Rien (qu'une affaire de regard) (Quidam éditeur)





RIEN (qu'une affaire de regard) (échos)

1ère édition : Seuil, 2001. Edition corrigée : Quidam éditeur, 2014.

 
A propos de l'édition 2014 : 
- Lectures inactuelles, de Pierre Jourde, sur Confitures de culture.
- Interview au Carnet d'or d'Augustin Trapenard sur France Culture, en compagnie de Pierre Jourde et Guy Goffette, sur le thème de la réécriture.
- Rien que du plaisir, présentation à la voix, par Anna Valenn.
- Le Carnet du Libraire sur France Culture : Augustin Trapenard s'entretient avec Sidonie Mézaize de la librairie Kyrilina à Bucarest.
 
A propos de l'édition 2001 :
- "Le déniaisé" (Fabrice Gabriel, Les Inrockuptibles) :  
Une affaire de regard est le premier roman d'un jeune homme plus si jeune que ça, puisque né en 1963. Philippe Annocque ne nous en voudra pas d'insister sur son âge : c'est que son livre n'aurait pu être écrit à 20 ans, même s'il a pour héros un étudiant à demi adolescent, vierge de toute expérience. Ce drôle de- garçon, c'est ­Herbert, et le récit de son apprentissage est d'abord une affaire de distance : celle du regard coquet qu'il porte sur lui, celle surtout d'un narrateur à l'humour discret, dont l'ironie très singulière donne au roman son cachet presque désuet. Herbert est puceau : l'intrigue pourrait se résumer l'inélégance de ce mot qui encombre notre héros. On suit ses tribulations au fil de courtes séquences qui sont autant d'instantanés et de rencontres, avec des « confrères » étudiants et prétentieux, comme avec des jeunes filles qui passent, s'arrêtent parfois, partagent un baiser maladroit, une étreinte calamiteuse. Il y a Laurence, Aurélie, Christine, Ninon, Natacha : petit monde de figurantes qui peinent pour Herbert à s’incarner. Car Herbert pense, c'est là sa force, sa vanité, son handicap. Herbert se regarde, surtout, avec ce mélange d'acuité et de satisfaction naïve qui est le propre des jeunes gens trop sérieux. C'est qu'il se veut aussi écrivain, tâtant de la plume et du théâtre pour satisfaire ses rêves d'art ou de gloire... Mais rien n'y fait : les autres restent ces corps étrangers qu'il détaille avec une crudité souvent drolatique, s'évertuant à donner du sens à ce qui lui échappe. Philippe Annocque s'amuse jusqu'au malaise des errances de son personnage. Il réussit surtout à maintenir un ton, légèrement décalé, qui permet à son roman de traverser très vite les ratages et les riens qui le composent. Une affaire de regard est en effet l'histoire d'un échec, minuscule mais essentiel : celui d'Herbert, jeune homme qui s'essaie à vivre en écrivant un roman intitulé Le Conflit. Un conflit sans autre tension que celle d'une conscience aux prises avec elle-même, et qui se dénoue dans le départ imposé pour le service militaire. On devine alors que le roman raté d'Herbert, c'est celui que Philippe Annocque n'a pas pris le risque d'écrire – ou qui, peut-être, lui a été refusé. L’auteur a eu la sagesse de vieillir un peu, pour nous livrer la chronique délicatement ironique de son apprentissage littéraire.

- "Herbert dans sa bulle" (Daniel Martin, La Montagne) : 
Un premier roman qui a toutes les qualités d'un grand.
« Il regarde la vie avec satisfaction, sa réussite scolaire, sa réussite lit­téraire imminente, ses amis ». Tout va bien pour Herbert Kahn, un jeune provincial qui vit à Paris. Il fréquente la fac juste as­sez pour rassurer ses parents, qui l'entretiennent, mais consacre l'essentiel de son temps à d'autres activités : sur une vieille Reming­ton, comme au ciné, il tape son œuvre, à deux doigts, et rêve « d'éditions prestigieuses, de prix littéraires, d'honneurs refusés pour préserver son indépendance, sa liberté d'esprit ». Un roman en cours, sa première pièce déjà en répétition sous sa direction, tout lui donne raison…
Herbert Kahn s'invente et s'ad­mire. Passe de sa table au théâtre, puis au café, pour qu'on le voie, qu'on l'entende, juste ce qu'il faut de temps perdu avant de retourner à son labeur solitaire et taper toute la nuit, content de lui, « il se relit et c'est encore mieux, bien sûr, l'ef­fort est fait ; il jouit du plaisir de l'accompli »…
Et des femmes en jouit-il aussi ? De toutes celles que son talent, sa jeunesse lui apportent ? Point ! Pour tout dire « il n'en touche jamais aucune ». Et quand il finit par céder, c'est pas brillant ! Le début d'un anti-catalogue où vont figurer les noms de conquêtes déçues, ratées ; dépitées par son manque d'ardeur, de vigueur. Lui s'en moque un peu. Après tout, ces femmes qu'on voit en sa compa­gnie n'ont pas à se plaindre, elles entrent dans sa légende, à défaut d'entrer dans sa vie. Plus tard elles seront heureuses de relater ces moments partagés et tairont leur frustration…
« C'est vrai que… »
Sûr de lui et ridicule, pitoyable et attendrissant, Herbert Kahn dans sa bulle a tout pour agacer, irriter, dérouter. Il est à contre courant de tout ce qui existe au­jourd'hui en littérature où les jeunes héros se repaissent de came et de fesse le temps de mener une intrigue, puis disparais­sent. Pas lui. Parce que Philippe Annocque sait le peindre avec hu­mour, avec tendresse jusqu'à nous convaincre de son talent, pour le ramener à plus de réa­lité. On passe alors lentement de la comédie au drame. Du rire aux premières blessures. Ce qui donne au roman cette courbe élégante, cette plénitude qui fait les beaux souvenirs d'un lecteur. »…
Au passage on admirera de quelle manière habile Philippe An­nocque travaille sa prose et laisse, par exemple, transpirer les doutes de son personnage en redonnant son vrai sens à une expression galvaudée par l'usage : « C'est vrai que... » répète toujours Herbert. Pour se prouver que la réalité existe de l'autre côté de ses rêves, qu'il faudra bien un jour aller s'y frotter. Peur ?

- Isabelle Rüf (Le Temps) : 
C'est une affaire de regard, sans doute, qui fait le charme de ce récit, mais aussi de ton. A la fois distancié, d'une ironie légère, jouant sur le décalage entre un propos anodin et le caractère joliment précieux du commentaire. On peut ranger ce premier roman dans la famille de ceux dits «de formation». Un tout jeune homme, Herbert, prépare un concours, met en scène un spectacle, pense qu'il écrit un roman. Mais sa principale préoccupation se situe ailleurs, juste en dessous de la ceinture: les filles qu'il côtoie, parfois de très près, il n'en a pas vraiment l'usage. Loin de le désoler, on dirait que cette faiblesse lui paraît parfois une coquetterie de plus. Et tout le reste est à l'avenant. Est-il naïf, Herbert, ce jeune dandy de l'échec? Il réchappe, tout lisse, des ratages qui désespéreraient bien de nouveaux Werther. Il voit surtout dans ses mésaventures une matière romanesque. Un narrateur amical nous promène dans le film en noir et blanc, façon premier Truffaut, qu'est la pensée de son héros. Et quand Herbert s'en va vers le service militaire, «dans ce train en train de se voir», on se dit que celui qui écrit aujourd'hui regarde à travers le temps l'adolescent qu'il a été il y a vingt ans.

- Jacques-Pierre Amette (Le Point) : 
Herbert adore les stations de RER, les gares, les trains, les rames, les wagons, les filles sexy avec imper, les vieilles machines à écrire noires et laquées, les cahiers, les stylos, les petites nanas embrasées par un regard, le passage des saisons sur les trottoirs parisiens, les projets de théâtre, les chansons, les coeurs tendres, les gros chagrins, les galopades, les couloirs de métro, le phosphore de sentiments frais qui laissent interloqués.Ce premier roman de Philippe Annocque est un journal intime, en éclats, caillasses d'émotions, graviers de mots, ponctuation bousculée, talent évident, entrain, sincérité. On croit que c'est à feuilleter, comme beaucoup d'autres, et puis non, c'est à lire, encaqué dans son lit.
 
- Sébastien Le Fol (Le Figaro) : 
Un jeune homme perdu dans un monde sans âme, qui évolue, erre, sans but, sans direction réelle, sans joie, sans tristesse. Mais si tout cela n’était qu’une question de regard, de sensibilité ? Si cette quête de sens désespérée ne se trouvait résolue que dans l’idée que l’on s’en fait ?
Le premier roman de Philippe Annocque joue sur les fragmentations narratives pour décrire des errances très contemporaines. Son (anti) héros est un naufragé sur une mer saumâtre, dont il est le seul à pouvoir trouver la voie. »…
Une écriture blanche, acérée. Un style sec, sans afféteries.
 
- Philippe Di Folco (Nova Magazine) : 
Le jeune homme suivant s’appelle Herbert Khan. Puceau comme on peut l’être au sortir du lycée, il souhaite écrire pour maintenir une certaine cohésion entre lui et ses « confrères », comme il nomme ses copains de beuverie. Herbert passe beaucoup de temps en RER, métro et autres APTR de banlieue. « Il aime ça le train. » Nous aussi, ça tombe bien. La meilleure façon de faire défiler sa petite vie, se projeter, se repasser la bobine… Le problème d’Herbert, c’est qu’au moment propice, « je n’arrive pas à faire l’amour », dit-il à Christine, tout en songeant à Aurélie, laissée insatisfaite, croit-il, sur son lit. Sans l’accomplissement de certaines choses, l’on s’imagine perdu pour l’autre quand c’est du manque que peut jaillir un attachement durable. Rassurez-vous : Herbert, comme son homonyme Albert, intégrera bientôt la philosophie zen. Mais jouira-t-il ?
 
- Anne-Estelle Leguy (Ciné-Libre) : 
« Il » est un jeune homme d’une vingtaine d’années. Il habite à Paris, traîne ses savates sous les bancs d’une classe prépa, monte sa pièce de théâtre, achève un roman, refait le monde avec ses confrères, tombe amoureux d’Aurélie, n’ose pas flirter avec la fille qu’il retrouve tous les dimanches soirs dans le train, se souvient de ses anciennes amours, n’arrive pas à baiser les filles, s’appelle Herbert… Et surtout il se regarde vivre et effeuiller les pages apparemment grises et monocordes de sa vie. Ce premier roman sur l’adolescence finissante frémit d’une ironie pétillante et multiplie les scènes cocasses avec une sorte de naïveté savoureuse. Il met à nu les tribulations réflexives d’un type qui ne sait pas quoi faire de sa vie, hésite, essaie, échoue, recommence et laisse filer. L’écriture fixe avec une acuité désarmante le fil obsessionnel de la conscience, comme une longue voix intérieure ininterrompue. La démarche n’est pas neuve, mais le résultat fort sympathique et plutôt distrayant.

- Emilie Barian (Blast) : 
Herbert est bien trop lucide pour profiter pleinement des événements. Quels que soient ses actes, il a une conscience aiguë de ce qu’il est en train de faire – ce qui, à la longue, contrarie toute spontanéité. Comme si cela n’était pas assez pénible, chacune de ses entreprises tourne irrémédiablement au fiasco : ses tentatives sexuelles s’avèrent catastrophiques ; l’écriture de son roman, chaotique ; quant à sa pièce de théâtre, elle ne verra jamais le jour. Spectateur froid de ses propres errances, seule sa pensée est omniprésente et donne sa substance à un personnage quasi fantomatique, à l’identité floue, sans attributs physiques précis. Servi par une écriture minimaliste, ce premier roman esquisse le portrait d’un jeune homme en retrait du monde où s’agitent frénétiquement ses contemporains.
 
- J.R. (Femina, magazine suisse) :
Tout faux
Herbert, 20 ans, s’est fait une spécialité de louper tout ce qu’il entreprend. Côté femmes, entre Aurélie fuyante, Christine sûre d’elle et quelques autres, le séducteur se frappe d’impuissance. Côté actes, ce roman auquel il ne croit pas trop languit sur sa machine à écrire, et, c’est sûr, sa carrière théâtrale restera embryon. Mais c’est avec une délectation méticuleuse que le jeune homme contemple et analyse ses ratages. Un premier roman allègre et bien mené, une réussite tirée d’échecs.
 
- Ariane Charton (Urbuz.com) : 
Herbert est un jeune homme qui essaie d'écrire un roman, de monter sa pièce de théâtre, d'être un grand séducteur et d'avoir son concours à la fin de l'année scolaire. Il sait aussi se poser en artiste, se convaincre qu'il n'est pas ordinaire et s'imaginer dans le dictionnaire des écrivains du 21è siècle... Mais au bout du compte, il lui faudra bien admettre que toutes ses entreprises n’aboutissent qu’à un superbe ratage. »…
Une affaire de regard, le premier livre de Philippe Annocque, est un roman intime qui pourrait être écrit à la première personne. En effet, l’auteur nous invite à suivre dans ses moindres détails, les pensées ainsi que le quotidien de la vie d’Herbert. Ce sont des déambulations parfois poétiques dans les rues de Paris, le métro et le RER, des rêveries sur les filles qu'il n'a pas et pour lesquelles il voudrait «être un regret», des séances de travail sur son premier roman, Le Conflit. Philippe Annocque exprime toute la personnalité du jeune homme dans un style maîtrisé fait de longues phrases ponctuées d'accumulations, de détours, d'hésitations : «Il reste longtemps comme ça affalé à ne rien faire, et ça n'est pas complètement agréable, à cause de la comparaison avec d'autres soirs, que lui propose sa mémoire, lors desquels il s'émerveillait de cette faculté à écrire sans projet, à étaler des pages, à partir de rien un instant auparavant, dans ce qu'il ressentait comme une sorte de génération spontanée de l'écriture». Le sujet pourrait, il est vrai, paraître banal et nombriliste. Mais en réalité Une affaire de regard est une sorte d'épopée de l'échec passionnante. Les rêves, les faiblesses et même la vanité du héros deviennent le reflet des nôtres, tant l’auteur sait nous rendre son personnage attachant et fraternel.