Je regarde un peu dans mon vieux Carnet vert pour me souvenir. En
réalité, pendant toute cette rentrée de la sortie d’Une
affaire de regard, je ne mollis pas. J’écris comme jamais,
plus que je ne l’ai jamais fait jusque-là – ce qui n’est pas
peu dire. J’écris Par temps clair, surtout ; j’écris
aussi des textes brefs qui viendront nourrir Mémoires des
failles. Mais avant ça, avant la sortie d’Une affaire de
regard, je finis le 13 août 2001 la version remaniée de
Croissance. J’ai définitivement assumé son caractère
autoréférentiel en m’en faisant l’éditeur, au sens qu’on
donnait à ce terme à l’époque classique. C’est devenu plus
clairement encore le livre en train de s’écrire que je voulais, on
y voit le roman, sur les dix ans de son écriture, en train de faire
d’un jeune garçon de treize ans son auteur, un auteur, en même
temps qu’il se fait lui-même, le livre, et son auteur qui n’est
rien d’autre que l’œuvre de son œuvre ; voilà, c’est ça
que je voulais. Je le tiens. En octobre, les articles sur Une
affaire de regard ont déjà commencé à s’espacer ;
je fais lire Croissance à Bertrand Visage. Je ne me le dis
pas aussi clairement mais en réalité, c’est pour ça que j’ai
écrit Une affaire de regard, pour qu’il soit publié et
pour pouvoir publier Croissance. Et pour pouvoir publier ce
que je veux ensuite. Il me dit que c’est très intéressant, il a
sans doute d’autres mots, peut-être même plus élogieux mais je
ne me souviens plus bien ; c’est très intéressant mais à
titre personnel seulement, selon lui c’est strictement impubliable.
Il me déconseille même de le proposer ailleurs. Encore maintenant,
je suis incapable de dire si cela a un rapport avec la clause de
préférence qui me lie au Seuil pour mes livres suivants. Mais je le
crois, il est éditeur. A posteriori – on ne peut pas rester
toujours strictement chronologique –, a posteriori je me rends bien
compte à quel point ce texte, dans le contexte éditorial actuel,
est difficile à publier. Est-ce à dire qu’il est
« impubliable » ? C’est la raison pour laquelle
ce devrait être les maisons les plus solides, financièrement
parlant, qui devraient, de temps en temps, prendre ces risques. Mais
ce n’est pour ainsi dire jamais le cas. Alors je me concentre sur
Par temps clair. J’y crois, à ce roman. Comment on se
retrouve à ne plus être du tout celui qu’on a été. Un truc
vraiment darwinien. J’y crois de plus en plus.
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