoqué dans d’autres conversations (tenter de s’approprier l’apparence d’autrui) et la conscience soudaine que ce comportement, il était aussi le sujet même de certains contes que j’étudiais avec mes élèves. Ce qui tout de suite a aiguisé mon appétit, ça a été la nécessité de multiplier les points de vue (je n’avais jamais essayé), et d’en adopter un (en fait deux, non, trois) féminin – convaincu d’être moi-même, comme tout un chacun, potentiellement une jeune fille à problèmes, aussi bien qu’une bonne copine ; il suffisait d’aller chercher ces identités que mon apparence de quinquagénaire mâle dissimule peut-être. Aussi : assumer la référence littéraire (notamment deux contes de Grimm, assez peu connus en France), en faire une sorte de contrepoint au récit. Quelque chose d’apparemment girly qui, en réalité, fasse froid dans le dos.

À l’arrivée, le sentiment de n’avoir pas démérité. L’accueil critique l’a confirmé.



samedi 4 septembre 2021

une réflexion en langue des morts

Peu de temps pour lire en ce moment mais quand même : les Filles de Monroe, le nouveau roman d’Antoine Volodine vient de paraître. Le temps me manque aussi pour en parler vraiment. C’est une bonne entrée dans l’univers post-exotique pour le lecteur qui n’en serait pas familier, c’est aussi un des Volodine les plus noirs et les plus drôles, quand on aime l’humour du désastre. Tiens, un extrait :


Rebecca Rausch se balançait souplement d’une jambe sur l’autre. Elle se préparait à tout.

Le bruit des gouttes sur le toit annulait tous les autres bruits, annulait le craquement des planches sur le palier quand Rebecca Rausch changeait de point d’appui, effaçait nos respirations, les haut-le-cœur et les déglutitions anxieuses de Breton.

– S’il y a du grabuge, je resterai peut-être sur le palier, chuchotais-je prudemment.

– Fuck you, Breton ! siffla Rebecca Rausch en poussant la porte d’une bourrade.

Elle fit aussitôt la lumière dans la pièce. Par terre traînaient des vêtements ensanglantés, des débris de plâtre, des douilles, et ce que je reconnaissais comme les vestiges d’une cérémonie chamanique, des colliers de plumes déchiquetés, des perles colorées dispersées, des morceaux de bois carbonisé, un tambourin crevé. Des balles de fusil ou de revolver avaient creusé des cratères dans tous les murs. Le vasistas était cassé, de l’eau coulait depuis le toit, formant un petit ruisseau qui passait sous le lit pour se perdre dans la salle de bains.

Breton entra à son tour.

– Ben moi qui parlais de grabuge, commenta-t-il.

– Un sacré grabuge qu’il y a eu ici, enchéris-je.

– Merde alors ! Que ça devait être un endroit sûr, déplora Rebecca Rausch.

Je me baissai, récoltai quelques perles en verre bleuté, une turquoise, une azur, une marine, quelques plumes. Je fourrai cela dans une poche.

– Pourquoi tu fais ça ? demanda Rebecca Rausch.

– En souvenir, expliquais-je.

– C’est piller les morts, me reprocha Rebecca Rausch.

Déjà nous avions éteint derrière nous, refermé la porte, et nous étions en train de redescendre en direction de la rue. Au premier étage, les vieux bougonnèrent. Rebecca Rausch se tourna vers eux et leur lança une réflexion en langue des morts.

– Qu’est-ce qu’elle dit ? demanda la vieille.

– Qu’on aille se faire foutre, traduisit le vieux.

– C’est qu’une folle, dit la vieille. Elle est même pas vivante.