jeudi 30 avril 2015

arrête la pluie




Aujourd’hui il pleut, mais à Londres tout de même nous sommes passés entre les gouttes – et les époques).
Aujourd’hui il pleut, mais hier le train est arrivé à l’heure et moi en avance à la Belle Lurette. Et là quelle belle soirée franchement ! Merci à Pierre Barrault et à toute l’équipe de la Belle Lurette, et merci au public chaleureux.
Aujourd’hui il pleut mais aujourd’hui aussi grâce aux éditions de l’Attente paraissent officiellement mes Mémoires des failles.
Aujourd’hui il pleut mais voici qu’aujourd’hui encore je découvre l’article de Didier da, premier à dégainer à propos desdits mémoires ; lisez donc, c’est ici.
Aujourd’hui il pleut et le temps d’écrire ce billet voici que la pluie elle-même a l’air de renoncer à tomber, elle fait sagement, il n’y a pas que la pluie dans la vie.



jeudi 23 avril 2015

Rendez-vous à la Belle Lurette



Les Hublots pour quelques jours ferment leurs écoutilles et vous donnent rendez-vous à la Belle Lurette. Ce n’est pas un adieu mais un authentique rendez-vous, en chair et en os (on se posera d’ailleurs la question), organisé par la librairie La Belle Lurette qu’on remercie chaleureusement et qui est sise 26 rue Saint-Antoine, dans le quatrième arrondissement, entre Bastille et Saint-Paul. Ce sera le mercredi 29 avril à 19h30, pour parler de la Vie des hauts plateaux. Vous avez peut-être reçu une invitation : venez. Vous n’en avez pas reçu ? Venez quand même, au moins pour vous plaindre.


mercredi 22 avril 2015

Mémoires des failles

 


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Monique Rivet et la fiction en abyme : le Cahier d’Alberto



C’est Quidam qui édite le Cahier d’Alberto de Monique Rivet, et de figurer au même catalogue est déjà un plaisir. Monique Rivet est l’auteur de quatre romans publiés dans deux vies littéraires différentes que quarante-cinq années séparent, je vous en avais parlé à propos de la parution du Glacis, en 2012, cliquez donc pour vous rappeler. Quarante-cinq années d’écriture quand même, à n’en pas douter, car si le Glacis est un très beau roman de jeunesse, le Cahier d’Alberto est à l’évidence l’œuvre de la maturité littéraire.
C’est l’histoire d’un lieu, on pourrait dire – on peut le dire puisque Mallarmé en exergue nous y invite : RIEN / N’AURA EU LIEU / QUE LE LIEU. Serait-ce aussi l’histoire d’une histoire qui n’aurait pas eu lieu ?
Céline et Sandro sont un jeune couple charmant. On aurait envie de les avoir comme amis. En plus ils viennent d’emménager dans une vieille maison méridionale et de caractère, « dans la partie ancienne de Saint-Julien, à l’aplomb de la butte qui porte les ruines du château ». Une ancienne maison de vigneron. On y passerait volontiers des vacances, Céline et Sandro ont décidé d’y faire carrément leur vie – au moins pour un temps.
Des vies, la maison en a connu d’autres. Un voisin, Monsieur Leleu, le père Leleu plutôt, est là pour leur en parler. Il a connu les précédents occupants. Une famille italienne, qui vivait à l’écart, les deux frères surtout – la sœur a quand même été sa collègue à la poste. C’est comme ça que Monsieur Leleu a eu connaissance du « cahier d’Alberto ».
Céline et Sandro sont un jeune couple charmant, mais Sandro est traducteur professionnel, de l’italien. Traduttore, traditore, dit-on – en italien, justement. Par ailleurs, Sandro est aussi le narrateur du Cahier d’Alberto, le roman de Monique Rivet. De là à ce qu’il se prenne presque pour celui du cahier d’Alberto, ce cahier tenu par le frère aîné de la mystérieuse famille italienne autrefois propriétaire de la maison qui est aujourd’hui la sienne, ce cahier perdu dont on n’a connaissance que par le récit qu’en fait le père Leleu, et qui nous est donc ensuite rapporté par Sandro… On comprendra que le sujet du roman est ce que j’appellerais volontiers un sujet à caution.
On l’aura compris : il y a dans ce roman plusieurs récits écrits les uns par-dessus les autres, dont le seul immédiatement lisible est le Cahier d’Alberto de Monique Rivet, lequel se présente comme un palimpseste du cahier écrit par Alberto, qui nous renvoie à une autre époque, celle de l’Occupation et de la période qui a suivi. Mais il y a un autre récit à lire en palimpseste encore, c’est celui que, tout en écoutant le Père Leleu, Sandro est en train de  traduire, puisqu’il est traducteur, non sans y commettre quelques infidélités que lui signale d’abord son éditeur. Des infidélités en formes de lapsus révélateurs qui, par la contamination du cahier d’Alberto, vont littéralement phagocyter la traduction de Sandro, laquelle devient un nouveau texte qu’il garde pour lui et se met à appeler carrément le « Monstre ». Un « Monstre » qui nous révèlera les secrets d’une autre histoire encore – qu’évidemment que je garderai secrète.
Il y a donc dans le Cahier d’Alberto une mise en abyme de la fiction, chacun des personnages, Sandro, le père Leleu, Alberto lui-même étant susceptibles d’avoir imprimé dans leurs récits leurs propres fictions. C’est pourquoi je ne suis pas surpris que Quidam, l’éditeur notamment de Jérôme Lafargue, ait été séduit par ce texte – à moins que je ne projette sur ma lecture mes propres fictions ; car la lecture, après tout, c’est encore de la fiction.

Guillaume Contré a consacré au Cahier d’Alberto un article éclairant pour le Matricule des Anges, on peut aussi le lire sur son blog.


mardi 21 avril 2015

lundi 20 avril 2015

Etre et avoir



« Qu’est-ce que j’ai ? » se demandait-il tandis que tout le monde le considérait en silence – n’osant plutôt se demander « Qu’est-ce que je suis ? »


samedi 18 avril 2015

Le parfum du jour est fraise



Le parfum du jour est fraise est une affirmation qui ne se discute pas. C’est comme ça : le parfum du jour est fraise. Se lécher les babines à l’avance serait un comportement inconvenant. On ne vous demande pas vos goûts, on vous informe : le parfum du jour est fraise.

« Le parfum du jour est fraise » est une citation tirée de The Prisoner, nous dit un prière d’insérer de la même couleur. On traduira par Le Prisonnier, et votre pensée en surimpression sera autorisée à faire apparaître le visage de Patrick McGoohan au volant de sa décapotable, qui vous rappellera combien les choses sont sérieuses et ne le sont pas.

Le parfum du jour est fraise est le nouveau livre de Pascale Petit qui vient tout juste de paraître, que dis-je, qui paraît en même temps que je vous parle aux éditions de l’Attente et qui vous attend. Vous l’ouvrirez et on vous dira quoi faire. Vous aurez à construire un village et on vous préviendra que vous aurez « un certain nombre de choses à respecter et de consignes à suivre ». On vous le redira même en anglais, en globbish, plutôt, au cas où vous auriez du mal à comprendre. Car vous pourriez être tenté de prendre ces instructions à la légère. On ne vous le recommande pas.

Celui qui vous dit « On ne vous le recommande pas » ne fait pas partie du « nous » qui s’adressera à « vous » quand vous lirez le livre. Celui qui vous dit « On ne vous le recommande pas » s’est parfois mêlé de dénoncer le conformisme social dans ses propres livres. Il est aussi l’auteur du blog Hublots sur lequel vous lisez ce billet après que lui-même a lu Le parfum du jour est fraise. Ce billet a été écrit après que son auteur a lu Le parfum du jour est fraise de Pascale Petit. Il profite de ce billet pour faire amende honorable. Tenez-le-vous pour dit. Préparez-vous à en faire autant.

Donc ouvrez le livre. Lisez ce qu’on vous dit. Essayez de tout retenir. Ne vous fiez pas à la couleur de la couverture. Ne vous attendez pas à manger de la glace à la fraise. Vous serez bien suffisamment glacé par votre lecture, vous pouvez nous faire confiance. Vous devez nous faire confiance.


vendredi 17 avril 2015

Mon jeune grand-père (78)



Le 18 octobre 1917. C’est bizarre, ces trois semaines sans cartes. J’aurais encore mis du désordre ? Mes biens chers parents. Là aussi, une insistance inhabituelle, et la faute à « bien » est peut-être une conséquence de cette insistance.
Je n’ai pas été favorisé par la correspondance tous ces jours-ci. Je n’ai reçu que les deux cartes de maman des 24 et 25 et celle de papa du 26 et cela après être resté 6 jours sans rien du tout – 6 jours qui n’expliquent pas ce trou de deux semaines dans la correspondance ; je commençais à m’ennuyer. Comme colis ça va mieux. J’ai reçu les n° 4-8-9-10-11. Les poires commençaient à être assez abîmées, j’en ai pu cependant en retirer quelques-unes (si je lis bien), qui n’avaient presque rien, elles étaient très bonnes. Le reste qui commençait à être blet, je l’ai fait cuire pour en perdre moins. Je vous remercie de l’intention mais c’est un essai qu’il vaut mieux ne pas renouveler. Le reste était en bon état. Mon ami me dit de demander de joindre quelques oignons au colis de pommes de terre. Je ne suis pas sûr que ce soit « ami » qu’il faille lire. D’ailleurs on dirait qu’il y a un e à la fin, et je me demande s’il n’y a pas un o avant le i. Il doit s’agir de Daussy. Je comprends que ma chère maman se soit ennuyée toute seule, j’ai bien pensé à elle pendant ce temps. Je vous remercie de me mettre de côté les articles sur mon oncle. Je regrette bien de ne pouvoir les lire maintenant. Je ne sais pas de quel oncle il s’agit. Edmond avait deux oncles, un de chaque côté. Son oncle maternel était commandant, comme son père, mais il était beaucoup plus jeune. Il est mort le 21 septembre 1917. C’est peut-être de lui qu’il s’agit. Je ne sais pas comment il est mort. Dans la carte du 23 avril 1917, Edmond évoque sa maladie. Mais dans celle du 7 mai il allait mieux. Dans la récente carte du 17 septembre ce doit être lui de nouveau qui n’a « pas de chance ». Hector Mangot. Mais je ne suis sûr de rien. Je suis content de savoir que Papa a fait un bon voyage, mais il a dû être bien fatigué. Ce pauvre M. Jouanne doit être en effet bien triste ; voir partir comme cela tous les siens, c’est dur. Ce nom aussi m’est inconnu. L’écriture est assez lisible mais je ne crois qu’il figure ailleurs dans ces cartes. Surtout il n’a pas eu la consolation d’être choyé par ses petits-enfants. Recopier les cartes de son grand-père inconnu, est-ce une manière de le choyer ? J’espère que l’indisposition de Tante Marie (je n’arrive pas à lire) rien de grave + (Je tape un + parce que je vois un +. Il signale peut-être le changement de sujet.) Quant à moi cela va tout doucement pour l’instant ; j’ai vu le médecin ce matin pour mon estomac, il m’a mis au régime spécial pour quelques jours et m’a donné du (je lis « calonnet » ou « cabonnet ») à prendre. Le régime spécial consiste en boudin et fruits cuits, mais comme j’ai reçu des œufs ce matin ce sera bien meilleur. Décidément il y a tout dans cette carte. Un grand-père qui ne sera pas choyé par ses petits-enfants et un autre qui ne sera jamais grand-père ou du moins ne le saura jamais, à cause d’un estomac qui s’est détraqué durant un séjour prolongé à l’Offiziergefangenenlager Reisen in Posen et qui ne guérira pas. A part cela rien de neuf, je travaille toujours un peu. Nous pouvons encore faire de bonnes promenades car le temps est encore beau. Par moment nous avons un vent terrible, cela n’a rien d’étonnant car nous sommes dans une immense plaine et il n’y a rien pour l’arrêter. Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis et tte la famille. EA


mardi 14 avril 2015

on se souvient soudain de n’avoir pas vécu


La voici d’un coup, impromptue, sous la main : la preuve ! Elle est là, tangible et manifeste ; prête à feuilleter à volonté par qui voudra. Son authenticité, son origine plutôt ne peut pas faire de doute – d’ailleurs oui, on s’en souvient : toute cette matière vient de soi ; on en est, comment mieux dire, l’auteur ! Pourtant quand était-ce, tout ça, toute cette vie insoupçonnée ? La question résiste, mauvais pli du drap sous la main du dormeur malhabile, et voici qu’au moment de la compulser, la preuve, page à page, en proie – c’est bien compréhensible –, à la plus vive des émotions, voici que tout ce qui soudain s’étale devant les yeux certifie l’improbable. On comprend : on se souvient soudain de n’avoir pas vécu.
(Ce sont les premières lignes de Mémoires des failles, à paraître tout début mai aux éditions de l'Attente.)



lundi 13 avril 2015

Claro vous le fait avec la langue.



Certains ont des rapports sexuels, d’autres font l’amour. Certains écrivent des rapports circonstanciés, d’autres écrivent de la littérature. Et même quand elle ne se prend pas au sérieux – salutaire prise de distance au moins de temps en temps –, elle peut rester de la littérature, pourvu qu’elle soit écrite avec la langue. Claro a fait son choix. Pomponnette Iconodoule aussi. Pomponnette Iconodoule, c’est l’héroïne de Dans la queue le venin, qui vient de paraître aux éditions de l’Arbre vengeur ; mais nul doute que l’auteur de Madman Bovary pourrait vous déclarer « Pomponnette Iconodoule, c’est moi ». Qui embarque pour Istamboul à la recherche de son amant égaré plutôt que perdu (mais quel amant !) parce que, nous dit le titre de la première partie, « All you need : Istamboul » Le ton est donné. Moi aussi, I like tam boul sometimes, mais il vaut quand même mieux que je vous donne un échantillon aéroportuaire pour que vous vous rendiez mieux compte de l’importance des préliminaires (qu’on a tout à gagner à étirer aux dimensions d’un livre entier pourvu qu’il ne soit pas trop long quand même : une petite centaines de pages aérées) :



Pomponnette aime les longues queues ombilicales qui mènent aux guichets des douanes. Elle apprécie leur progression coordonnée, ou plutôt : accordéonnée, pense-t-elle, ces glissements annelés et apathiques qui laissent se propager les ondes de l’attente en petits pas prudents – on avance comme si on muait sur place, mais dans l’espace, quand même, en se dépouillant de sa peau et de ses tares parisiennes, les pieds semblent chercher à tâtons d’imaginaires babouches, la valise teste ses roulettes sur un tapis que taquine l’idée d’envol.

Bien sûr, la lombricité un tantinet lascive de la progression est cause parfois de frictions, il est important de ne pas se laisser distraire par le spectacle d’un polymorpion hurleur ou d’une pétasse dolchégabanée qui double impunément son monde. En revanche, immense est le plaisir de voir l’ancien et le nouveau s’alterner, les foulards lever les voiles, les samsonits copuler avec les gros sacs bouffis à motifs écossais, d’entendre les cédilles copuler avec les palatales.



Claro, Dans la queue le venin, L’Arbre vengeur 2015, p. 35-36.


vendredi 10 avril 2015

Luce et la liberté



Luce est toute jeune, toute mince et a choisi la liberté.
Luce est toute jeune, toute mince et a choisi la liberté.
Je le dis deux fois parce que c’est vrai deux fois. Luce est l’héroïne de la BD à laquelle elle donne son titre, regardez-la. Quant à Luce, elle ne dépasse pas plus les 50 pages que Luce les 50 kilos mais elle a l’avenir devant elle, et chez un tout nouveau label, auquel on souhaite un bel avenir, ainsi qu’à Etienne M. et O. Romenville.

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jeudi 9 avril 2015

Mon jeune grand-père (77)



Le 28 septembre 1917. Mes chers parents_
Je vous ai envoyé hier ma photo que j’ai enfin reçue. Comme vous le verrez, je ne suis pas trop mal et me porte assez bien. Je ne connais qu’une seule photo de mon grand-père. Du moins, je ne me souviens que d’une seule. Mais c’est sûrement une autre. Dans quelques jours, je vous enverrai une autre épreuve (je lis « preuve » mais c’est très pâle, ce doit être plutôt « épreuve ») où nous sommes en buste tous les deux Daussy. Dans la carte du 12 août 1916 aussi, Edmond écrit « nous deux Daussy ». Ça m’avait frappé. Je croyais même que ça revenait plus souvent, c’est pour ça que j’ai fait une recherche. J’y suis beaucoup mieux. Je ne sais pas si cette photo où l’on voit Daussy existe encore. Je ne pense pas. J’ai reçu ces jours-ci un courrier normal. Ce sont les cartes de Papa des 5-7-8-10-11 et la lettre de Maman du 9. J’ai reçu aussi quelques colis. Ce sont d’abord le cake n°7 (j’ai un doute, même s’il y a d’autres cakes numérotés dans ces cartes) et les n°s 26-28-30 et 1. Tout est arrivé en bon état sauf quelques tranches de pain qui étaient moisies légèrement. Justement pour le pain vous allez être tranquilles maintenant vous n’aurez plus à vous en occuper. Peut-être êtes-vous déjà au courant. L’autorité allemande nous a communiqué qu’un accord était établi avec le gouvernement français. Nous recevrons de celui-ci des envois collectifs de biscuits à raison de (je n’arrive pas à lire les nombres) par personne et dès que les premiers envois arriveront, le pain de nos colis sera versé à notre cuisine. Nous ne continuerons à recevoir que les gâteaux et petits beurres. C’est à mon avis une bonne chose, la quantité est très suffisante, les produits très bons (j’ai beaucoup de doutes sur ce que je recopie et je n’arrive carrément pas à lire ce qui suit ; ah si, finalement j’y arrive) et c’est un ennui de moins pour vous. Pour les autres services (si je lis bien), cela va bien maintenant. Je continue tout doucement le Kerbschnitt, j’ai commencé ces jours-ci un encrier pour Papa. Je crois bien qu’il est sur le bureau de Papa en effet. Le temps continue à être assez beau, c’est heureux (il me semble). Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis et toute la famille. Votre fils qui vs aime. EA

mercredi 8 avril 2015

lettre d’amour

Le i de la vierge n’est pas la vierge elle-même mais plutôt la verge qu’il révèle en s’en retirant la goutte au point.


mardi 7 avril 2015

sur le feu


C'est pour très bientôt - et pour les Bordelais ce sera probablement en avant-première dès l'Escale du Livre (les 10, 11 et 12 avril), sur le stand L29 des éditions de l'Attente, en compagnie de très beaux textes dont j'aurai l'occasion de reparler.

lundi 6 avril 2015

En territoire Lafargue



La lecture des romans de Jérôme Lafargue est un rêve sans fin.
On se souvient peut-être que le mien a commencé sur la Nationale 10, tandis que j’allais faire reproduire le manuscrit de Liquide qui n’avait pas encore d’éditeur et qu’aux Mardis Littéraires de Pascale Casanova on présentait L’Ami Butler. (Mardis qui n’existent plus tandis que France Culture est toujours en grève et que demain sur la même route j’en serai réduit à Radio Nostalgie.) Après la lecture duquel j’ai décidé de proposer mon projet à Quidam – avec qui nous avons rendez-vous encore à l’automne prochain, nous en reparlerons. Car la Nationale 10, si on la continue un peu, nous amène tout droit à l’Atlantique, celui qui fait des rouleaux et la joie des surfeurs et qui, au moins depuis Dans les ombres sylvestres et l’Année de l’hippocampe, avec toute cette forêt derrière les dunes, fait bien plus que de servir de décor aux romans de Jérôme Lafargue.
Et plus encore En territoire Auriaba – car tel est le titre de celui qui vient de paraître. Vous me direz ce que vous en pensez mais moi, ce titre, quand je l’ai découvert, ce n’est pas du tout dans les Landes qu’il m’a transporté. L’Atlantique d’un coup franchi, je me voyais traverser des étendues sauvages habitées par quelque tribu indienne inconnue. Eh bien c’est peut-être le cas aussi, car chez Lafargue les lieux se superposent les uns aux autres sans contradiction au gré d’une sorte de cryptogéographie (outre en effet une Amérique d’autrefois la côte marocaine aussi est convoquée), comme les générations aussi se superposent aux générations. Les Auriaba y sont des hommes en effet, au patronyme d’une origine douteuse ou cryptée là encore, toute une généalogie d’hommes qui sur cent soixante années se sont reproduits presque sans femme comme s’ils étaient quasi le même – du moins leur initiale est la même ; et qui vivent là, entre la forêt qu’ils arpentent et l’océan où ils surfent quand ils ne courent pas les bois. Et qui cherchent. Archibald, le narrateur, cherche. Un récit alterné nous le montre d’ailleurs en compagnie de son ami La Serpe, à moitié indien bien qu’on soit dans nos forêts landaises à nous – mais le sont-elles ? c’est plutôt une mythologie que l’on traverse –, en pleine traque, dont on ne révèlera pas l’objet, tandis que son neveu Aupwean, un garçon de dix ans qui vient de perdre son père à l’autre bout du monde, cherche aussi. Savent-ils quoi ? Quel rôle jouent Arthur Rimbaud et Alphonse Allais dans cette histoire ?
Voilà que je me prends à imiter les quatrièmes de couverture des romans de notre enfance. C’est qu’à mes yeux (je vais encore dire je car ceci est un blog et je ne sépare pas mes lectures de mon propre travail) Jerôme Lafargue incarne merveilleusement l’écrivain que je ne suis pas. Un conteur – Archibald Auriaba lui-même est un merveilleux conteur, ce n’est pas Aupwean qui dira le contraire – qui me procure un plaisir comparable à celui qu’éprouvait autrefois le lecteur de Jack London que pourtant je ne suis plus, simplement parce que le temps a passé. Et c’est bien là que je sens quelque chose de vraiment étonnant. Lafargue joue avec le lecteur que nous avons été en nous proposant une aventure (car n’ayons pas peur des mots : j’entre avec lui en aventure comme adolescent je le faisais avec Hugo Pratt) tout en superposant à cette aventure une sorte de verre magique qui tient du rêve et nous fait délicieusement douter de ce qu’on lit, parce qu’on est déjà un vieux lecteur roué qui ne veut pas se croire dupe. La condition d’une nouvelle cure de jouvence.

samedi 4 avril 2015

du liquide sur les hauts plateaux



Tandis qu’ici et là on lit Vie des hauts plateauxici un article bien vu (si je puis me permettre) de Sissi sur Critiques Libres et , Paumée qu’elle l’appelle, le très beau blog de Brigitte Célérier (l’un des plus anciens que je connaisse) qui mêle la lecture à la vie ; ailleurs c’est Liquide qui remonte à la surface grâce à l’Avis textuel de Marie M. J’aime ces coïncidences qui rapprochent deux de mes livres apparemment les plus éloignés. Car j’ai beau faire (beau faire en effet est mon projet pas seulement dans le sens de faire beau), j’ai beau faire de mon mieux pour ne pas devenir le singe de moi-même en m’imitant de livre en livre comme certains éditeurs encouragent leurs auteurs à le faire, l’ensemble des miens n’en est pas moins l’inévitable grappe de siamois soudés par tous les coudes à la fois (ou même parfois par la figure) qu’il ne peut manquer d’être. Bien sûr, à l’évidence, tout oppose Vie des hauts plateaux à Liquide. Autant l’un ressemble à la vie qu’on aime dire vraie, autant l’autre pourrait passer pour une simple suite de loufoqueries drolatiques. Autant l’écriture de Liquide était travaillée, autant pour le dernier je n’ai recherché que la simplicité de l’évidence. C’est que l’évidence n’est pas. Ni celle de ce qui est dit dans Vie des hauts plateaux, ni non plus l’opposition avec Liquide, malgré l’ambition réaliste (voire hyperréaliste) d’un livre qui assumait son statut de roman. Le conformisme social qui est l’un voire le sujet de Liquide est loin d’être étranger à Vie des hauts plateaux. Quasi dépourvus de tout libre arbitre, les personnages n’y font rien d’autre que de se conformer au programme, lequel est d’une pauvreté exagérée juste le temps de nous faire rire – avant de nous dire qu’elle ne l’est pas tant que ça. La pauvreté du programme. Exagérée. Pour dire encore une fois et d’une autre manière cette tragédie du conformisme, il me fallait la forme la moins conforme possible, dont j’aurai l’occasion de vous parler en direct le mercredi 29 avril, puisque la librairie La Belle Lurette me fait le plaisir de m’inviter ; ce sera à 19h30 au 26 de la rue Saint-Antoine, celle de Paris bien sûr (je ferai un petit rappel quelques jours avant).


mercredi 1 avril 2015