mercredi 30 décembre 2020

Nouvelles très brèves (103) (et surtout très banales)

 L’hésitation


Prosper Nouveau hésitait. Il n’était sûr de rien. Quelle décision prendre ? Trop de possibilités de choix s’offraient à lui : deux. Comment faire pour choisir ? Tirer au sort ? Ne pas tirer au sort ? Comment savoir, comment savoir s’il fallait tirer ou ne pas tirer au sort ? Prosper Nouveau hésitait.




mardi 29 décembre 2020

Nouvelles très brèves (102) (et surtout très banales)

 L’échographie


Au dernier moment, Patience Nourrissier, changeant d’avis sans bien savoir pourquoi, demanda le sexe de l’enfant qu’elle attendait. Le médecin lui sourit et lui dit : « C’est une fille. »

Voilà. C’était donc une fille. Il y avait une chance sur deux, ou à peu près, se disait Patience Nourrissier en rentrant chez elle. C’était une fille, certes, mais laquelle ? Elle n’était pas tellement avancée, en fait.




lundi 28 décembre 2020

Nouvelles très brèves (101) (et surtout très banales)

 L’idée


Perceval Nevermore s’étonnait de ne pas trouver la moindre idée d’histoire à raconter tant que son personnage principal n’avait pas de nom. Sans nom, il était bloqué. Alors il se força un peu et finit par en trouver un. Ça n’était pas si important après tout.




dimanche 27 décembre 2020

Nouvelles très brèves (100) (et surtout très banales)

Pas Noël


Père Noël se réveilla en panique, dans une suée ; c’était foutu, il avait raté Noël. Il regarda sa montre. On était déjà le 27 décembre en effet. D’ailleurs, ça lui revenait à l’esprit maintenant qu’il était bien réveillé, il ne s’appelait pas Père Noël mais Peter Nowell. Tout allait bien, il n’avait rien raté.




jeudi 24 décembre 2020

Sous l’emprise de Matsunoé

Je viens de terminer la lecture de Chronique de Matsunoé, de l’écrivain japonais Enjoe Toh, traduit par Sylvain Cardonnel et récemment paru aux éditions La Ronde de nuit. Ne comptez pas sur moi pour vous le raconter : ça ne se raconte pas. Mais alors vraiment pas. En revanche, si vous voulez, je peux vous raconter à quoi je pensais en lisant ce livre. Je me disais que, moi aussi, je pourrais le faire avec un écrivain avec lequel j’aurais des affinités mais dont je ne connaisse pas la langue et qui ne connaisse pas la mienne. Tiens, Pablo Katchadjian, par exemple. Je ne connais pas l’espagnol et je crois qu’il ne connaît pas le français. Mais ce sont des langues apparentées, on devine des choses, ou l’on croit deviner. Je pourrais, avec son accord, écrire une version française d’un de ses livres (un de ceux dont je n’aurais pas lu une traduction, évidemment), en faisant confiance davantage à mon imagination qu’au dictionnaire, afin d’aboutir à quelque chose de nécessairement différent que je lui renverrais, à charge pour lui de refaire le même travail vers l’espagnol et d’aboutir à autre chose que sa première version, qu’il me renverrait à nouveau, afin que et ainsi de suite.

Voilà. Je suis sûr que maintenant vous avez envie de lire Enjoe Toh. Et peut-être aussi Pablo Katchadjian. Et moi aussi, tant qu’on y est.




mercredi 23 décembre 2020

Nouvelles très brèves (99) (et surtout très banales)

 Le violon


Depuis des années, Prudence Noyer voulait apprendre le violon. Un beau matin, elle prit sa décision : « Je vais apprendre le violon. » Pour apprendre le violon, il lui fallait un violon, et un professeur de violon. Ou peut-être plutôt lui fallait-il un professeur de violon et un violon ? Pour le moment, elle n’avait ni l’autre. Par quoi, mais par quoi donc fallait-il commencer ?




mardi 22 décembre 2020

Nouvelles très brèves (98) (et surtout très banales)

 Le dernier paquet


Il ne lui restait plus que trois rédactions à corriger. C’étaient les trois dernières de son troisième et dernier paquet. Elle avait presque fini. Elle pourrait profiter tranquillement de son dimanche. Passiflore Nurepois se saisit donc de l’antépénultième rédaction et la posa devant elle. Elle la parcourut d’abord des yeux, la pointe bic rouge en l’air. Bien sûr il y avait pas mal de fautes, mais elle avait vu bien pire. Le sujet était traité plutôt maladroitement, mais enfin il était traité. Maintenant il allait encore une fois falloir annoter tout ça. Passiflore Nurepois s’alluma une cigarette et, comme elle n’aimait pas fumer à l’intérieur, sortit dans la cour. Il faisait beau. Elle poussa le portillon.




lundi 21 décembre 2020

Nouvelles très brèves (97) (et surtout très banales)

 Le téléphone


Le téléphone de Paolina Noiraud sonna. Son téléphone fixe, pas son portable. Comme c’était son téléphone fixe, elle hésita à répondre. Il y avait peu de personnes qui l’appelaient encore sur son téléphone fixe. C’était sûrement un démarcheur. Elle hésitait à répondre. Se lever rien que pour ça, franchement. Elle hésitait. Le téléphone sonnait encore. Finalement elle se leva, elle alla jusqu’à son téléphone. Elle eut le temps de voir s’afficher le nom de ses parents, mais quand elle décrocha, il n’y avait déjà plus personne au bout du fil.




dimanche 20 décembre 2020

Nouvelles très brèves (96) (et surtout très banales)

 La tonte


Deux options s’offraient à Pavel Nazarenko : il pouvait au choix tondre sa pelouse ou tondre sa barbe. Les deux étaient nécessaires. Il pouvait aussi tondre les deux, mais il savait d’avance qu’il n’en aurait pas le courage. Bien sûr ça n’avait pas grand-chose à voir, ça ne nécessitait pas la même tondeuse. Mais tout de même : les deux perspectives étaient à peu près aussi peu enthousiasmantes l’une que l’autre. Finalement ce fut le poids de la tondeuse qui l’emporta : il préféra se tondre la barbe.




vendredi 18 décembre 2020

Nouvelles très brèves (95) (et surtout très banales)

 Le week-end


Pascal Noël ne savait pas quoi faire de son week-end. D’habitude il avait des projets mais là, non. Il ne savait pas quoi faire. Le samedi matin, il ne savait pas quoi faire de sa journée. Le soir, il ne sut pas davantage quoi faire de sa soirée. Il se coucha de bonne heure mais, le lendemain matin, il ne sut pas davantage quoi faire de son dimanche. Il tourna en rond, puis le week-end toucha à sa fin.




mercredi 16 décembre 2020

Nouvelles très brèves (94) (et surtout très banales)

 Le cahier de mathématiques


Sur le chemin du collège, alors qu’il était presque arrivé, le petit Pablo Nacachian fut pris de panique. À toute vitesse il se défit de son cartable, le posa au sol, l’ouvrit, fouilla partout à l’intérieur, sortit toutes ses affaires : il avait bel et bien oublié son cahier de mathématiques ! Heureusement qu’il était parti très en avance. Il renfila son cartable et prenant ses jambes à son cou, courut ventre à terre jusqu’à son immeuble. Comme l’ascenseur était en panne, il commença à grimper quatre à quatre les quatre étages mais, arrivé au deuxième, il se rappela qu’on était jeudi : il n’avait pas mathématiques.




mardi 15 décembre 2020

Nouvelles très brèves (93) (et surtout très banales)

 L’agent immobilier


L’agent immobilier avait fixé le rendez-vous à 15h15 devant le 14 rue de Vienne. Pauline Novikov fut tentée de l’attendre devant le numéro 15, mais c’était idiot et d’ailleurs quand elle arriva à 15h14 il était déjà là, qui l’attendait avec un grand sourire.

L’appartement, oui, il était bien.

Non, elle ne l’achèterait pas. Mais pour le moment elle réservait sa réponse. Elle différait son refus.




dimanche 13 décembre 2020

Nouvelles très brèves (92) (et surtout très banales)

 L’épidémie


A en croire les informations, l’épidémie faisait rage. Dans l’entourage de Pénélope Noblet, c’était presque la panique. Les gens restaient cloîtrés chez eux – ils disaient « confinés ». Elle ne voyait plus grand monde. Mais tout compte fait, ça ne la gênait pas tellement. Elle sortait sa poubelle, elle promenait son chien. Elle croisait peu de monde. C’était agréable. Tranquille. Paisible, presque. Elle ne se sentait pas tellement concernée par l’épidémie. D’ailleurs l’épidémie l’épargna. Les gens ressortirent de chez eux. On voyait moins bien le paysage.




jeudi 10 décembre 2020

Nouvelles très brèves (91) (et surtout très banales)

La fin de la soirée


Il faisait trop chaud pour écrire, en tout cas Pacôme Nestif trouvait qu’il faisait trop chaud pour écrire ; alors il attendit la fin de la soirée, quand il ferait plus frais. En fin de soirée, la température en effet baissa un peu ; il faisait sans doute assez bon pour se mettre à écrire. Mais Pacôme Nestif avait sommeil, il décida d’aller se coucher. Il écrirait le lendemain.





mercredi 9 décembre 2020

Écrire et publier ou pas (33) (2009)

Je me rends compte que je ne vais plus pouvoir compter sur mon vieux carnet vert pour poursuivre cette chronique : je ne l’ai ouvert qu’une fois en 2009. Bien sûr, c’est à cause de ces Hublots, que je viens de commencer en novembre 2008 et que j’alimente quotidiennement, à l’époque. Désormais le vieux carnet vert est délaissé ; c’est pour ça que, aujourd’hui encore, il lui reste quelques pages vierges. Ces propos ont-ils leur place ici ? Sans aucun doute puisque, blog ou carnet, il s’agit pour moi d’écrire sans publier – je serais même tenté d’écrire : d’écrire pour ne pas publier.

Je cherche dans les vieux billets de mes Hublots s’il y a quelque chose d’intéressant pour cette chronique. C’est pas gagné. Ce n’est pas la même chose que le vieux carnet vert : j’y écrivais pour être lu. C’était, sinon publié, du moins public. Et c’est pour ça que je n’y jamais parlé de ce sur quoi je travaillais sur le moment – je ne le fais toujours pas, je ne le fais jamais ; je me sens toujours très empêché de dire sur quoi je travaille. Je n’y parle pas non plus de mes soucis éditoriaux. Ça, peu d’écrivains en parlent – et c’est justement pourquoi, aujourd’hui, je le fais.

Liquide paraît au printemps, comme prévu. C’est dans l’ensemble un excellent souvenir – d’ailleurs je publie toujours chez Quidam. Évidemment, Quidam n’a pas les moyens financiers du Seuil ou de Léo Scheer ; ça se ressent dans la mise en place, mais jamais je n’ai senti un de mes textes aussi pleinement publié (la formulation est bizarre, c’est vrai, mais dit assez bien ce que je ressens). D’ailleurs le livre est lu. Il y a un véritable accueil critique. Il ne fait pas un succès de librairie mais il est lu, et bien lu. L’effacement de la personne grammaticale passe quand même plutôt inaperçu (sauf aux yeux de Michel Arrivé, mais c’est un linguiste). Ça me fruste un peu, alors que j’ai le sentiment d’avoir accompli là quelque chose d’unique dans l’histoire de la littérature de tous les temps et de toutes les langues (carrément) – mais précisément : ce qui n’existait pas n’est pas connu, et ce qui n’est pas connu n’est pas reconnaissable, même quand on vous met le doigt dessus. Mais le texte fonctionne sans que la contrainte soit clairement perçue, l’émotion y est et c’est là l’essentiel ; on n’est pas non plus là pour chercher la performance.

La seule note 2009 sur le vieux carnet vert est du 20 octobre :

« Aujourd’hui et déjà hier, avancé de nouveau Liev, qui atteint les 6567 mots. (> "Comment savoir si, regardant par la fenêtre, elle allait voir, reconnaître Liev assis à la table ?" »




mardi 8 décembre 2020

Nouvelles très brèves (90) (et surtout très banales)

 Le coiffeur


En se regardant dans la glace, Patricia Neuville se dit qu’elle pourrait aller chez le coiffeur. Elle ne se trouvait pas particulièrement mal coiffée, non, mais aller chez le coiffeur, pourquoi pas. Au téléphone, on lui fixa rendez-vous dans une heure et demie. C’était bien, ça lui convenait. Elle avait le temps d’appeler Ludivine.

Quand elle raccrocha, elle avait juste le temps d’aller chez le coiffeur. Elle avait juste le temps, mais elle n’avait plus tellement envie. Ça lui avait changé les idées, de parler avec Ludivine.




lundi 7 décembre 2020

Bruit dedans, la vie en liv(r)e

Si je vous dis pourquoi j’ai tellement aimé Bruit dedans, le nouveau livre d’Anna Dubosc, et le premier que je lis d’elle, est-ce que ça vous dira pourquoi vous, vous l’aimerez ?

Il paraît chez Quidam cet automne en plein confinement après avoir dû paraître au printemps dernier en plein confinement, à quoi ça confine cette déveine je vous en laisse juge, mais ce n’est pas ça qui me rend ce livre si cher. Peut-être une coïncidence de sujet avec mes Singes rouges y est pour quelque chose, il y a une mère aussi dans Bruit dedans et c’est celle d’Anna, puisque c’est Anna qu’on appelle celle dit « je » dans Bruit dedans ; il y en a même deux en fait car Anna en a deux, et l’on tient à elle comme elles tiennent à la vie, d’un fil fragile et précieux. Mais ce n’est pas vraiment le sujet de Bruit dedans, ou ce n’est qu’une partie du sujet, ou ce n’est que le début du sujet car le sujet, c’est la vie même – mais la vie en livre. Car Anna ne cesse de prendre des notes, des notes partout, tout le temps, et écrit sa vie en livre, en live, en direct. On assiste au livre même en train de s’écrire, mais avec plein de gens dedans, dont certains savent bien qu’ils sont dans un livre tout en étant dans la vie, ça n’est pas forcément simple, mais c’est tellement beau.



dimanche 6 décembre 2020

Écrire et publier ou pas (32) (2008)

Allez je reprends ce feuilleton arrêté ici le 4 avril dernier, rappelez-vous.

Heureusement que j’ai mon vieux carnet vert pour me rafraîchir la mémoire car sans lui, à part deux ou trois choses que j’ai racontées dans l’épisode 31, je ne me rappellerais rien.

À m’en croire, dès janvier j’ai repris ce que j’appelle « le projet sur Liev ». Mais je n’en suis encore qu’au début : 3000 mots (oui je compte en mots, ça n’est pas très professionnel mais dès qu’on n’atteint les cinq chiffres les nombres perdent de leur sens à mes yeux). Ça fait d’autant moins que tout le chapitre initial de Pas Liev sera finalement supprimé. Ce mois-là, j’ai lu notamment Sans l’orang-outan, qui reste l’un de mes Chevillard préférés, et l’Ami Butler, qui a achevé de me convaincre de proposer mon travail à Quidam, comme je l’ai dit.

En mars, j’ai apparemment eu l’idée d’un « journal intime tenu par Liev, pour marquer l’écart de perception du réel ». Bien m’en a pris de l’oublier très vite, c’était bien plus intéressant de laisser le lecteur mesurer par l’effort de sa propre imagination l’écart entre ce que croit vivre Liev et ce qui, peut-être, se passe vraiment.

Sinon, cette année-là, le vieux carnet vert me sert surtout à noter mes lectures et surtout mes envois aux éditeurs et leurs refus. En effet c’est difficile de bien tout se rappeler : selon les éditeurs j’envoie cette année-là quatre manuscrits différents : Liquide, Mémoires des failles, Monsieur Le Comte au pied de la lettre et un autre qui devrait être mon prochain titre chez Quidam – sauf si un autre moi-même se ramène entre temps avec un autre texte encore car, je suis bien obligé d’en prendre conscience, nous sommes nombreux à écrire sous mon nom. C’est sans doute pour satisfaire l’un d’eux que, en novembre de cette année 2008, j’ouvre ces Hublots. C’est encore l’époque des blogs. J’ai envie d’y parler de mes lectures, mais aussi d’y tenter d’autres choses, notamment, et pour changer, d’écrire en public, directement. (En général je ne me montre jamais ce que j’écris à personne, sauf aux éditeurs parce que la plupart préfèrent lire ce qu’ils vont publier.) C’est ainsi qu’immédiatement après le billet initial, je commence le feuilleton qui aboutira à Vie des hauts plateaux, et dont je vous recopie ici le premier épisode, daté du 9 novembre 2008, et que je n’ai pas conservé dans la version publiée par Louise Bottu :


Vie des hauts plateaux (arbitrairement 1)


Il aime bien jouer aux jardineurs. Les jardineurs sont de petites personnes qui grattent le sol vert sans se préoccuper de ce que gratte le voisin, non loin de là, dont l’attitude est identique.

Parfois, quand on le sollicite, ou parfois spontanément, un jardineur se met brusquement à courir. On croit qu’il est parti pour longtemps mais il s’arrête presque tout de suite.


En décembre, la date de publication de Liquide chez Quidam est fixée au 18 avril 2009. Celle de Monsieur Le Comte au pied de la lettre est déjà prévue pour novembre 2010 ou janvier 2011.




vendredi 4 décembre 2020

Nouvelles très brèves (89) (et surtout très banales)

 Le parapluie


Paco Nombré avait décidé de faire le trajet à pied. Comme le ciel était gris, il prit son parapluie. Mais le temps s’éclaircit et la pluie ne tomba pas. Paco Nombré se dit qu’il aurait aussi bien pu laisser son parapluie à la maison, il l’encombrait pour rien.




jeudi 3 décembre 2020

Nouvelles très brèves (88) (et surtout très banales)

 Le compteur d’électricité


Comme elle n’habitait pas vraiment là, ça n’était pas commode pour Priscilla Nossi d’accueillir l’employé chargé de relever l’électricité. Elle ne se voyait pas non plus laisser sa clé à la voisine, elle n’était même pas sûr qu’il y eût une voisine. Alors elle avisa la compagnie d’électricité qu’elle ne serait sans doute pas là mais qu’elle prendrait soin de noter elle-même les chiffres du compteur et de les scotcher sur sa porte le jour de leur passage. Elle fut agréablement surprise par le ton agréable en effet des remerciements qu’elle reçut.

Le jour du rendez-vous, finalement, c’est Priscilla Nossi elle-même qui ouvrit la porte ; elle avait pu s’arranger.




mercredi 2 décembre 2020

Nouvelles très brèves (87) (et surtout très banales)

 La radio


Le médecin traitant de Patrick Néanfort lui prescrivit une radio pour sa douleur à la cheville. Patrick Néanfort n’éprouva pas de difficultés particulières à prendre le rendez-vous.

Le jour dit, il se rendit chez le radiologue. Il fut pris juste à l’heure. A l’examen du cliché, le radiologue lui affirma qu’il n’y avait rien d’osseux.




lundi 30 novembre 2020

Nouvelles très brèves (86) (et surtout très banales)

 Le tailleur


Pierre Noroit avait été invité à une soirée. Ça n’arrivait pas souvent. Il y avait là un homme particulièrement élégant. Pierre Noroit se paya le culot de lui demander l’adresse de son tailleur. L’autre répondit :

– C’est chez Duthuit. 32 boulevard de la Gare.

Le lendemain, Pierre Noroit se rendit chez ledit tailleur qui prit ses mesures.




vendredi 27 novembre 2020

Un billet en catastrophes

Je voulais écrire un billet sur Catastrophes, le nouveau livre de Pierre Barrault, judicieusement publié en pleine fermeture des librairies pour justifier son titre, et au moment où j’enfourchais ma plume, voilà qu’on sonne à ma porte. Je vais ouvrir et je me trouve nez à nez avec le sosie de François Berléand. « Ah c’est vous ! Vous tombez bien, lui dis-je, justement je m’apprêtais à écrire un billet sur Catastrophes, le nouveau livre de Pierre Barrault, judicieusement publié en pleine fermeture des librairies pour justifier son titre ; vous allez sans doute pouvoir m’aider : vous n’êtes pas sans savoir que vous y jouez un rôle important. » Il me regarde sans l’air de comprendre ce que je dis et je trouve qu’en effet il le fait très bien, l’air de ne pas comprendre ce que je dis. Et tandis que la pensée me traverse que peut-être ce n’est pas le bon sosie de François Berléand, il en a sans doute plusieurs, ou que peut-être même il s’agit de François Berléand en personne, lequel est probablement le sosie de ses sosies, voici que le sosie de François Berléand demande à consulter ma baignoire. « C’est à propos de la catastrophe ultraviolette », précise-t-il. Mais ça, évidemment, je l’avais déjà compris.



lundi 23 novembre 2020

Les singes rouges à Télématin

Grand merci à Olivier L’Hostis de la librairie l’Esperluète à Chartres pour ses mots sur mes Singes rouges. C’était samedi matin sur Télématin.



dimanche 22 novembre 2020

Fake news ?

On n’aurait jamais dû engager Donald Trump pour jouer le rôle du président des États-Unis dans cette mauvaise série. Depuis que la première saison a fait un bide et que les producteurs n’ont pas renouvelé son contrat, il croit qu’il a vraiment été président pendant quatre ans !



samedi 21 novembre 2020

Le sens du calendrier

J’ai pris mon temps à lire le sens du calendrier. C’est le nouveau livre de Nathalie Léger-Cresson, il vient de paraître aux éditions Des Femmes Antoinette Fouque ; il y en a comme ça quelques-uns, des livres qui choisissent un drôle de moment pour paraître. Celui-ci a pourtant le sens du temps, le sens du calendrier, le temps y est matière, matière à se refaire soi-même. Car le sens du calendrier est un livre d’amour, et l’amour a à voir avec le temps. La durée d’une vie en couple, vingt ans. Combien de temps pour que la plaie se referme, après la déchirure qui y met un terme ? Le sens du calendrier y répond, en douceur. Car c’est un livre très doux. Une conversation (avec parfois même une très jolie sous-conversation – je sais, je donne à ce mot un sens un peu différent de celui de Sarraute, pas grave). Tiens, je l’ouvre au hasard :


À force de regarder les toits sans toi, on voit glisser une tête de monstre de l’autre côté d’un faîte, des mains sortir d’un conduit de cheminée en terre cuite – là justement, elles s’agitent.


J’ai froid.


C’est le défaut du hamac, dès qu’il fait frisquet tu dois t’emmitoufler parce que le froid s’insinue par tous les côtés.

Il faut du bois pour la cheminée.

Au Mexique, une seule fois en quatre ans j’ai eu froid. Parce que j’avais de la fièvre, la dengue. Un plaisir d’avoir froid, un luxe de sortir un pull de l’armoire. Toutes les nuits le ventilateur de plafond tournait au-dessus du lit, sauf en février où il fallait déplier une légère couverture multicolore et fermer la fenêtre.

J’aimais voir les fleurs rouges du bougainvillier dans la nuit noire, éclairées par les lumières de la chambre.

Des années comme ça.




vendredi 20 novembre 2020

Les Singes dès le matin

Je ne sais pas bien à quelle heure on pouvait entendre, sur l’autre rive du fleuve, les cris des singes rouges, mais il paraît à que c’est à 7h42 que, demain samedi, on pourra entendre Olivier L’Hostis, libraire à l’Esperluète à Chartres, évoquer les Singes rouges, qui depuis Livres Hebdo ont déjà eu les honneurs du Matricule des Anges, de l’Humanité et de nombreux blogs ; regardez : tout est là.




vendredi 13 novembre 2020

Les vieux et la vie

Ce serait bien d’arrêter de dire que les vieux sont « fragiles », ou « vulnérables ». S’ils étaient si fragiles, ils ne seraient pas vieux, ils seraient morts. Et comme précisément ils sont en vie (j’aime bien ce mot, « vieux », ça commence comme « vie » ; c’est la vie qui se prolonge, la vie qui dure), ce serait bien de les laisser en profiter, de la vie.

jeudi 12 novembre 2020

Notes sur les noms de la langue (33)

Étymologiquement parlant, la virgule est une petite verge, qu’on fourre un peu partout dans la phrase, mais pas n’importe où quand même.




samedi 31 octobre 2020

Macron et les singes rouges

Mon agent, Emmanuel Macron (je l’avais engagé à l’occasion de la publication d’Élise et Lise, pour ceux qui auraient oublié), a décidé que les librairies devaient rester fermées, les excluant de facto des commerces dit de « première nécessité ». Ça me pose question. Comment en effet expliquer les relations entre cette décision et la promotion de mon nouveau livre, les Singes rouges, dont il est chargé. La lecture des Singes rouges ne serait-elle pas de « première nécessité » ? (suis-je logiquement amené à me demander). Or il se trouve que la question se pose dans le livre même. En effet, pourquoi donner à lire au public les souvenirs de ma mère ? La question n’a cessé de me poursuivre tout au long de son écriture, au point de réécrire le livre entier en y laissant des traces de la première version, mû par cette seule conviction, confirmée par des tiers : oui, il faut donner ces souvenirs à lire. Ils me dépassent, ils dépassent ma mère.

Ils dépassent aussi Emmanuel Macron, bien sûr. D’ailleurs les librairies sont fermées mais on peut quand même y passer commande.

vendredi 30 octobre 2020

Commerces de première nécessité

Les librairies ne sont toujours pas concernées. Un signal fort envoyé par le gouvernement. Ne lisez pas, ça pourrait vous faire réfléchir.

Ici un article du Huffingtonpost, ici un autre de Livres Hebdo, pour les abonnés.

jeudi 22 octobre 2020

Les singes rouges

 


Cliquez sur l'image.

Aujourd'hui, les Singes rouges

Aujourd’hui chez Quidam paraît Les singes rouges. C’est mon nouveau livre – et mon septième chez Quidam, ce qui n’est pas rien.

J’ai pris l’habitude de dire que mes livres parlent d’identité. En fait, je dis ça parce qu’a posteriori je me rends compte qu’ils parlent d’identité. Mais jusqu’à présent, je parlais d’identité sans parler d’origines. Mes origines sans doute étaient trop floues pour devenir un sujet. Et puis quand même.

J’ai une mère. Elle est d’ailleurs. Je connais, depuis toujours, ses souvenirs extraordinaires. Ses souvenirs d’ailleurs (il y a un s à ailleurs, ça tombe bien, il y en a plusieurs). Récemment, j’ai ressenti l’urgence de les écrire. Avec le pressentiment, qui est peut-être juste une présomption, qu’ils parleront. Qu’ils parleront à tous les gens d’ailleurs. À tous les gens qui ont été des petites filles. Ou bien qui en ont eu. Ou qui en ont connu. On est tous des gens d’ailleurs.


La page dédiée aux Singes rouges sur le site de Quidam.




samedi 17 octobre 2020

Sa phrase comme un plan-séquence

Cela fait des années maintenant, depuis la publication d’Hoffmann à Tokyo en 2007, que je suis la phrase de Didier da Silva, comme un sentier dans la forêt, l’auteur est bien nommé ; il a ses détours et ses surprises. C’est un fil surprenant qui se surprend à prendre conscience de lui-même lorsque paraît en 2014 l’Ironie du sort, rappelez-vous, où ce fil prend d’ailleurs un temps la forme d’une corde en référence, celle d’Hitchcock, premier vrai-faux plan séquence évoqué par notre auteur qui, Louange et épuisement d’un joursans fin le confirmera l’année suivante, est aussi cinéphile. Or au cinéma, c’est bien le plan-séquence qui fait le fil – et parfois carrément même le film. Le Dormeur est un film de Pascal Aubier, un court-métrage oublié, tourné durant l’été 1974, que Didier découvre par hasard, et qui aussitôt le réjouit. Le Dormeur est aussi un poème pas du tout oublié quand il est du val, Arthur Rimbaud n’était pas cinéaste, son sonnet est bien pourtant déjà un plan-séquence. C’est lui qui inspire Pascal Aubier quand il découvre la Louma, invention de Jean-Louis Lavalou et Alain Masseron, et qui permet Pascal, Didier nous le raconte mais pas seulement, de réaliser le plan-séquence écrit par Arthur. Regardez le film, c’est court et beau comme un sonnet ; lisez le livre, c’est beau et sinueux comme un plan-séquence : beau et sinueux comme la phrase même de Didier da Silva.

Le Dormeur vient de paraître aux éditions Marest.





jeudi 8 octobre 2020

dimanche 4 octobre 2020

Lecture

Je me réjouis de n’avoir encore jamais lu Marguerite Duras et de découvrir seulement maintenant, sans occasion particulière, que Moderato cantabile est un très beau récit, qui ne prétend pas dire ce qu’on ne sait pas.



mardi 29 septembre 2020

Notes sur les noms de la langue (30)

Au commencement était le verbe, mais il a fallu le conjuguer pour qu’apparaisse la première personne : je suis là.




lundi 28 septembre 2020

Notes sur les noms de la langue (29)

En revanche la deuxième personne du pluriel peut être la deuxième du pluriel, si je vous parle à tous. Mais si je te parle à toi en te mettant dans le même paquet qu’eux, ce « vous » mérite-t-il encore d’être appelé « deuxième personne du pluriel » ?




jeudi 24 septembre 2020

Coucou perte

Tiens, lis ça, et mets-y le rythme qu’il faut. C’est la page 80 de Coupe courte, ou de Coucou perte, de Julien d’Abrigeon, récemment paru aux éditions LansKine. 




mercredi 23 septembre 2020

Notes sur les noms de la langue (28)

Qu’est-ce donc que cette « première personne du pluriel » ? Ce n’est pas parce que je ne suis pas tout seul que je suis plusieurs.




lundi 21 septembre 2020

Entre grolars

Zoologiques est un recueil de conversations qui vient de paraître chez Fata Morgana sous la plume d’Eric Chevillard – sans doute l’a-t-il empruntée à l’un des deux perroquets qui y conversent : ils y sont les seuls oiseaux. Monsieur et Madame (ou plutôt « Elle » et « Lui ») partagent le même enclos / la même cage / le même vivarium et y sont bien sûr de la même espèce, à l’exception notable toutefois de Monsieur Grizzly et de Madame Ourse polaire, dont je vous livre ci-dessous un échantillon de la conversation, on comprendra pourquoi :


LUI – Bon, déjà une chose acquise : nous ne déjeunerons pas ensemble. On fait chambre à part aussi ?

ELLE (un peu gênée) – Hm… il se trouve que nous sommes génétiquement compatibles. La chose a été prouvée… il y a même eu quelques naissances.

LUI – De magnifiques petits oursons ?

ELLE – Des grolars.

LUI – Des gros lards… !?

ELLE – Grolars, des grolars… C’est un mot-valise anglais… a suitcase word… la compression de grizzly et de polar bear… grr… olar… grolar… des grolars.

LUI – En français, ça fait gros lards.

ELLE – Qu’on le veuille ou non. On entend gros lards.

LUI – Nous sommes des ours français, par le fait. Nos petits seront appelés gros lards. Ils seront des objets de risée. On se moquera d’eux. Avons-nous le droit de leur infliger ça ?


Voilà. Ou plutôt, nous voilà, nous voici, Eric Chevillard et moi, dans le même enclos : celui des écrivains qui prennent le grolar comme sujet (rappelez-vous mes Notes sur les noms de la nature). C’est le début d’une nouvelle communauté littéraire. Nul doute que nous sommes prêts à faire des petits.