mercredi 8 juillet 2015

Appeau vert




Les Hublots remercient chaleureusement Appeau vert, et vous engage à découvrir le travail de Philippe Agostini. (L’article sous le lien me rappelle que j’avais hésité à intituler un précédent roman Entre les plis. Il y a des coïncidences comme ça.)

mardi 7 juillet 2015

dictionnaire de trois fois rien



A première vue, avec ses entrées alphabétiques, le Dictionnaire de trois fois rien de Marc-Emile Thinez ressemble à un dictionnaire sauf qu’il est tout plat ce qui lui va bien puisqu’il est de trois fois rien. Chaque mot cependant y trouve ses définitions et ses exemples, par exemple :





EXEMPLE n.m. Mot en situation ; dans le dictionnaire les mots se suivent sans se ressembler, mis bout à bout n’ont aucune cohérence, ne constituent pas un récit bien que souvent eux-mêmes issus d’un récit. Jean m’invite un jour à donner l’exemple et le lendemain à le suivre.



(p. 26)



Ce qu’il y a de bien dans cet exemple, c’est que précisément l’exemple n’est pas bon. Si en effet dans le Robert par exemple « les mots se suivent sans se ressembler, mis bout à bout n’ont aucune cohérence, ne constituent pas un récit bien que souvent eux-mêmes issus d’un récit », c’est à peu près l’inverse qui se passe dans le Thinez : les mots mis bout à bout se mettent à avoir une cohérence et à ressembler à un récit – notamment les exemples – alors que ces derniers n’en sont pas issus : c’est la lecture du dictionnaire comme on n’est pas supposé la pratiquer (en en tournant les pages l’une après l’autre comme celles d’un roman) qui constitue peu à peu le récit, lequel est aussi un portrait, celui du père, dont la forme même choisie par Marc-Emile Thinez nous raconte l’histoire.





HISTOIRE n.f 1. Donner du sens au temps. Jusque là il était le même Jean qu’il serait, qu’il avait toujours été. Un jour, Jean enfant, Jean adolescent, Jean jeune homme, les photos découvertes au grenier le feraient entrer dans l’histoire. 2. Blague. Parce qu’il ne savait pas les raconter Jean se méfierait des histoires, n’aimerait que la vérité, ne lirait que le dictionnaire et l’Humanité.



(p. 28)



Le Dictionnaire de trois fois rien suivi d’un dictionnaire de rien du tout est paru dans la collection ContraintEs des éditions Louise Bottu.

lundi 6 juillet 2015

Mon jeune grand-père (90)



Le 21 janvier 1918 Mes bien chers Parents.
Toujours la même chose. Que j’ai hâte d’apprendre que vous avez reçu quelque chose de moi ! Ces cartes pourtant ont bien fini par arriver. Comme vous devez vous ennuyer, mais je suis bien content de voir que vous ne vous tracassez pas trop. Vous avez raison, car vous pouvez être certains que si quelque chose de mal m’était arrivé vous en seriez avisé tout de suite. Et puis vous devez appliquer le dicton qui dit : pas de nouvelles, bonnes nouvelles !! Je reçois mon courrier assez régulièrement, j’ai reçu cette semaine les cartes des 29-31 décembre, 1-3-4 et 7 janvier plus quelques cartes en retard 28 octobre 1-10 et 14 novembre Les cartes en retard ont perdu de leur valeur : les nouvelles n’y sont plus des nouvelles. Le courrier est périssable comme les colis de nourriture.  et enfin hier après-midi pour mon dimanche la photo de maman Marie accompagnée d’une lettre de Magdeleine et de Tante Marie. Maman Marie, attends. Il y a eu plusieurs Marie dans la famille. Il y a eu plusieurs Marie dans toutes les familles. C’est sa grand-mère maternelle qu’Edmond appelait « Maman Marie », d’après mes notes. Je ne connais pas son nom de jeune fille. Elle avait épousé Louis-Hilaire Mangot, qui fut chef de gare à Longueau. Je ne sais même pas où est Longueau. C’est sûrement dans le Pas-de-Calais, je vais vérifier. Pas du tout, c’est dans la Somme, à côté d’Amiens. Ce sont les Annocque qui viennent du Pas-de-Calais. D’ailleurs j’avais noté qu’il est né à Amiens, Louis-Hilaire Mangot, en 1837. Tout ça n’est pas d’hier. « Tante Marie », c’est Marie Mangot, une des filles de Maman Marie et de Louis-Hilaire, et la sœur de mon arrière-grand-mère Lucie. Quant à Magdeleine, je n’ai pas de Magdeleine dans mes notes, mais je me suis peut-être trompé : j’ai une Madeleine Mangot qui est la fille d’Hector, l’oncle Hector qui vient de mourir le 21 septembre 1917 ; Madeleine est donc la cousine germaine d’Edmond. Mais c’est bien « Magdeleine » qu’Edmond a écrit. Comme bien vous pensez j’en ai été très heureux et je l’ai placée tout de suite à la place d’honneur dans ma galerie de famille. Le courrier est périssable comme les colis de nourriture mais les photos seules ont valeur de conserve. Je remercie bien Tante Marie pour cela et pour ses bons souhaits, et je n’oublie ceux de Magdeleine. Je n’ai pas été trop verni pour les colis cette semaine, seulement 1 colis poste en retard, n°19. J’espère être plus heureux la semaine prochaine ; j’en ai déjà un d’annoncé pour demain matin. Depuis hier il dégèle, ce n’est pas amusant, car on a les pieds mouillés dès qu’on met le nez dehors. Je me suis réveillé ce matin avec une légère fluxion. Ça ne me fait pas mal, ce sera passé demain. Je vous embrasse bien fort mes chers Parents ainsi que Geneviève, Louis et tte la famille. EA

dimanche 5 juillet 2015

Hublot de l’homme (13)



On sous-estime scandaleusement l’avance que l’homme de Néandertal conserve sur nous : 28 000 ans déjà qu’il a débarrassé ce plancher où nous grouillons toujours.


vendredi 3 juillet 2015

mon Beckett, mes failles



Hier soir grâce à la librairie Charybde j’ai donc eu l’occasion de me livrer à un exercice d’un genre nouveau : parler de l’auteur dont l’œuvre a été vraiment déterminante dans mon propre travail. J’espère avoir été intéressant, on m’a assuré que oui, tant mieux. En tout cas personnellement j’ai été intéressé, vraiment, d’être amené à me poser franchement à moi-même les questions sur ce qui a compté, ce qui a résonné, depuis l’œuvre d’autrui jusque dans mes textes. Beckett emploie à plusieurs reprises le mot « consanguin », notamment dans l’Innommable. Voilà. On est tout seul quand on écrit mais en même temps en contact direct avec tous ceux qui partagent le même langage, et qui sont d’abord ceux qu’on a lus. Aurais-je pu me livrer – la question m’a traversé après coup – au même exercice à propos d’un autre auteur que Beckett ? A priori évidemment pas mais si je me pose la question, tout de même, si, sans doute n’aurait-il pas été illégitime que le fasse pour Flaubert, ou pour Kafka, ou pour Nerval, ou pour Coleridge. A l’échelle d’une soirée, ç’aurait été possible. Mais quand même, non, ça n’aurait rien eu à voir. La présence de Beckett, pour moi, tutélaire comme on dit, et mes efforts pour que tout ça ne se voie pas, ça pourrait être le sujet d’un livre entier, même si a priori ce livre-là je ne l’écrirai pas.

Pour compléter cette belle journée d’hier, à l’occasion de la publication de Mémoires des failles, la revue Florilettres de la Fondation La Poste me consacre son dernier dossier, qui vient juste de paraître. J’y réponds aux questions de Nathalie Jungerman à propos de Mémoires des failles et de la place que ce texte occupe parmi les autres, il y a de la matière ; Beckett lui-même d’ailleurs n’est pas oublié, ainsi que d’autres livres passés ou à paraître, voire à l’état de simples projet ; le tout accompagné d’un article de Corinne Amar sur Vie des hauts plateaux, allez-y donc voir : c’est .

mercredi 1 juillet 2015

le petit chien des étoiles





… Un promeneur égaré forcément déshydraté n’aurait pu que douter de la réalité de cette image tremblée vacillant sur deux roues voilées à la surface du goudron sur­chauffé. Là-haut en effet, par-delà l’anticyclone des Açores et le disque solaire, le petit chien des étoiles avait décidé de ven­ger ses congénères terrestres trahis par les hommes : Canicule était le nom latin, à l’honneur cet été-là, de l’entité divine à l’image de laquelle avait été créé le mexicain microscopique, le plus minusculement jappant et déféquant des ennemis de nos mollets. (Le lecteur en effet n’ignore pas que Chihuahua pour­rait, selon quelques spécialistes, être une sorte d’avatar dégradé de Xolotl, jumeau cynocéphale de Quetzalcóatl.)