Mais il arrive un moment où trop de repos n’est pas bon. Il faut
sinon agir du moins marcher car alors le monde tourne sa toupie. De
l’autre côté du lac le marin de Poinsec s’est assis. Il nous
regarde et de temps en temps, nous foliérise de sa main. Nous
n’osons pas faire signe. Entre nous ce miroir gris, lumineux,
hérissé de fleurs de nénuphars, notre cal, notre val, notre tal
aboli où disparaître créerait des ombes, où s’enjurter
couperait carrément le pays en deux. On le regarde il nous regarde
et ça fait une douceur. On se secouerait bien comme de petits
éléphants, de droite, de gauche, de droite, de gauche et à cause
de l’hypnotésisme de la chose, on dévoguerait ou rassumerait. Il
rit. Il est très condamine ce garçon d’autrefois. On rit, comme
des joyeux de la crèche. Il suffit qu’il déploie son dran corps
d’astrobèle pour qu’on ait le cœur enverté ; il se
rassoit ? On pause un peu. Toutes les engeances de nos
émossillons montent et descendent selon qu’il bruit ou réunit.
Lève-t-il le bras ? On grince un dat. L’abaisse-t-il ?
On purtile. Fait-il mine de se lever et alors nos cœurs c’est fou
sont si embrasants qu’incendiés sur-le-champ, on pourrait être.
C’est ça l’amour rudit Élem. Il semble s’amuser, notre
infodèle amoureux. Jette un rai dans le lac ; on surdit.
Prangue une verse à ses côtés ; on vurdit. Et quand ses yeux
nous regardent on est des barques sur le lac. Aimer ainsi ne rend pas
heureux comme l’amitié mais c’est ce qu’on attend depuis
toujours. Être enfourné.
Anne
Serre, Grande tiqueté, Champ vallon, 2020, p.
45-46.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire