samedi 31 décembre 2011

c’est des vœux, quoi


– C’est bientôt fini.
– C’est pas dommage. Elle a fait son temps.
– Et puis elle n’a jamais très bien marché.
– C’est le moins qu’on puisse dire.
– Il paraît qu’il y a un nouveau modèle qui va sortir demain.
– C’est vrai ? C’est sûr ?
– Il paraît.
– Et ce sera mieux ?
– Il paraît.
– Bon.
– …
– …


Commentaires

On verra, quoi...  Bonne année à vous !
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna le 01/01/2012 à 09h22
Merci Gilbert !
Réponse de PhA le 02/01/2012 à 19h16
Espérons avec Higelin que puisqu' "hier c'était dur peut-être, demais ça s'ra vach'ment mieux" !
Commentaire n°2 posté par Françoise Granger le 01/01/2012 à 11h01
Mais oui !
Réponse de PhA le 02/01/2012 à 19h17
Elle a tout changé cette année qui vient de se terminer...
Bonne et heureuse année 2012 !
Céline
Commentaire n°3 posté par céline le 01/01/2012 à 12h35
Merci Céline, elle sera bonne si on arrive à se voir ! La bise et bonne année !
Réponse de PhA le 02/01/2012 à 19h18
êtes-vous sûr que ce n'est pas encore un argument vendeur pour nous en faire changer?
Bonne année!
Commentaire n°4 posté par aléna le 01/01/2012 à 13h26
Ah, cette manie de la nouveauté... on s'est à peine habitué à une année que déjà il faut en changer ; je vous demande un peu... Bonne année quand même !
Réponse de PhA le 02/01/2012 à 19h21
Une pleine mallette de voeux étincelants (passée sous le manteau à la frontière, mais chut !) pour le maître de ces lieux et ses amis !
Na.
Commentaire n°5 posté par Sophie K. le 01/01/2012 à 13h37
Oh, merci !
Réponse de PhA le 02/01/2012 à 19h21
Et puis, vous savez quoi ? y a pas de mal à se souhaiter du bien (alors on ne s'en privera pas !)
Commentaire n°6 posté par L'employée aux écritures le 01/01/2012 à 19h36
Vous avez raison : au diable les privations !
Réponse de PhA le 02/01/2012 à 19h22
Il paraît que... ça ne pourra pas être pire:))!
Bonne année à vous... toustes! Atchoum!
Commentaire n°7 posté par Ambre le 01/01/2012 à 19h53
Le fait est qu'on est tenté de le croire. Merci et bonne année !
Réponse de PhA le 02/01/2012 à 19h23
Une année du feu de Dieu !
Commentaire n°8 posté par Zoë Lucider le 02/01/2012 à 14h31
Merci, nom d'un petit bonhomme, et à vous de même !
Réponse de PhA le 02/01/2012 à 19h25
 

jeudi 29 décembre 2011

mon syndrome Bartleby ?


D’où ça vient, ce petit questionnement sur la légitimité du dire ? C’est sûrement parce que j’étais en train de lire Atopia d’Eric Bonnargent (le Vampire actif, 2011). Au début je pensais lire en priorité la préface parce que ce qu’il appelle Atopia me parle (ou plutôt je me sens concerné) et les articles sur les œuvres déjà lues (dont celles de BS Johnson et de RD Brinkmann, notamment), et puis je me suis pris à le lire d’un bout à l’autre – comme un roman, quoi –, pas surpris bien sûr de me trouver encore plus concerné peut-être par le syndrome Bartleby (c’est le titre vila-matien de la huitième section, et c’est là que j’en étais de ma lecture).
Allez, quelques très bons articles – et une interview – pour en savoir plus (j’en oublie sûrement beaucoup)…

mardi 27 décembre 2011

quelque chose à dire

Voilà. Il faut avoir quelque chose à dire. Quelque chose qui rendrait légitime la prise de parole. Seul quelque chose à dire rend le dire légitime.
Tiens, ça me rappelle mes rédactions de primaire. Très vides, elles étaient, tellement vif était mon sentiment qu’il n’y avait rien à dire – rien qui vaille. « Racontez vos dernières vacances. » Ça se raconte ?
Voilà. J’ai à dire qu’il n’y a pas grand-chose à dire. Presque rien. Que dire ne peut que rester illégitime. Le dire encore.





Commentaires

Mais vous le dites si bien !
Commentaire n°1 posté par L'employée aux écritures le 27/12/2011 à 18h15
Peut-être est-ce tout ce qui nous reste.
Réponse de PhA le 29/12/2011 à 19h09
Et ça va mieux en le disant.
Commentaire n°2 posté par Zoë Lucider le 27/12/2011 à 19h44
Le fait est.
Le fait est que répéter à tort (à travers, je veux bien) qu'un écrivain doit avoir quelque chose à dire, ce n'est pas forcément faux, mais c'est la justification de tous ces livres dont le succès est fondé sur le sujet, qui souvent devient un prétexte. (A ce compte-là, on peut même faire de la Shoah un prétexte. Et je m'insurge.)
Réponse de PhA le 29/12/2011 à 19h13
Oui, mais alors les soirées sont longues... (L'écrivain dit quelque chose, je n'en démords Pas!)
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 28/12/2011 à 11h18
Vous avez raison, et je le prouve : "Quelque chose !"
Réponse de PhA le 29/12/2011 à 19h15
Il faut dire ce qu'il faut taire.
Commentaire n°4 posté par tor-ups le 28/12/2011 à 12h51
Voilà ! (Dit-on mieux en taisant ou tait-on mieux en disant ?)
Réponse de PhA le 29/12/2011 à 19h18
mais oui! je suis tout à fait d'accord avec vous! si les hommes ont la faculté de la parole c'est que leur vocation est le rien!
Commentaire n°5 posté par aléna le 28/12/2011 à 16h01
Ben tiens ! Si l'on pouvait vraiment dire les choses, il n'y aurait pas de littérature.
Réponse de PhA le 29/12/2011 à 19h20
"Si vous voulez que je vous dise,"...
(C'est la premise phrase de L'attrape-coeurs"...)
Commentaire n°6 posté par Ambre le 28/12/2011 à 16h09
Mais oui, I remember (car à l'époque je lisais en VO).
Réponse de PhA le 29/12/2011 à 19h22
Moi non plus je n'ai pas grand-chose à dire. Je n'ai pas forcément beaucoup d'imagination non plus. C'est peut-être pour ça que je dis, que j'imagine.
Commentaire n°7 posté par Dominique Boudou le 31/12/2011 à 19h05
Et c'est pour ça que ça vaut la peine.
Réponse de PhA le 31/12/2011 à 19h08
 

mardi 20 décembre 2011

hublot des éditeurs

Actes Sud, Action poétique, Al dante, Allia, Alma, Les Allusifs, L’Anabase, L’Anacoluthe, L’Arbre vengeur, L’Archange minotaure, Argol, L’Atelier In8, L’Attente, Le Bleu du ciel, Christian Bourgois, Buchet Chastel, Cambourakis, Les Carnets du dessert de lune, Champ vallon, Le Chemin de fer, Cheyne, Un Comptoir d’édition, Les Contrebandiers, José Corti, Denoël, Denoël (Présence du futur), Les doigts dans la prose, Echo & Co, L’école des loisirs, Fata Morgana, Fayard, Fissile, Flammarion (Poésie), Les Flohic, Gallimard (la Blanche), Gallimard (le Chemin), Gallimard (L’Infini), Le grand os, Grasset, Viviane Hamy, In fine, L’Inventaire, Lettres vives, Joëlle Losfeld, Melville, MF, Michalon, Minuit, Le Mot et le Reste, L’Olivier, PARC, Eric Pesty, Le petit véhicule, Les petits matins (collection les grands soirs), POL, PUF, Quidam, Le Rouergue, Léo Scheer (LaureLi), le Seuil (Cadre rouge), le Seuil (Déplacements), le Seuil (Fiction & Cie), Le Sonneur, Stock (la Bleue), Stock (La Forêt), La Table ronde, Le Temps qu’il fait, Laurence Teper, Le Tigre, Verdier, Verticales.
 
Voilà. Ce sont les éditeurs dont certains titres font l’objet d’un billet sur Hublots. Bien sûr ça n’a rien d’exhaustif : et même à moi ça me fait bizarre de ne voir pas y voir Maurice Nadeau, l’Esprit des Péninsules ou Sabine Wespieser, parmi beaucoup d’autres – mais il faut penser que ce blog n’a que trois ans et que je n’ai jamais pensé à en faire un panorama du paysage éditorial français. En plus parmi les mentionnés il y en a quelques-uns qui ont cessé leur activité. Peu importe, ce n’est pas pour autant qu’ils n’existent plus. C’était fatigant de mettre des liens à tout le monde, alors j’en ai mis surtout pour ceux que vous pouviez ne pas connaître (quand ils ont un site), ou bien dont le site vaut toujours le détour. Bon et puis c’est bientôt Noël, hein ; il est encore temps de faire les cadeaux qu’il faut.


Commentaires

C'est une idée formidable que ce recensement, même incomplet, en cette période de fêtes. Je partage sur ma page FB.
Commentaire n°1 posté par Françoise Granger le 20/12/2011 à 13h40
Merci !
Réponse de PhA le 20/12/2011 à 23h11
Oui! Belle idée! (Mais quel travail AUSSI!)
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 20/12/2011 à 14h19
Une petite allergie ?
Réponse de PhA le 20/12/2011 à 23h12
Je vois dans la liste des éditeurs, comme par un coup de baguette magique, Fata Morgana, je le citais justement lundi et mardi sur mon blog avec un livre de René Crevel, datant de 1930, sur Paul Klee, réédité en juin de cette année.
Commentaire n°3 posté par Dominique Hasselmann le 21/12/2011 à 12h28
Ah, c'en est un beau !
Réponse de PhA le 22/12/2011 à 12h19

hublot des éditeurs

Actes Sud, Action poétique, Al dante, Allia, Alma, Les Allusifs, L’Anabase, L’Anacoluthe, L’Arbre vengeur, L’Archange minotaure, Argol, L’Atelier In8, L’Attente, Le Bleu du ciel, Christian Bourgois, Buchet Chastel, Cambourakis, Les Carnets du dessert de lune, Champ vallon, Le Chemin de fer, Cheyne, Un Comptoir d’édition, Les Contrebandiers, José Corti, Denoël, Denoël (Présence du futur), Les doigts dans la prose, Echo & Co, L’école des loisirs, Fata Morgana, Fayard, Fissile, Flammarion (Poésie), Les Flohic, Gallimard (la Blanche), Gallimard (le Chemin), Gallimard (L’Infini), Le grand os, Grasset, Viviane Hamy, In fine, L’Inventaire, Lettres vives, Joëlle Losfeld, Melville, MF, Michalon, Minuit, Le Mot et le Reste, L’Olivier, PARC, Eric Pesty, Le petit véhicule, Les petits matins (collection les grands soirs), POL, PUF, Quidam, Le Rouergue, Léo Scheer (LaureLi), le Seuil (Cadre rouge), le Seuil (Déplacements), le Seuil (Fiction & Cie), Le Sonneur, Stock (la Bleue), Stock (La Forêt), La Table ronde, Le Temps qu’il fait, Laurence Teper, Le Tigre, Verdier, Verticales.
 
Voilà. Ce sont les éditeurs dont certains titres font l’objet d’un billet sur Hublots. Bien sûr ça n’a rien d’exhaustif : et même à moi ça me fait bizarre de ne voir pas y voir Maurice Nadeau, l’Esprit des Péninsules ou Sabine Wespieser, parmi beaucoup d’autres – mais il faut penser que ce blog n’a que trois ans et que je n’ai jamais pensé à en faire un panorama du paysage éditorial français. En plus parmi les mentionnés il y en a quelques-uns qui ont cessé leur activité. Peu importe, ce n’est pas pour autant qu’ils n’existent plus. C’était fatigant de mettre des liens à tout le monde, alors j’en ai mis surtout pour ceux que vous pouviez ne pas connaître (quand ils ont un site), ou bien dont le site vaut toujours le détour. Bon et puis c’est bientôt Noël, hein ; il est encore temps de faire les cadeaux qu’il faut.

lundi 19 décembre 2011

à deux face à la mer (éternelle)


http://www.mollat.com/cache/Couvertures/9782818013403.jpg 
Ils restituent les vélos et se retrouvent face à la mer où des mouettes picorent à leur manière, en piqué avec élan, puis s’approchent du rivage à pas lents comme font les couples d’amoureux ou qui envisagent de le devenir puisque tout s’y prête ; les couchers de soleil sur l’horizon marin maintiennent leur position de tube majeur des charts paysagers. Après quelques pas la jeune femme ramasse un coquillage et le lui donne. Il le regarde, dit « il est beau » et ne sachant qu’en faire le met dans sa poche. Elle en ramasse un second, le même, en forme de macaroni torsadé, apparemment l’espèce locale la plus commune, qu’il met aussi dans sa poche après avoir constaté à voix haute qu’il est encore plus beau que le premier. Encouragé à prospecter le sable il se baisse à son tour et ramasse un galet qu’il ne lui propose pas, mais prenant quelques pas d’élan il tente un ricochet. Flop. Il dit qu’il a perdu le tour de main, ou plus précisément le coup de poignet, tout est là, dans le parfait relâchement du poignet, comme au lancer de fléchettes ou de frisbee. Un promeneur flamand émet quelques sons gutturaux et fait signe que les jets de pierre sont interdits. Un crabe traverse devant eux, petit, mou, en ligne droite.
Elle renonce à ramasser des coquillages qu’il met dans sa poche sans les regarder vraiment, il abandonne les ricochets qui coulent à pic et sont interdits sur les surfaces publiques. Sur initiative du représentant ils se reprennent la main ; la jeune femme, toujours à droite, à la place passager, se laisse conduire le long du rivage boueux. Ils regardent la mer engloutir la dernière portion du soleil couchant et par association d’idée il embrasse sa compagne dans le cou. Compréhensive, elle laisse s’exprimer cette fausse spontanéité typiquement masculine. Devant eux s’étend la mer (éternelle) et sa monotonie (moutonnante). Ils piétinent encore un peu dans le sable puis s’en retournent vers les immeubles de villégiature dont les parkings souterrains commencent à s’ouvrir devant les 4x4 que leurs propriétaires vont ranger pour la nuit et qu’ils jouiront de sentir là, sous eux, malgré l’épaisseur de plusieurs étages, comme la princesse du conte sentait son petit pois sous dix matelas, à la différence qu’un Flamand dort d’autant mieux qu’il couve au plus près sa bien-aimée masse de métal. Elle pointe du doigt le plus haut des immeubles et propose :
– Si on prenait un verre chez moi ?
 
Joël Baqué, Aire du mouton, POL, 2011, p. 97 à 99.
 
C’est au moment où l’on s’interroge – montera-elle ou non ? – que l’histoire de la mayonnaise nous passionne vraiment ; alors, oui : l’étirer à l’échelle d’un livre entier, dans cette Aire du mouton il y a vraiment de quoi se régaler. Lisez-en davantage ici, notamment l’article du Matricule des Anges.

jeudi 15 décembre 2011

un soupçon d’exigence


« Nous posons qu’il n’y a pas de littérature exigeante », lis-je tout à l’heure chez Marie Cosnay. Posons cela en effet. Moi qui me suis pendant longtemps considéré, qui me considère encore comme un tempérament de dilettante, voici qu’avec les années je me vois de plus en plus souvent soupçonné d’exigence, et cela dans les deux activités que j’exerce. Souvent c’est plutôt un compliment, parfois un gentil reproche. Je serais, semble-t-il, un professeur exigeant. De la même manière que je serais – vous ne me ferez pas quitter le conditionnel – un écrivain exigeant. Je n’y crois pas une seconde. Mon exigence très relative de professeur, ce n’est que l’estime accordée a priori à tous les élèves parce que sans ce préalable on ne va pas bien loin. Quant à celle de l’écrivain, je me souviens qu’on m’en a parlé dès la publication de mon premier roman, alors que précisément j’avais pris soin d’écrire pour l’occasion quelque chose de facile à lire et de drôle (c’est d’ailleurs pour ça que la publication en a été si facile), assez éloigné en réalité de mes exigences affirmées de l’époque – qui n’ont au fond jamais vraiment eu d’existence que dans mes intentions. Non, je n’exige rien, et reste convaincu que la lecture de mes livres, comme celle de beaucoup d’auteurs que j’aime, est accessible à qui en a envie. En revanche et dans un autre sens, que la littérature ait pour moi des exigences, je le sens terriblement – au moment d’écrire.


Commentaires

Nous, nous déposons la littérature exigeante. (c'est déjà plus autoritaire) et nous exigeons la littérature pausante. (Paf!)
Commentaire n°1 posté par Thaddée le 15/12/2011 à 19h49
Ah non, vous ne ferez pas de moi un poseur. (Mais un pauseur, après tout...)
Réponse de PhA le 16/12/2011 à 20h05
Continuez ! C'est impératif, c'est mon axigence de lectrice. (Je ne pouvais plus déposer de commentaire, overblog m'a rétablie dans mes droits, je vais me gêner !)
Commentaire n°2 posté par Françoise Granger le 16/12/2011 à 11h23
J'aime ces impératifs. (Mais qu'aviez-vous donc fait à ce malheureux Overblog pour qu'il vous censure ainsi ?)
Réponse de PhA le 16/12/2011 à 20h06
J'exige une explication! 
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 16/12/2011 à 11h30
Je vous prépare une notice.
Réponse de PhA le 16/12/2011 à 20h51
Manquerai-je d'exigence pour avoir adoré Par temps clair?
La clarté de l'écriture n'empêche pas l'exigence de l'écrivain.
Commentaire n°4 posté par Ambre le 16/12/2011 à 15h00
Ah mais l'exigence du lecteur (ou de la lectrice), j'y tiens !
Réponse de PhA le 16/12/2011 à 20h53
Zut j'ai appuyé sur "envoyer" au lieu d'appuer sur ma barre d'espacement (0_0).
Je voulais rajouter qu'il était évident que vous êtes un écrivain exigeant, sinon je ne vous lirais pas. On ne m'appelle pas Modeste:)
Commentaire n°5 posté par Ambre le 16/12/2011 à 15h02
Souvent j'ai l'impression que c'est l'écriture qui exige de moi quelque chose, comme si j'étais plus "exigé" qu'exigeant.
Réponse de PhA le 16/12/2011 à 20h55
Ah ah ah! d'appuYer.
(faudrait que je sois plus exigeante à la relecture...)
Commentaire n°6 posté par Ambre le 16/12/2011 à 15h03
L'exigence ne peut être qu'intérieure - comme certaine cicatrice - quoi que l'on fasse.
Ensuite, le reste est sans doute superficiel, mais peut se voir :  comme une cicatrice aussi, plus apparente alors.
Commentaire n°7 posté par Dominique Hasselmann le 16/12/2011 à 16h03
Ce qui me pousse remonte de si loin que je ne vois plus d'où - et c'est sans doute aussi bien.
Réponse de PhA le 16/12/2011 à 20h57
Il est amusant de voir comment aujourd'hui on se sert des mots mal à propos pour insulter. L'exigence nous est jetée à la figure telle une insulte, oui, alors que c'est une qualité. Il ne faut pas se défendre d'être exigent sinon c'est faire le lit de la paresse (employée dans le sens le plus populaire du terme, c'est-à-dire mal à propos et dans sa négativité), c'est baisser les bras, abandonner et perdre sa place - il serait dès lors trop tard pour se plaindre... car l'exigence s'adresse à une niche, dans tous les secteurs d'activité. Ne pas confondre exigence et élitisme.
Commentaire n°8 posté par Pascale le 16/12/2011 à 17h07
Une insulte, peut-être pas ; mais un doux reproche pour faire passer une pilule un peu amère.
Réponse de PhA le 16/12/2011 à 21h01
Tu es bien gentil avec ton "doux reproche"... moi je l'ai souvent vécu (en tentant de conseiller des livres) comme un méchant et violent reproche. Je ne le prends pas comme toi par contre, n'avalant pas une "pilule amère". Car je trouve logique et normal de ne pas attirer trop de monde sur les chemins de traverse où il faut être curieux et aventureux, ce n'est pas facile ni donné à tout le monde. On le sait, dès le départ que ça va être un pari, que l'on gagne de temps en temps, que l'on perd plus souvent. Mais le peu de monde qu'on a su parfois accrocher est une belle récompense en soi.
Commentaire n°9 posté par Pascale le 16/12/2011 à 22h22
C'est vrai, je l'avoue : je suis gentil.
Réponse de PhA le 17/12/2011 à 14h57
Aîe, attention, être gentil n'a pas bonne presse non plus. Dit sur un certain ton, ça peut signifier "être un peur attardé".
Ne pas confondre l'exigence faite à soi-même et ce qu'on exige, dans la violence, des autres
Commentaire n°10 posté par Zoë Lucider le 17/12/2011 à 20h08
Hé ! Je sais bien ! Le problème c'est que Philippe est gentil.
Réponse de PhA le 17/12/2011 à 20h47
Tout à fait Zoé, et même sans violence. Certains ne sont pas exigents, d'autres le sont, autrement que soi. Il ne faut donc pas être amer, ça ne change rien.
Commentaire n°11 posté par Pascale le 18/12/2011 à 09h49

dimanche 11 décembre 2011

rester dans l’ombre


http://www.musee-virtuel.com/docs/giono/giono.gif 
Je prononce d’abord la formule d’exorcisme moderne : Les héros de ce roman appartiennent à la fiction romanesque, et toute ressemblance avec des contemporains vivants ou morts est entièrement fortuite ; également toute similitude de noms propres.
Rien n’est vrai. Même pas moi ; ni les miens ; ni mes amis. Tout est faux.
Maintenant, allons-y. Ici commence Noé.
Je venais de finir d’écrire Un roi sans divertissement. La tête de Langlois venait à peine d’éclater sur mon papier que je me suis dit (et très violemment) : « Tu as mené ce personnage jusqu’au bout de son destin. Il est mort, maintenant. Il est là, étendu par terre dans son sang et sa cervelle répandus. Là-bas, Delphine et Saucisse viennent d’ouvrir la porte du bungalove ; elles appellent Langlois comme si elles espéraient qu’il va encore pouvoir leur répondre. Et, est-ce qu’il ne leur répond pas, tel qu’il est là ? Est-ce que ce n’est pas une réponse suffisante ? Si tu fais tant que d’attendre que Delphine arrive au bord du carnage avec ses petits souliers fins ; si tu fais tant que d’essayer de la décrire, retroussant ses jupes au-dessus du sang et de la cervelle de Langlois comme au bord d’une flaque de boue, tu vas voir que Delphine va vivre. Alors, tu n’as pas fini. Tu sais bien qu’elle est toute neuve. Est-ce qu’elle était préparée à cet éclat ? Non. Tu l’as dit toi-même : elle avait rangé soigneusement les boîtes à cigare de chaque côté de la glace de la cheminée. Et n’oublie pas que tu as parlé de ce tablier blanc (impeccable, à bavette brodée) qu’elle faisait porter à sa petite bonne dans la maison de Grenoble. Tout ça, ce sont des signes. Amène-la seulement jusqu’ici ; attends qu’elle ait traversé le labyrinthe de buis (où tu entends déjà qu’elle court en frappant les dalles de ses talons de bottines comme une biche frappe les rochers de ses sabots) et tu verras qu’elle va vivre.
 
Jean Giono, Noé, la Table ronde, 1947.
 
Ce billet en réponse à une amie grande lectrice qui cherche Noé et a du mal à le trouver. Sans être pour ma part inconditionnel de Giono, je reste toujours fasciné par Un roi sans divertissement (un jour je raconterai peut-être l’histoire de cette lecture-là), et j’ai aussi la plus grande tendresse pour ce Noé. Qui, en effet, reste encore assez peu connu du public, et à peu près introuvable. Comme si, même quand l’auteur est célèbre, la littérature aimait à rester dans l’ombre.



Commentaires

tendresse partagée presque plus pour Noé que pour le roi - ah les paysages qui entrent pas la bitbliothèque et sortent par la fenêtre (enfin à peu près)
Commentaire n°1 posté par brigetoun le 11/12/2011 à 17h38
(La lecture d'Un roi est liée pour moi à une histoire d'amitié adolescente, alors forcément...)
Noé, un vrai beau grand texte ; c'est sûrement pour ça qu'il est si peu connu.
Réponse de PhA le 11/12/2011 à 17h44
Merci Philippe, et oui je le cherche et le trouverai un jour...
Commentaire n°2 posté par Pascale le 11/12/2011 à 17h46
C'est beau, les quêtes.
Réponse de PhA le 11/12/2011 à 18h07
Un regain pour la réédition de Noé s'imposerait...
Commentaire n°3 posté par Dominique Hasselmann le 12/12/2011 à 07h42
Ce serait un bonheur fou.
Réponse de PhA le 13/12/2011 à 18h23
En effet, si vous trouvez Noé avant moi, offrez-le moi pour Noël ou mon anniversaire, car je ne le trouve pas non plus.
De Giono, avez-vous lu Un de Baumugnes ?
Commentaire n°4 posté par Anna de Sandre le 17/12/2011 à 09h42
Un Noé pour elle, pour son Noël !
(Non, mais j'ai lu Colline.)
Réponse de PhA le 17/12/2011 à 20h50
Lisez-le.
Commentaire n°5 posté par Anna de Sandre le 17/12/2011 à 22h03
Bien. (J'apprécie toujours l'autorité.)
Réponse de PhA le 20/12/2011 à 23h11

samedi 10 décembre 2011

comme si quand même...


On dirait...
 
Dans un massif voisin, à présent que me voilà d’humeur botanique, je repère, à la couleur, au port, un pied de sauge volubile, comme elle se répand le long des murets de pierres sèches à Lagarrigue, empiétant chaque année un peu plus sur la largeur de l’allée.
 
Me rapprochant, je suis moins convaincu de la ressemblance, les feuilles ne présentant pas la consistance duveteuse attendue, ce que confirme, au toucher, une rigidité, un vernis sans rapport avec le pelucheux aromatique.
 
Pourquoi, quand même, j’écrase une feuille entre les doigts quand je suis sûr que ce n’est pas ça ?
 
Je me fais cette question et pas plus maintenant qu’alors ne découvre de réponse satisfaisante. Comme si quand même...
 
 
Gabriel Bergounioux, Mes nippes, Champ Vallon, 2011, p. 97.
 
… quelque chose en nous persistait malgré tout à croire au pouvoir magique de notre regard.
http://multimedia.fnac.com/multimedia/FR/images_produits/FR/Fnac.com/ZoomPE/6/7/5/9782876735576.jpg

dimanche 4 décembre 2011

Eric Chevillard lit Jérôme Lafargue


Tiens, voici que dans le Monde Eric Chevillard lit Jérôme Lafargue ! A moi qui lis les deux, forcément, ça me fait plaisir. D’autant plus que dans les deux cas, ce sont des lectures qui ont compté, ai-je déjà raconté ici (Chevillard) et (Lafargue).
Tiens, ça me fait penser que vendredi (le 9 décembre, donc, à 20 heures), il sera au MK2 (Quai de Loire - 75019 Paris, M° Jaurès ou Stalingrad), Jérôme Lafargue, pour parler de l’Année de l’Hippocampe, bien sûr, mais aussi de l’Ami Butler et de Dans les ombres sylvestres.
http://www.quidamediteur.com/imagenes/portadas/AnneHIppocampeG.jpg


Commentaires

je vous lis en sortant de chez Chevillard - et c'est une combinaison assez amusante.
(faudra que je ré-essaie pour voir...)
Commentaire n°1 posté par aléna le 05/12/2011 à 12h19
Oui, réessayez donc cette combinaison que vous portiez chez Chevillard, pour voir ; mais oui, elle vous va à ravir !
(Enfin, Aléna ! qu'allez-vous me faire écrire !)
Réponse de PhA le 06/12/2011 à 22h53
Bien envie de le lire cet "... Hippocampe". Et puis, l'auteur a un petit air fripon sur la photo, ça se voit qu'il est né en 68
@ Aléna : vous sortez de chez Chevillard??? Veinarde! Alors, il va le publier ou pas ce bouquin? Il hésite dit-il... d'un ton fripon:))
Commentaire n°2 posté par Ambre le 05/12/2011 à 20h05
Oui, cet hippocampe mérite la dégustation. (Fripon, tiens ; c'est aussi ce qu'on pourrait dire de son rapport à la fiction.)
Réponse de PhA le 06/12/2011 à 22h55
Ah, je n'en suis qu'au tiers mais je me délecte, je me délice, je me vautre. Et Butler qui m'avait tant réjoui. C'est grâce à vous, Philippe, merci encore !
Commentaire n°3 posté par R1 le 28/12/2011 à 18h44
Et vous n'êtes pas au bout de vos surprises...
Réponse de PhA le 29/12/2011 à 19h22

vendredi 25 novembre 2011

en famille


Je n’avais pas encore lu le Son de ma voix de Ron Butlin. Quidam vient de le sortir dans sa toute nouvelle collection In the pocket, de très jolis poche, ou semi-poche ; c’était l’occasion. Dès le début, quand j’ai lu la première phrase, « Tu étais à la fête quand ton père est mort », je me suis senti étrangement en famille. Je ne sais pas si c’est ma pratique de la lecture qui tourne de plus en plus autour de mon nombril, car s’il n’y avait pas l’alcool pour faire office de sujet – alors que personnellement j’ai tendance presque malgré moi à gommer tout ce qui peut ressembler un peu trop à un sujet – l’essentiel du propos : jouer un rôle social, ne plus être soi-même, se donner le change, tout ça écrit à une deuxième personne d’origine secrète ; c’était un peu comme relire un roman dont j’aurais oublié d’être l’auteur.


http://www.decitre.fr/gi/84/9782915018684FS.gif

Commentaires

C'est bien qu'il soit sorti en poche, j'espère que cela lui apportera de nouveaux lecteurs car ce livre est épatant, quel style !
Commentaire n°1 posté par Pascale le 25/11/2011 à 22h40
Très fort (même si mon avis n'est pas très objectif !)
Réponse de PhA le 25/11/2011 à 22h54
J'ai aimé cette phrase : "Un roman dont j'aurais oublié d'être l'auteur" : amnésie littéraire qui titre un haut degré.
Commentaire n°2 posté par Dominique Hasselmann le 26/11/2011 à 07h44
En réalité je suis l'auteur de tous les livres. C'est pour ça que je ne parle jamais de ceux que je n'aime pas : j'en ai honte.
Réponse de PhA le 26/11/2011 à 16h17
Je serais curieux de savoir comment peut-on lire autour de son nombril.
(Une collection poche chez Quidam? !! Formidable, les affaires vont bien!)
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 27/11/2011 à 11h59
Comme ça ?

(Très jolis, qui plus est, ces petits livres.)
Réponse de PhA le 27/11/2011 à 19h12
Ha! ha! Monsieur a réponse à tout! :))
Commentaire n°4 posté par Depluloin le 28/11/2011 à 10h12
Le son de ma voix me parle.
...
Commentaire n°5 posté par tor-ups le 28/11/2011 à 12h42
Comme à moi ?
Réponse de PhA le 30/11/2011 à 19h34

dimanche 20 novembre 2011

et de papillons blancs la mer est inondée


Tiens, en voilà un, justement, souvent relu autrefois, de Nerval encore :
 
ERYTHREA
 
 
Colonne de Saphir, d’arabesques brodée
– Reparais ! – Les Ramiers pleurent cherchant leur nid :
Et, de ton pied d’azur à ton front de granit
Se déroule à longs plis la pourpre de Judée !

Si tu vois Bénarès sur son fleuve accoudée
Prends ton arc et revêts ton corset d’or bruni :
Car voici le Vautour, volant sur Patani,
Et de papillons blancs la Mer est inondée.

MAHDEWA ! Fais flotter tes voiles sur les eaux
Livre tes fleurs de pourpre au courant des ruisseaux :
La neige du Cathay tombe sur l’Atlantique :

Cependant la Prêtresse au visage vermeil
Est endormie encor sous l’Arche du Soleil :
– Et rien n’a dérangé le sévère portique.
 
 
que je préférais nettement à la version dite « A Madame Aguado » :


 
Colonne de saphir, d’arabesques brodée
Reparais ! Les ramiers s’envolent de leur nid,
De ton bandeau d’azur à ton pied de granit
Se déroule à longs plis la pourpre de Judée.

Si tu vois Bénarès, sur son fleuve accoudée
Détache avec ton arc ton corset d’or bruni
Car je suis le vautour, volant sur Patani,
Et de blancs papillons la mer est inondée.

Lanassa ! fais flotter tes voiles sur les eaux !
Livre tes fleurs de pourpre au courant des ruisseaux.
La neige du Cathay tombe sur l’Atlantique.

Cependant la prêtresse au visage vermeil
Est endormie encor sous l’arche du soleil,
Et rien n’a dérangé le sévère portique.
 
 
Et en les relisant je me souviens que cette préférence tenait essentiellement au dernier vers du deuxième quatrain : il était clair que les blancs papillons ne savaient pas me fasciner comme les papillons blancs. Heureusement je les retrouvais toujours plus cosmiques encore quand la neige du Cathay tombait sur l’Atlantique. Et je les retrouve encore parfois quand le hasard dépose entre mes pieds un minuscule papillon blanc sur le bitume.



Commentaires

Il faudrait prévoir des passages protégés spéciaux pour ces papillons comme pour certaines libellules urbaines...
Commentaire n°1 posté par Dominique Hasselmann le 21/11/2011 à 11h49
Hum ! Je ne sais trop. Les italiques sont bien nombreux dans la première proposition. Pour le troisième vers du premier quatrain, j'hésite. Le mot bandeau me plaît à moitié. Quant à blancs, je ne parviens pas à me décider non plus. 
Commentaire n°2 posté par Dominique Boudou le 21/11/2011 à 13h05
Ces préférences anciennes étaient très instinctives, je serais bien en peine de les expliquer.
Réponse de PhA le 21/11/2011 à 19h22

vendredi 18 novembre 2011

comment ne pas croire en la métempsycose


Le président avait un faux air de M. Nisard ; les deux assesseurs ressemblaient à M. Cousin et à M. Guizot, mes anciens maîtres. Je ne passais plus comme autrefois devant eux mon examen en Sorbonne. J’allais subir une condamnation capitale.
Sur une table étaient étendus plusieurs numéros de Magazines anglais et américains, et une foule de livraisons illustrées à four et à six pence, où apparaissaient vaguement les noms d’Edgar Poe, de Dickens, d’Ainsworth, etc., et trois figures pâles et maigres se dressaient à droite du tribunal, drapées de thèses en latin imprimées sur satin, où je crus distinguer ces noms : Sapientia, Ethica, Grammatica. Les trois spectres accusateurs me jetaient ces mots méprisants :
« Fantaisiste ! réaliste !! essayiste !!! »
 
Gérard de Nerval, Les Nuits d’octobre, XXV.
 
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/03/F%C3%A9lix_Nadar_1820-1910_portraits_G%C3%A9rard_de_Nerval.jpg/250px-F%C3%A9lix_Nadar_1820-1910_portraits_G%C3%A9rard_de_Nerval.jpg
 
(J’ai beaucoup lu Nerval autrefois. En fait non, je ne l’ai pas tellement lu – mais je l’ai beaucoup relu.)


Commentaires

Nerval, je pense "à son spectre gelé au-dessus de poubelles"
Commentaire n°1 posté par Zoë Lucider le 18/11/2011 à 19h55
La nuit du 26 janvier.
Réponse de PhA le 19/11/2011 à 09h50
Tiens, je te signale ces liens très intéressants sur Nerval :
http://www.sylvie-lecuyer.net/reperesbiographi.html
et puis ce site né cette semaine (ce n'est donc qu'embryonnaire) qui contiendra des textes de Nerval (de Lécuyer toujours) :
http://www.gerard-de-nerval.net/
Commentaire n°2 posté par Romain le 18/11/2011 à 21h04
Merci Romain !
Réponse de PhA le 19/11/2011 à 09h47
C'est un épisode sanglant de la Commune de Paris?
Commentaire n°3 posté par Thaddée le 19/11/2011 à 00h24
Un rêve prémonitoire.
Réponse de PhA le 19/11/2011 à 09h50

mardi 15 novembre 2011

il n’y a que les cimetières et les cinémas qui ne changent pas


à la hauteur du stade j’ai dit
je vais te montrer une dernière chose
quand nous sommes arrivés devant la falaise
qui tombe à pic dans la mer
j’ai dit ce sont les tombes d’élégie 2
les tombes phéniciennes
creusées dans le roc
à ciel ouvert
elles étaient remplies d’eau de pluie
les nuages s’y reflétaient
en fin d’après-midi
ça faisait des rectangles
brillants argentés à la surface de la roche
elles non plus
n’ont pas changé
il n’y a que les cimetières et les cinémas qui ne changent pas
pourquoi
nous sommes rentrés par la casbah
la nuit tombait les murs avaient de jolies couleurs
des fillettes rentraient de l’école
elles étaient insouciantes gaies
il faut qu’elles le soient ai-je pensé
c’est sur elles que repose l’avenir de cette foutue ville
c’était quoi
que tu étais venu chercher
c’était ça
ce que j’ai vu
bien que je ne sache pas exactement ce que j’ai vu
même pas
écoute
il y avait une jeune fille
qui habitait rue Quevedo
en face du terrain de gym
on la voyait sur son balcon
une jeune fille de notre âge
très jolie
je crois qu’elle aidait ses parents dans leur magasin
nous la croisions tous les jours dans la rue
à la sortie des classes
ou bien nous la retrouvions sur la plage
je n’oublierai jamais son visage ses yeux sa voix
il y a deux ans à Paris
nous nous étions retrouvés
quelques anciens du lycée
pour dîner dans un restaurant
quelqu’un a dit elle viendra aussi
après le dîner au moment de nous séparer
j’ai dit est-ce qu’elle ne devait pas venir
elle était là mon vieux tu lui as même parlé à table
je ne l’ai pas reconnue
sans doute a-t-elle beaucoup changé
mais non mon vieux elle n'a pas tellement changé
eh bien ce que j’ai vu ici
ça doit être pareil
le lendemain nous avons repris le bateau
 
Emmanuel Hocquard, Deux étages avec terrasse et vue sur le détroit, Echo & Co à Royaumont, 1989, p. 35 à 37.


Commentaires

C'est superbe! merci Philippe! 
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 16/11/2011 à 16h41
Et merci à notre amie commune qui m'a offert cette petite merveille.
Réponse de PhA le 16/11/2011 à 17h43
Mais où sont partis le Novéac, l'Eden, l'Empire, le Familia, le Majestic... ?
Le Père-Lachaise est toujours là, lui, éternel.
Commentaire n°2 posté par Dominique Hasselmann le 17/11/2011 à 07h55
Au pays des étoiles.
Réponse de PhA le 18/11/2011 à 08h10
Hey, man !!! On parle de Tanger !!! Je reconnais ma ville !!! Merci Philippe !!!
Et quelle belle phrase, celle que vous relevez dans le titre... (si vraie, en plus)
(mes excuses aux lecteurs : nous, tangérois, sommes fous d'amour pour cette ville, que d'alleurs personne n'aime (sauf nous), tant elle sait ouvrir à nos regards un détroit où le même et l'autre peuvent encore confondre, paisiblement, leur altérité, voire même devenir, de temps en temps, délicieuse brume...  à bas marrakech...)
Commentaire n°3 posté par F le 17/11/2011 à 22h21
C'est bien Tanger en effet, vu par son "privé". (Vous donnez envie d'y aller !)
Réponse de PhA le 18/11/2011 à 08h14
@ F : cela peut me faire penser à autre chose...
Commentaire n°4 posté par Dominique Hasselmann le 17/11/2011 à 22h29
@DH : Cela peut aussi me penser faire autre chose... (allez, la musique - Lautréamont)
Commentaire n°5 posté par F le 17/11/2011 à 23h57