samedi 23 juin 2012

je suis le paysage

Un paysage que j’ai connu est menacé de disparaître et cette annonce me révolte comme l’annonce de ma propre mort ; car c’est ma vie en effet qui est rayée d’un trait et ne persistera que dans ma mémoire, comme je persisterai quelque temps dans la mémoire de ceux qui me survivront.
(En pensant au Cézallier de Pierre Jourde.)



Commentaires

"Le jardin reste ouvert pour ceux qui l'ont aimé..."  Prévert: Spectacle.
Commentaire n°1 posté par Lza le 23/06/2012 à 15h01
C'est ainsi que la visibilité devient mauvaise. Même par temps clair. Je dirais même la lisibilité puisqu'en géographie, on apprend à lire des paysages et à les relier à leur histoire....
Commentaire n°2 posté par Anonyme le 23/06/2012 à 15h49
Absolument : pour aller plus loin encore que Pierre Jourde quand il justifie la présence de cet article sur son blog à vocation culturelle : les paysages sont des objets culturels même et y compris quand ils sont naturels. La montagne, par exemple, est un paysage récent, sur le plan culturel.
Réponse de PhA le 25/06/2012 à 16h21

jeudi 21 juin 2012

Vu de l’extérieur


Un petit lien vers un article d’Ouest-France à propos du festival Ecrivains en bord de mer à la Baule en juillet, si j’étais dans le coin j’irais bien y faire un tour ; ce qui me fait réagir c’est le commentaire (facétieux ?) du rédacteur de l’article : « Vu de l’extérieur, ces Rencontres sont celles des écrivains inconnus. Ni Marc Lévy, ni Florian Zeller, ni Amélie Nothomb à l’affiche. » En effet, il y aura Claro, Marie Cosnay, Arno Bertina, Yves Pagès, Mathias Enard... qui me font comprendre, si je ne le savais pas déjà, que je ne vois pas les choses de l’extérieur – même si je n’ai pas vraiment l’impression de les voir de l’intérieur. Il est possible cependant, il est même probable que je voie les choses de l’intérieur sans bien me rendre compte que je suis à l’intérieur. Il y a peut-être les écrivains de l’intérieur et les écrivains de l’extérieur. Les écrivains de l’extérieur, ce sont Marc Lévy, Florian Zeller et Amélie Nothomb. Qui ne sont que des écrivains de l’extérieur. Car de l’intérieur, je peux vous le dire puisque Ouest-France me fait comprendre que c’est sûrement là que je suis (maintenant que j’y pense, je me soupçonne même d’être à l’intérieur de l’intérieur, voire à l’intérieur encore de cet intérieur à l’intérieur de l’intérieur. Vous me suivez ? Fermez donc la porte derrière vous, qu’on reste bien à l’intérieur) ; de l’intérieur, donc, Marc Lévy, Florian Zeller et Amélie Nothomb ne sont probablement pas des écrivains. Et ce n’est que justice, une justice géographique, en quelque sorte : ils ne vont tout de même pas être à la fois les écrivains de l’intérieur et de l’extérieur ? En tout cas je ne les ai jamais lus. Il est même probable que, du fond de mon intérieur à l’intérieur de l’intérieur, je n’aurais jamais entendu parler d’eux si, de temps en temps, une voix venue de l’extérieur n’avait prononcé leur nom. C’est vrai, monsieur, que vous écrivez des livres ? Ma mère elle aime beaucoup Guillaume Musso. Vous connaissez Guillaume Musso ? Non, je ne connais pas Guillaume Musso. Vous devriez le lire. Tu sais, j’ai déjà beaucoup de livres à lire. Par exemple, je n’ai lu qu’une dizaine de livres d’Antoine Volodine. Tu te rends compte de la lacune ? (Inutile de préciser qu’entre temps le dialogue est passé en mode off.) Bref. C’est un problème d’homonymie, quoi. Guillaume Musso et moi pratiquons des activités sans aucun rapport mais qui, bêtement, portent le même nom. Un peu comme l’agent de police et l’agent immobilier, quoi. Ça prête à confusion. On s’étonnera après que la visibilité soit mauvaise.

 

 

Commentaires

Vous me donnez envie de rouvrir La littérature sans estomac. Vous êtes un Pierre Jourde, vu de l'intérieur!
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 21/06/2012 à 21h10
Ah non, lui il lit les auteurs qu'il critique ; je ne suis pas si fou.
Réponse de PhA le 22/06/2012 à 10h57
Tiens, Depluloin est de retour et il ne me l'avait pas dit !
Commentaire n°2 posté par Pascale le 21/06/2012 à 23h14
C'est Depluloin du bois mesdames.
Réponse de PhA le 22/06/2012 à 11h00
Ironie : vous n'allez pas me croire mais il a fallu que je vous lise pour que, de l'intérieur de mon igloo, j'entende (ce n'est pas le bon mot, je n'en ai pas d'autre) parler de Guillaume Musso....
Commentaire n°3 posté par Anonyme le 22/06/2012 à 08h32
C'est signe que votre igloo est bien isolé - ce qui est la qualité principale qu'on attend d'un igloo.
Réponse de PhA le 22/06/2012 à 11h02
Lorsque j'étais donneuse de voix, j'ai du enregistrer deux Marc Lévy et un Amélie Nothomb. Heureusement, je n'ai pas enregistré que ce genre de...disons ... produits. Mais il faut bien faire plaisir à tous les lecteurs, quitte à se détendre après  avec d'autres nourritures plus substancielles.
Commentaire n°4 posté par Lza le 23/06/2012 à 15h11
En réalité je n'ai rien contre ces auteurs et encore moins contre leurs lecteurs ; ce qui est gênant, c'est la confusion des genres - et là on même bien au-delà d'une différence de genre. A ce titre je trouve quand même que les couvertures de Musso et Lévy annoncent clairement la couleur, c'est déjà ça - mais ce n'est pas forcément le cas pour d'autres livres pas tellement plus littéraires.
Réponse de PhA le 25/06/2012 à 16h15
J'aime beaucoup tes considérations géographiques, Philippe, autre manière de dire que le hublot marque la différence entre l'intérieur et l'extérieur : question de survie que j'approuve. Cela dit, Marc Levy s'écrit sans acent aigu, comme Zeller ou encore Nothomb : leur signe de reconnaissance, en quelque sorte. J'ai lu le premier livre de Marc Levy : cela m'a fait penser à du Jacques Abeille, moins le bourdonnement, phrases vides et narration invraisemblable. C'est dire au fond – au fond – que seul le hublot compte, sa densité, son cercle plus ou moins rond, ses points de rouille, la mobilité de son loquet, (son étanchéité ?), bien plus que le côté où l'écrivain se trouve. Il me semble.          
Commentaire n°5 posté par David Marsac le 29/06/2012 à 09h54
Bien sûr que Levy n'a pas d'accent, où avais-je la tête ?
Réponse de PhA le 01/07/2012 à 10h18
 

lundi 18 juin 2012

je suis ce point qui ne cesse de fuir


La plupart du temps, je suis seul. Je ne sais plus qui a dit qu’entre le transfert et la solitude, il fallait choisir. Eh bien moi, je n’arrête pas de transférer et pourtant je suis seul. Par exemple, mon vélo est à l’évidence non seulement une partie de moi-même mais moi-même quand je suis sur mon vélo, car il ferait beau voir que je finasse à ce propos en pleine course sur une nationale surembouteillée où les conducteurs ne font pas plus cas de vous que d’un hérisson, et il ferait beau voir également, lorsqu’un conducteur me passe et donc ne fait pas plus cas de moi que d’un hérisson, que je ne sois pas illico l’arbre qui se présente et qui risque de brutalement me rencontrer, pour tout aussitôt devenir, au moment même de l’impact, le pauvre moucheron qui s’est précipité dans mon œil, le chauffe et le rougit, puis le petit chien qui s’accroche à mon bas de pantalon en jappant, comme je comprends qu’il veuille jouer : je joue avec lui tout en faisant mine de secouer ma chaussure ; c’est, en tant que grande personne, l’attitude que j’attends de moi ; alors, un peloton de cyclistes m’encadre (voir supra) et je suis cycliste, le peloton s’éloigne et je suis orphelin, mon papa est mort et maman m’a abandonné quand j’avais quatre ans, j’ai été placé en famille d’accueil, les services sociaux se sont trompés dans mon dossier et ma mamy de substitution n’a pas touché sa pension, je mange des omelettes aux petits pois tous les jours mais je suis entouré d’affection, mes vêtements sont achetés sur le marché et à l’école les camarades se moquent de moi en se montrant leurs Nike et en me criant jeusdouit, jeusdouit, pendant toute la récréation, alors je me réfugie dans la classe près du cochon d’Inde et la maîtresse m’asticote : allez, il faut pas se laisser faire, va de l’avant, retourne dans la cour, c’est là que ça se passe ; je retourne dans la cour pour lui faire plaisir et je m’appuie au mur en attendant la sonnerie ; le lendemain j’ai une crise d’eczéma, mes joues sont rouges et pleines de croûtes, je suis obligé de me soigner au Mercryl Laurilé qui est un liquide qui pique, à ce moment j’évite un trou, et je suis, bien entendu, le temps que je le borde, ce trou, ce défaut de voirie dans un continent sans argent, à la pensée continentale, vieille et dévoyée, et je suis moi-même cette pensée fripée, ce goût nouveau pour la pierre de raille, le vin rouge et les allocations familiales, puis, tout au bout de la route, il y a ce point qui ne cesse de fuir et je suis ce point qui ne cesse de fuir et reste égal à lui-même le temps que je pédale.
 
Nathalie Quintane, Cavale, POL, 2006, p. 127 à 129.
http://www.sitaudis.fr/Source/GF/cavale-de-nathalie-quintane.jpg 
La lecture de Guillaume Fayard sur Sitaudis.


Commentaires

Ah ! Après Tomates - c'est ça? - j'ai comme dans l'idée que je vais retrouver la Nathalie Quintane que je préfère. 
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 18/06/2012 à 19h01
Avant Tomates, plutôt, mais déjà en cavale.
Réponse de PhA le 18/06/2012 à 19h06
Magnifique ! On pense à l'écuyer "surexistant" du chevalier inexistant de Calvino...
Commentaire n°2 posté par Fiolof le 20/06/2012 à 00h44
Finalement l'existence n'est qu'une longue hésitation entre sur-existence et sous-existence.
Réponse de PhA le 21/06/2012 à 11h20

mercredi 13 juin 2012

De la soupe


« Mange ta soupe ! » dit la mère, ou parfois le père, mais plus souvent la mère, comme dans toutes les questions de vie et de mort. Et l’enfant rechigne. Bouche cousue. Pas une cuillérée n’y entrera, pas un mot n’en sortira. « Regarde ton frère (ou ta sœur, ou ton père pour l’enfant unique, ou ton chien pour l’orphelin), regarde comme il la mange avec plaisir, la bonne soupe. » La bouche est close, pas un mot n’en sortira, car les mots sont déjà là pour défendre la cause de l’enfant : manger sa soupe, non, vraiment, il y a quelque chose qui ne va pas. C’est contre-nature. La soupe, c’est liquide, et un liquide, on le boit. Inutile d’agiter la cuiller, argumentatif ustensile, pour tenter de faire croire le contraire : le chocolat du matin, maman le fait tellement chaud, justement, qu’on préfère le boire à la cuiller. Le boire à la cuiller. Alors pourquoi irait-on manger de la soupe ? Vous croyez sérieusement que vous la mangez, vous, la soupe ? Non, la soupe, ça ne se mange pas. Et ça ne se discute pas non plus.
Ça ne se mange plus, plutôt. Car ça s’est mangé. Autrefois, tout enfant vous le dira pourvu que parveniez à lui faire desserrer les lèvres, les gens mangeaient la soupe. Car la soupe, c’est – ou du moins c’était – du pain qui trempait dans le bouillon. Pas de la baguette parisienne fraîche du jour, non ; du pain bien rassis ramolli par le bouillon. C’était ça, la soupe, et ça se mangeait, puisque c’était un aliment solide. Un aliment tellement solide quand il s’appelait encore pain (ou plutôt quand il ne s’appelait plus pain depuis longtemps tant il était dur) qu’il fallait le tremper pour qu’il redevienne comestible sous une forme et une consistance qui ne méritait plus le nom de pain, et qu’on appelait soupe parce qu’il lui fallait bien un nom, à cette chose redevenue mangeable. Et comme on n’avait pas grand-chose à manger, on était bien content de la manger.
Et puis, comme le pain est devenu de plus en plus frais, il a déserté le bouillon, qui ne lui était plus nécessaire. La soupe a déserté la soupe. Mais son nom est resté, lui. Le nom de la soupe est resté à tremper dans la soupe, fantôme de cette soupe d’autrefois qu’on ne mange plus. Où est-elle, la soupe, maman, dans la soupe que tu me donnes ? Comment veux-tu que je la mange alors qu’il n’y a pas de soupe dans cette assiette ? Ce que tu appelles de la soupe n’en est pas. Ce que tu appelles de la soupe, c’est tout juste ce qui reste de la soupe quand on a déjà mangé la soupe. Pourquoi donc me demandes-tu de manger une soupe qui l’est déjà ? Pourquoi me demandes-tu de manger ma soupe alors que tu ne manges pas la tienne, puisque ce que tu prétends manger et ingurgites à la cuiller, c’est très exactement de la non-soupe ? C’est, dans l’ensemble des éléments contenus par les limites de ton assiette creuse, la partie strictement complémentaire de la soupe – et d’une soupe que nos ancêtres ont déjà mangée, il y a bien longtemps, puisqu’il n’en reste rien.
Je me demande si tu es prête à entendre ces explications. L’expressivité singulière de tes arguments – pour grandir, pour devenir fort comme papa… hein mon trésor…elle est pas bonne la soussoupe ? – tend à me faire penser le contraire. Alors je préfère garder la bouche close. Rien ne passera, ni dans un sens, ni dans l’autre.

Commentaires

... de cette impossibilité absolue d'avaler en effet la moindre soupe... Car ça s'est mangé ( J'aime tout particulièrement dans votre beau texte cette formulation durassienne et j'ai pensé à ces lignes où il est écrit que "S'il n'y avait pas de soupe prête, il n'y avait rien du tout. S'il n'y avait pas une chose prête, c'est qu'il n'y avait rien, c'est qu'il n'y avait personne.", La maison in La vie matérielle, p.49, P.O.L.)
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna le 13/06/2012 à 16h31
Merci ! (Il faudra que je goûte à cette soupe-là, tout de même.)
Réponse de PhA le 14/06/2012 à 17h19
C'est bien. Vu votre assiette vide, vous avez fini par la manquer votre soupe! (Et pas de panique, on va y revenir à la soupe, populaire ou non!;)
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 13/06/2012 à 18h22
Absolument, désormais, on ne mange plus la soupe, car la soupe manque. (Entre autres.)
Réponse de PhA le 14/06/2012 à 17h20
Mais il y en a tant, par les temps qui courent, qui vont à la soupe... Ils y trouveront sans doute à boire et à manger....
Commentaire n°3 posté par Anonyme le 13/06/2012 à 18h25
C'est que la soupe est devenue n'importe quoi.
Réponse de PhA le 14/06/2012 à 17h21
Complètement manqué, oui ! :))
Commentaire n°4 posté par Depluloin le 14/06/2012 à 17h29
En Bretagne quand on se baigne dans une mer tiède (chez nous on la trouve tiède à 19° (0_0)) on dit : qu'est-ce qu'elle est bonne, c'est de la soupe. Je me demande pourquoi? Hum! En ce moment, je n'y mettrai même pas un orteil, elle avoir la température d'un gaspacho!
Commentaire n°5 posté par Ambre le 14/06/2012 à 18h09
C'est vrai, même moi je le dis - mais quand elle approche des 30° - à quelque distance de la Bretagne, donc.
Réponse de PhA le 15/06/2012 à 09h02
Oui, ben en Bretagne, à certans endroits, c'est vraiment de la soupe...à la verdure...
Commentaire n°6 posté par Lza le 16/06/2012 à 09h13
Je me rappelle en effet y avoir pris d'étranges bains de laitue confite.
Réponse de PhA le 18/06/2012 à 18h36

samedi 9 juin 2012

L’Héroïne de roman


L’héroïne de roman est toujours en crise, la bourgeoise distille son ennui, la fille du peuple veut s’élever, cocotte à macarons, etc…
Comment sortir de cette dépression ?
Le nez un peu lourd, la bouche trop grande, elle ne brade pas ses émotions, au moins un amant par jour lorsque les femmes réelles désirent un amoureux pour la vie.
Dans un roman, la femme inquiète, alors que la jeune fille n’inquiète jamais complètement. Elle rougit facilement, c’est tout. Jamais vous ne pourrez fixer le visage d’Emma qui n’a pas de visage (même pas celui d’Isabelle Huppert).
Les visages romanesques ne vieillissent pas comme les vrais, dans un livre, vous vieillirez brusquement.
 
Toute femme est un roman en puissance, toutes veulent imiter ce qu’elles ont lu dans les livres, consultent des agendas, écrivent des listes, s’adressent à des micros miniatures.
Dans un roman, il doit se passer quelque chose sinon on quitte le livre, une chose meilleure que dans la vie doit se produire.
La femme romanesque doit exciter le destin, s’habiller en poupée, on lui fait dire des choses qu’elle pense vraiment.
 
Prenez un grand roman, suivez sa progression, et maintenant, une histoire vous arrive, cette histoire commence, elle vous concerne… vous voyez une différence ?
Ignorant le moment propice pour vous déclarer, vous savez que cet amour est taillé pour vous comme dans un livre.
Alors ? Vous faites quelque chose ou rien ?
Ce roman était le vôtre, le saviez-vous ?
Quand le quotidien devient une aventure et que vos nerfs sont à vif que faites-vous ?
 
Certaines composent un numéro ou apprennent ce numéro par cœur, d’autres écrivent des poèmes.
Laisser faire les émotions n’a rien d’héroïque.
Surveillez votre poids, votre tenue, faites des efforts, ajustez vos vêtements.
Si on compare le désordre du réel à la structure d’un roman, on comprend que l’amour est arbitraire, qu’une fois cette aventure terminée, vous ne la relirez pas.
Comment refaire votre destin au propre ?
 
 
Véronique Pittolo, Toute résurrection commence par les pieds, éditions de l’Attente, 2012, p. 119-120.
http://www.editionsdelattente.com/site/www/images/livre/couverture/123.jpg 
Véronique Pittolo dans les micro-fictions de France-Culture : De tout temps les couples n'ont pas formé un tout.


Commentaires

Je ne rate jamais les "micro-fictions" de F.C. à l'heure du déjeuner (une savoureuse mise en bouche en guise d'apéritif) sauf que, zut, j'ai raté celles-là (j'étais en vacances:))
Ce texte est excellent!
Commentaire n°1 posté par Ambre le 11/06/2012 à 13h43
Dommage ! (D'autant que la série suivante est nettement moins convaincante.)
Réponse de PhA le 11/06/2012 à 17h45
oh! oui! (soupir)
Commentaire n°2 posté par aléna le 11/06/2012 à 14h03
Moi j'ai de la chance : je suis un héros.
Réponse de PhA le 11/06/2012 à 17h47

mercredi 6 juin 2012

Comment vivre à deux quand soi-même on est trois ?


CLAUDE 18h30
Tu veux savoir quoi ? Il y a soixante-deux jours aujourd’hui je suis parti au bureau le matin, j’ai passé une journée ordinaire, ni pire ni meilleure que les autres journées, il n’est rien advenu d’extraordinaire dans le monde ce jour-là, ni même dans l’espace : tu te souviens ? On a regardé des sites d’astrophysique pour savoir s’il n’y avait pas eu un événement cosmique, un alignement particulier de planètes ou l’explosion d'une supernova.
Ma journée de travail achevée, je n’ai pas regardé l’heure, j’étais fatigué, je suis rentré chez moi. Je suis arrivé à 18h30 précises, et je suis tombé nez à nez avec moi-même, un autre moi-même, arrivé à 18 heures précises.
 
CLAUDE 19h
Et une demi-heure après je débarquais.
 
CLAUDE 18h30
Et une demi-heure après nous étions tous les trois à regarder la porte, terrifiés à l’idée de voir un quatrième nous-même arriver, accrocher ses clés au clou comportant déjà trois trousseaux et nous regarder d’un air stupide.
 
CLAUDE 19h
Pourquoi ça s’est arrêté ? Pourquoi seulement trois ?
 
CLAUDE 18h30
Pourquoi ça s’est passé ? Pourquoi trois fois ? Des questions, on en avait tellement dès le premier soir qu’aucun de nous n’est allé consoler Monika.
 
Eric Pessan, les Inaboutis, Théâtre Ouvert, 2011, p. 39.
 
Comment vivre à deux quand soi-même on est trois ? Une de ces situations décalées et mystérieuses chères à Eric Pessan, riches en questions – et au théâtre cette fois.
Un article de Laurence Cazaux dans le Matricule des Anges.
http://www.theatre-contemporain.net/images/upload/thumbs/L255-H353/f-adc-4e9bde5cbafaa.jpg
Eric Pessan a récemment fait paraître Dépouilles, aux éditions de l'Attente ; et, encore plus récemment, N, aux éditions les Inaperçus.


Commentaires

Ah, c'est génial... (Le délire des cellules-oeuf se prenant pour des morula est très répandu, tout de même. C'est le syndrome de diffraction des miroirs en mouvement de Fraunhofer, connu aussi comme la metempsychose blastocyste totale)
Commentaire n°1 posté par Axolotl le 07/06/2012 à 20h12
Combien de jumeaux avez-vous ?
Réponse de PhA le 09/06/2012 à 15h03
Oui.
Commentaire n°2 posté par Anonyme le 08/06/2012 à 13h30
La vie suppose de composer.
Réponse de PhA le 09/06/2012 à 15h04
Chouette ! (Tellement fou que j'ai cru que c'était de vous.)
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 08/06/2012 à 13h45
Mais c'est de moi. Tous les livres qui paraissent et même ceux qui ne paraissent pas sont de moi. Je m'en vante rarement parce qu'il y en a certains dont je ne suis pas fier.
Réponse de PhA le 09/06/2012 à 15h06
"Quelquefois, je rève que j'ai deux Papas: un qui est gentil avec moi, qui me fait rire, qui m'emmène en promenade.L'autre qui me fait peur, qui se met en colère pour rien, qui est injuste. Et je ne sais jamais quand l'un va remplacer l'autre."
                                          Une petite fille.
Commentaire n°4 posté par Lza le 09/06/2012 à 14h42
Est-ce un rêve ?
Réponse de PhA le 09/06/2012 à 15h15
un très bon souvenir (et j'ai texte pour raffraichir) et pourtant un jour où j'étais malaaaade
Commentaire n°5 posté par brigitte Celerier le 16/06/2012 à 10h23
pardon, n'ai rien dit - reconnu ton, et j'ai confondu avec un autre texte - bon me faut celui là alors
Commentaire n°6 posté par brigitte Celerier le 16/06/2012 à 10h25
(Il faut dire que c'est un auteur donc l'actualité foisonnante demande au lecteur un vrai talent de pisteur.)
Réponse de PhA le 18/06/2012 à 18h38

lundi 4 juin 2012

une confidence

Je dois bien reconnaître qu’une chose et une seule de tout temps m’a été claire, limpide, évidente : la grammaire. Tout le reste n’est qu’extrême confusion. Parfois je vois cette tension comme une injonction, d’autres fois comme une crampe.


Commentaires

Quand tu dis une seule chose, c'est toutes matières confondues ? Cela voudrait-il dire que tu ne comprends pas : les femmes, ta déclaration d'impôts, la musique dodécaphonique, la peinture contemporaine, le vote bleu marine, la logique de la signalisation routière, la poésie kirghize, les trous noirs ?
Moi non plus !... je vais m'acheter un Bled tiens !
Commentaire n°1 posté par Mme de K le 04/06/2012 à 17h13
Voilà.
Réponse de PhA le 05/06/2012 à 20h19
Pour ma part, je me cramponne.
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 04/06/2012 à 17h44
A vos sujets ?
Réponse de PhA le 05/06/2012 à 20h23
Est-elle si fixe que ça, la grammaire, est-elle fixée une fois pour toutes? Il me semble que les manuels de grammaire les plus pointus ont parfois recours à la tolérance, qu'ils fournissent exemples et contre-exemples... N'a-t-on pas autorisé récemment la fin des zaricots? Que dites-vous à vos élèves?
Commentaire n°3 posté par Anonyme le 04/06/2012 à 21h51
Oh non, elle n'est pas fixe du tout, bien heureusement - mais je ne crois guère à la tolérance en cette matière (et j'en ai assez peu à l'égard de certains manuels, d'ailleurs). (Mes élèves ? Eux-mêmes me parlent souvent de cette rumeur à propos de vos zaricots - à quoi je leur réponds qu'il ne faut pas prêter foi aux rumeurs.)
Réponse de PhA le 05/06/2012 à 20h30
et puisque tous les problèmes du monde sont grammairiens...
Commentaire n°4 posté par aléna le 04/06/2012 à 21h58
Alors comme ça vous trouvez que j'ai la carrure pour être le maître du monde ? (Remarquez une fois j'ai bien rêvé que j'étais Bonaparte.)
Réponse de PhA le 05/06/2012 à 20h32
ou depluloin? :)
Commentaire n°5 posté par aléna le 06/06/2012 à 18h56
Moi j'ai de plus en plus de crampes avec les conjugaisons!
Commentaire n°6 posté par Ambre le 06/06/2012 à 20h27
Un doigt de bescherelle ?
Réponse de PhA le 09/06/2012 à 14h55
Mon père était agrégé de grammaire (il paraît que c'est un jeu d'enfant).
Conjuger : le conjugal n'y échappe même pas !
Commentaire n°7 posté par Dominique Hasselmann le 07/06/2012 à 14h00
C'est que l'agrégation de lettres modernes n'existait pas encore. On se trouve aujourd'hui dans l'étrange situation d'avoir plus de grammaire - française - au programme de l'agrégation de lettres moderne qu'à celle de grammaire. Mais ce sentiment chez moi remonte à la toute petite enfance - aussi bien pour la grammaire que pour le reste.
Réponse de PhA le 09/06/2012 à 15h00