jeudi 31 janvier 2013

un nouveau prix du livre


J’ai trouvé un exemplaire de Liquide d’occasion à 1 euro, alors je l’ai acheté. Normalement il était à 5 euros (au lieu de 15), mais comme c’était les soldes il était à 1 euro. Je dis « d’occasion » mais il était comme neuf, hein ; ça m’étonnerait qu’il ait été lu. S’il avait été tout seul il faudrait peut-être que je me pose des questions ; mais il n’était pas tout seul, pas du tout. Il y en avait bien dix mètres de rayon, du sol à 2m20 environ, de livres à 1 euro. Alors il faudrait vraiment que nous nous posions des questions. C’étaient des livres de tout le monde. Beaucoup de livres d’auteurs que j’aime, au moins j’étais en bonne compagnie. Et pas que des presque inconnus.
Bien sûr, ces livres sont des services de presse. Les services de presse, j’ai déjà dit un peu là ce que j’en pensais. Alors après il faut bien qu’ils s’en débarrassent, ceux qui reçoivent tous ces services de presse, ça les encombre forcément à force ; et voilà. Bon. C’est déjà un problème mais ce n’est pas celui qui me tracasse aujourd’hui.
Non. Ce qui me tracasse, c’est le de voir tous ces livres à 1 euro. Allez après ça essayez de vendre un livre à son prix, franchement. C’est aussi un problème. Mais ce n’est même pas non plus ce qui me tracasse aujourd’hui.
Ce qui me tracasse, disais-je, c’est le spectacle de tous ces livres à 1 euro ; une véritable aubaine pour le lecteur, surtout pour le lecteur en voie de paupérisation ; sûr que ça existe. Donc l’aubaine est là, sans doute certains en profitent-ils, mais franchement ce n’est pas la cohue. Ça a beau être tout à 1 euro, même Liquide, les gens restent calmes. D’ailleurs à la caisse, pour donner mon euro, je n’ai pas fait la queue. Même à 1 euro, la littérature, ça ne se vend pas tellement. Je devrais plutôt dire ça ne se donne pas tellement, parce que je ne crois pas que ce soit le prix, cet euro, qui freine les acheteurs. Ce marché du livre dit « d’occasion » fait du tort, sans doute, mais même pas tant que ça.
Tout ça se comprend très bien. Outre le fait qu’évidemment, les lecteurs ne sont pas si nombreux, un livre, ça prend du temps. A lire. On ne peut pas en lire plus que la nature ne nous y autorise. On ne peut pas tout lire. Moi-même, très souvent, je me dis, ce livre-là, tiens, je le lirais volontiers, je l’aimerais sûrement, mais non, je ne le lirai pas. Ce n’est pas possible. Alors les livres, même à 1 euro, même ceux qu’on aurait envie de lire, on les laisse parce qu’il y en a tant qui nous attendent déjà.
Alors voilà, à publier toujours plus, et souvent sans d’autres raisons que d’alimenter la cavalerie éditoriale, on se retrouve avec une offre si considérable que le lecteur n’a même plus connaissance de ce qui paraît puisque le critique littéraire souvent n’est pas mieux informé. Surtout, on se retrouve dans une telle surabondance que même gratuit le livre a du mal à trouver preneur. Un sacré gâchis.
Vous me pardonnerez de ne pas vous donner cette adresse à 1 euro.


 

mercredi 30 janvier 2013

de petits anges nus autour d’une Vierge en gloire


On peut dire que Pierre Peloup fut mon premier amant – après papa – car le docteur Mars, s’il aimait nous toucher, ne s’introduisit en nous que plus tard. Il goûtait notre présence lorsqu’il saillait maman. Il aimait que nous soyons là, Ingrid, Chloé et moi, ou parfois, l’une d’entre nous seulement, dans la salle à manger à la grande table cirée, mais un peu comme de petits anges nus autour d’une Vierge en gloire (maman figurant la Vierge). Nous assistions donc à leurs ébats – souvent rapides car le docteur Mars était toujours pressé entre deux de ses visites à des malades –, assises dans un fauteuil, sous la table lorsqu’il le désirait, l’aidant d’une main s’il avait ce jour-là quelque difficulté – ce qui était rare. Il nous arrivait de lui tendre nos fesses, nos sexes, ou de lui présenter nos bouches, mais il y passait ses propres mains, sa propre bouche ou son propre sexe très rapidement.
Maman était belle avec le docteur Mars : « J’ai un goût immodéré pour lui, nous disait-elle. Voyez, il suffit qu’il pénètre dans le vestibule pour que je sois en feu, en larmes, embrasée, et que je me sente aussitôt comme un violoncelle. » Mais maman était dans ces dispositions à peu près chaque fois qu’une visite s’annonçait. Elle avait eu une enfance malheureuse ; elle avait besoin de folie.
 
Anne Serre, Petite table, sois mise !, Verdier, 2012, p. 17.
 
 
Notre vie allait-elle enfin devenir simple, tranquille et heureuse ? Me retrouver avec Ingrid mariée, c’était comme être soudain devant une carte, un paysage qu’on déplie du plat de la main sur une table. Toutes les routes bosselées, tortueuses, à demi ou entièrement masquées par les replis de la carte froissée, apparaissaient maintenant clairement dessinées, circulant paisiblement à travers le paysage. Et c’était la même chose pour la région des lacs, des montagnes, les bords de mer et les villes : chaque chose était clairement située, clairement nommée, de sorte qu’on voyait très bien comment aller de telle ville à telle autre, de telle plaine à tel bord de mer. On pouvait en calculer précisément la distance, le temps nécessaire pour accomplir le voyage, et à chaque nom correspondait une forme, à chaque forme, un nom. On savait où on était.
 
Anne Serre, Petite table, sois mise !, Verdier, 2012, p. 56.
 
 
Deux extraits pour marquer le contraste entre les deux parties principales de ce récit magique : à l’énormité du propos dans l’évocation de l’enfance comme une longue et joyeuse partouze familiale (mais en mots autrement élégants) succède l’entrée dans l’âge adulte comme une entrée en soi-même où les choses prennent sens tout en nous restant mystérieuses.
J’ai déjà dû dire sur ce blog que je considère l’histoire, quand il y en a une, comme faisant partie intégrante de la forme. Cette façon qu’a l’auteur de raconter ici quelque chose de si improbable, de si choquant et de manière à ce que l’on ne soit aucunement choqué mais plutôt réjoui en effet, c’est le moyen détourné de parvenir à dire quelque chose de si secret que sans doute le chemin des mots directs n’existe pas, et qu’il y faut le détour du conte.
 
 
« Pendant que nous nous occupions, je pouvais, lorsque je relevais la tête, distinguer au loin les deux flèches noires d’une cathédrale. Et pour la première fois, quelque chose naquit en moi. » (p. 28)
 
Addenda.



http://www.editions-verdier.fr/v3/dyn/oeuvre/petitetable.gif 
Pudeur paradoxale.
En relisant le billet de tout à l’heure (ces Hublots sont si vite écrits que le vent parfois y laisse des fautes), cette idée me traverse l’esprit : pudeur paradoxale. Cette manière d’Anne Serre de laisser secret ce vers quoi le récit tend et d’à la place proposer à l’intelligibilité immédiate cette débauche bon enfant spectaculaire et réjouissante.

lundi 28 janvier 2013

pour connaître Irène, Nestor et la Vérité, de Catherine Ysmal...


… car même si bien sûr je n’ai pas encore lu ce premier roman, je fais confiance au goût sûr de Quidam qui publie encore – et pour qu’il publie encore c’est avec gourmandise que je relaie cet appel :
 
« UN TRUC DE PAUVRE (pourtant ENTHOUSIASTE) POUR BRAVER L'AN 2013
Un éditeur, ça publie.
Or nous ne publions plus depuis le mois de mai 2012 et ne plus publier nous fait rager, indépendamment de nos aléas économiques lourds.
Une rage d’autant plus grande qu’il nous faudrait envisager de ne pouvoir faire paraître le premier roman de Catherine Ysmal, Irène, Nestor et la Vérité, un texte qui justifie pleinement d’être éditeur – le goût de la découverte – et sera une des perles (s’il en est) du catalogue Quidam qui, on le rappelle, n’est pas une boutique de bijoux fantaisie.
On a bien imaginé toutes sortes de montages et jongleries mais, pauvres de nous, on est bel et bien sans un. Aussi nous reste-t-il ce seul viatique : la souscription.
Irène, Nestor et la Vérité sortira en mars au prix de 16 euros.
Vous souscrivez (oui, dans un bel élan) et il ne vous en coûtera que 13 euros, franco de port. Ladite souscription est ouverte jusqu’à fin février. Et les chèques de souscription sont à adresser à :
Quidam Editeur 5, rue Mansart 92190 Meudon 
Ou par Paypal via le lien :
 
Pour mémoire, quelques autres premiers romans que j’ai lus chez Quidam, qui sont une bonne raison de faire confiance à ce tout prochain : La Persistance du froid de Denis Decourchelle, Désirée de Marie Frering, L’ami Butler de Jérôme Lafargue, Crevasse de Pierre Terzian, La Vie pétrifiée de Nils Trede, Zones sensibles de Romain Verger…
  
Par ailleurs, pour inaugurer un cycle de rencontres avec les acteurs de l’édition, « et à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de l’immense romancier anglais B.S. Johnson, le Comptoir des mots est très heureux de recevoir son éditeur français Pascal Arnaud, responsable des éditions Quidam, éditeur dont nous estimons le travail passionné, audacieux, obstiné, essentiel ! » C'est le jeudi 7 février à 20h.
(Le Comptoir des mots, pour ceux qui n’auraient pas la chance de connaître, est une indispensable librairie située au 239, rue des Pyrénées, 75020 Paris. Quant à BS Johnson, fouillez un peu dans les Hublots pour voir ce que j’en pense.)

samedi 26 janvier 2013

tu étais une guerrière vaincue


J’étais en toi, autonome et libre de mes pensées, mais reclus en toi. Les rabbins m’avaient exilé au hasard à l’intérieur sans issue d’une personne qu’ils ne connaissaient pas, et qui vivait loin d’eux, terriblement loin dans l’espace et dans le temps. Ce que tu disais ou pensais arrivait dans ma cellule, avec de longs intervalles de silence, sous forme de paroles que j’avais du mal à recevoir et à comprendre, mais qui éveillaient en moi une douloureuse nostalgie de fraternité à ton égard. Je m’accroupis contre le mur et je me mis à avancer. Tu ne m’avais pas appelé, mais il me semblait que cette circulation était une manière de te répondre. Sans hâte ainsi je fis plusieurs fois le tour de notre cachot. Ma main droite touchait la paroi, j’avais choisi le sens contraire à celui des aiguilles d’une montre. Je fis un cinquième tour, puis deux encore. Ton discours souvent s’éteignait pendant quelques heures, puis il reprenait. Peut-être ce rythme était-il en relation avec l’écoulement de tes nuits. Moi, je continuais à avancer. Lorsque le septième tour fut accompli, je me remis en position assise, le dos collé au mur. Tu venais de recommencer à parler. En dépit des déformations acoustiques, plus aucun obstacle ne m’empêchait de saisir ton langage. Je me sentais très proche de toi. Même au fond de l'obscurité, le chiffre sept reste magique. J’avais dessiné sept cercles avec le mot en bouche, sept cercles à l’intérieur même de ton corps. Un nouveau lien intime s’était établi entre nous, plus fort encore que celui qui nous avait associés pendant la période précédente. Je pouvais accéder à toi depuis le dedans. J’allais te découvrir, je te découvrais. Nous n’avions pas besoin de parler pour converser, notre dialogue se déroulait sous ta mémoire et dans tes rêves. Maintenant, je savais qui tu étais. J’avais tout à apprendre de ton histoire, qui n’avait rien à voir avec la mienne. Tu n’étais pas un deuxième golem, tu appartenais à l’espèce des hominidés, tu étais de sexe féminin, tu vivais à l’isolement dans un quartier de haute sécurité, tu étais une guerrière vaincue, pour prendre ta revanche sur la réalité tu chuchotais des livres, et sans croire à mon existence tu m’accueillais en toi en tant que personnage littéraire improbable, en tant que fantasme, en tant que pur fantasme.
 
Manuela Draeger, Herbes et golems, l’Olivier, 2012, p. 61-62.
 
Un livre signé Manuela Draeger paraît – et paru au printemps dernier – et personne ne me dit rien ! Dans quel monde vivons-nous*.
Celui-ci, avec ses longues listes d’herbes imaginaires et ses introductions tantôt exégéto-carcérales, tantôt manifesto-programmatiques, me donnerait bien des envies de mise en scène si j’étais metteur en scène.
Manuela Draeger, pour ceux qui n’auraient pas suivi, appartient, comme Lutz Bassmann, à une communauté d’auteurs imaginaires dont l’incarnation visible dans ce monde est appelée Antoine Volodine. Onze rêve de suie, paru en 2010 à l’Olivier, est une belle porte d’entrée à son œuvre.
 
* Ou plutôt dans quel monde vis-je car voici par exemple un article dans Libération par Jean-Didier Wagneur et un autre sur le blog l’Hermite critique, qui vous en diront plus.
http://hermitecritique.files.wordpress.com/2012/08/herbes-et-golems-manuela-draeger.png

vendredi 25 janvier 2013

laisser vieillir Chevillard

25 janvier
 
L’iguane nous semble laid parce que sa tête est presque humaine. Et la tête humaine de l’iguane est laide. Incontestablement, l’iguane est un type plutôt moche. Mais quel bel iguane ! Jamais un homme n’aurait cette belle tête d’iguane. Même quand il s’en approche, et parfois de très près, l’homme n’est qu’un iguane plutôt moche.
 
Mon oncle me faisait sauter sur ses genoux en imitant le pas, le trot et le galop d’un cheval. Puis ma marraine, son épouse, pour mon troisième anniversaire m’offrit une cravache et une paire d’éperons.
 
Ma notoriété d’écrivain demeure modeste. Vous me connaissez plus sûrement comme harder sous le nom de Jean Bouldefeu.
 
Eric Chevillard, l’Autofictif, l’Arbre vengeur, 2009.
 
Oui, je laisse vieillir l’Autofictif. Depuis l’ouverture du blog je le déguste en primeur, puis j’en achète un volume que je garde en cave et laisse mûrir. Des années après, j’ai quelques surprises ; des saveurs oubliées, certaines qui reviennent avec vivacité tandis que d’autres arômes remontent avec un léger différé, comme cet iguane que je ne rapprochais pas encore de ceux-ci (et, entre parenthèses, remarquez comme cet iguane ci-dessus nous dit, ou en tout cas me dit au fond peu ou prou la même chose que mes questions sur mon Flaubert d’hier et d’avant-hier ; jolie coïncidence).
Et puis une autre question me traverse, une question d’écrivain-blogueur qui se demande jusqu’à quel point cette pratique quotidienne et quasi respiratoire ne pourrait pas, à la longue, laisser sa trace dans le reste de l’œuvre – car enfin, l’Auteur et moi emprunte bien les quatre premières lettres de son titre à l’Autofictif ; et peut-être un peu plus.



Commentaires

C'est aussi ma première dégustation du matin..... Parfois même, j'attends minuit deux ou trois....
Commentaire n°1 posté par michèle le 25/01/2013 à 22h26
C'est un des rares blogs que j'ai dû lire à peu près en entier depuis le jour même de son ouverture.
Réponse de PhA le 26/01/2013 à 21h44
Quelle grand observateur des matières cet Eric
Commentaire n°2 posté par Zoë Lucider le 26/01/2013 à 00h06
Expert en les matières.
Réponse de PhA le 26/01/2013 à 21h45
Le petit plaisir du matin...
Commentaire n°3 posté par Lza le 26/01/2013 à 09h57
Ou de la minuit.
Réponse de PhA le 26/01/2013 à 21h45
Dans le langage de mon enfance, on aurait dit que c'était un livre qu'on pouvait lire "par dedans", ce qui voulait dire dans le désordre, et c'est un des charmes de la lecture de l'Autofictif, après décantation, que de le lire ou le relire "par dedans", s'attarder ici, reprendre ailleurs....
Commentaire n°4 posté par michèle le 26/01/2013 à 11h02
Je ne connaissais pas cette expression - expressive en effet.
Réponse de PhA le 26/01/2013 à 21h46

jeudi 24 janvier 2013

ne pas reconnaître Flaubert (addenda au billet d’hier)

J’aurais dû préciser dans mon billet d’hier qu’en plus du peu de cas de la vraisemblance dont Flaubert semble faire preuve quand il place ce meurtre de Dussardier par Sénécal sous les yeux même de Frédéric, la façon dont ces deux personnages se réduisent en final à des emblèmes sociaux était évidemment à l’origine de mes soupçons concernant une éventuelle influence hugolienne, ou à tout le moins « romantique ».
Quoi qu’il en soit c’est parce que je ne reconnais pas – pas vraiment – Flaubert que je tique sur ce passage qui ne m’aurait peut-être pas choqué sous la plume d’un autre. Est-ce à dire que je connais Flaubert pour prétendre ne pas le reconnaître ? Se pourrait-il que Flaubert soit à mon gré plus ou moins Flaubert ? Plutôt davantage Flaubert ici et un peu moins là ? Ou faut-il appeler Flaubert ce vers quoi on croit peut-être abusivement deviner qu’il aurait voulu tendre ? Et que faire alors de la disparité frappante et constante de son œuvre ?
http://flaubert.univ-rouen.fr/images/flaubert_inedit.jpg 
(Tiens, voilà qu’en cherchant de quoi illustrer ce billet, je tombe sur ce portrait controversé, où je ne reconnais pas Flaubert. Inespéré.)

mercredi 23 janvier 2013

Qui tient la plume (de Flaubert) ?

« Entre les charges de cavalerie, des escouades de sergents de ville survenaient, pour faire refluer le monde dans les rues.
Mais, sur les marches de Tortoni, un homme – Dussardier – remarquable de loin à sa haute taille, restait sans plus bouger qu’une cariatide.
Un des agents qui marchaient en tête, le tricorne sur les yeux, le menaça de son épée.
L’autre alors, s’avançant d’un pas, se mit à crier :
« Vive la République ! »
Il tomba sur le dos, les bras en croix.
Un hurlement d’horreur s’éleva de la foule. L’agent fit un cercle autour de lui avec son regard ; et Frédéric, béant, reconnut Sénécal. »
 
 
Sans en être du tout spécialiste (je ne l’ai lue que deux ou trois fois, et pas tout récemment – mais à chaque fois avec le plus vif plaisir), j’aime vraiment beaucoup l’Education sentimentale. Cependant le passage ci-dessus – on aura reconnu la fin de l’antépénultième chapitre – ne m’a jamais paru très convaincant, et même au contraire un peu gros, sans que j’aille jamais au-delà de cette vague réticence. En relisant le passage, je me rends compte qu’il n’est qu’à quelques lignes en-dessous du coup de théâtre qui se présente aux yeux de Frédéric sous les aspects du couple formé par Louise, dernier lot de consolation envisagé, et Deslauriers. Cette proximité toutefois n’est pas gênante en soi : il est temps d’assommer une bonne fois notre héros.
Alors quoi ? Pourquoi cette réticence de lecteur – que peut-être, j’en ai le soupçon, je n’aurais pas forcément éprouvée si l’auteur n’eût été Flaubert ?
 
Là je viens de faire une pause, interrompu dans l’écriture de ce billet, et cette interruption a été l’occasion de me rappeler quelques phrases assassines de Gracq à propos de l’Education sentimentale (à laquelle il préfère nettement Madame Bovary). Du coup je rouvre En lisant en écrivant et je lis : « Quelle image mélodramatique inattendue, et qui jure avec la lente monotonie de l’ouvrage, que celle de Dussardier abattu par Sénécal sous les yeux de Frédéric ! » (p. 81)
C’est bien mon avis, mais je ne le partage plus au-delà du quatrième mot : la longue histoire qui n’a pas lieu dans l’Education sentimentale m’a toujours réjoui, par exemple par la façon dont par exemple Flaubert donne à voir ce que voit Frédéric tout en suggérant ce qu’il devrait voir, rappelez-vous l’ombrelle « de Madame Arnoux » ; et parce qu’au bout du compte, tout cela est vraiment drôle. Flaubert m’est toujours apparu comme un grand écrivain comique, et dans les passages relus Gracq ne dit mot de cet humour, lui qui saura aussi raconter des histoires qui n’ont pas lieu – mais sans y glisser me semble-t-il l’humour vache de certains de ses pamphlets. (Je me souviens autrefois comment, dans quelque récurrente discussion intérieure, à celui qui soutenait que tout grand auteur ne pouvait être que comique et brandissait les figures de Stendhal, Flaubert, Proust, Kafka ou Beckett, un autre moi-même répondait d’accord, mais tout de même il y a Gracq.)
Mais ce n’est pas là le propos principal de ce billet, je suis un épouvantable bavard incapable d’en venir au fait. Heureusement que le hasard m’y ramène – ou plutôt Julien Gracq, puisque c’est lui encore qui vient l’incarner ; à se demander si le hasard existe. Car à la page 80 d’En lisant en écrivant, juste à gauche de la vacherie relevée ci-dessus, voici que j’en lis une autre visant le même Flaubert et qui se conclut ainsi : « … il y a cent fois plus de vie pour moi dans Les Misérables, et dix fois plus dans les Mystères de Paris. »
Or il se trouve que pour des raisons plus ou moins familiales, finalement le hasard existe bien, je suis aussi en ce moment même plus ou moins dans la lecture des Misérables. Je me faisais justement la remarque du peu de cas qu’Hugo fait de la vraisemblance sans qu’au fond le lecteur en soit vraiment choqué : c’est comme ça que c’est écrit et cela fait partie des codes tacitement admis d’emblée lorsqu’on en entreprend la lecture. Et c’est précisément à ce moment-là que je me suis rappelé ma réticence à propos de l’épisode final Dussardier-Sénécal qui m’a toujours fait broncher sous la plume de Flaubert quand je n’aurais sans doute pas réagi, ni peut-être Gracq non plus, si Hugo en avait été l’auteur.
En avait été l’auteur.
« Le même Flaubert ». (J’ai écrit ça un peu au-dessus, sciemment.)
Voilà ; la question que je me posais, ou plutôt le propos principal de ce billet, c’est ceci : Qui tient la plume ? Flaubert quand il écrit le meurtre de Dussardier par Sénécal est-il « le même Flaubert » qui raconte comment Frédéric pensant commettre un adultère ne se rend pas compte qu’en réalité il en interrompt un autre ? (Oui, j’aime bien cette ombrelle.) Hugo, par exemple, lu par Flaubert (les Misérables, justement, paraissent peu de temps avant que Flaubert ne se lance dans son ultime Education sentimentale), ne pourrait-il pas être, n’est-il pas davantage l’auteur de ce passage et n’est-ce pas la raison pour laquelle sa plume étrangère dérange ma lecture ?
 
Post-scriptum.

lundi 21 janvier 2013

juste pour le plaisir de dire du mal, quoi


En lisant le Clavier cannibale, je vois que Bibliobs a demandé à treize écrivains de nommer un livre qu’il considère comme un chef d’œuvre et un autre qu’il considère comme un faux (chef d’œuvre). Le genre d’enquête qu’on trouve très bête tout en la lisant avec un plaisir honteux. Alors évidemment on est d’accord avec Untel, pas d’accord avec Telautre, ou même d’accord et pas d’accord en même temps puisqu’ils nomment deux titres. Albert Cohen et Julien Gracq notamment s’en prennent pour leur grade, ou plutôt Belle du Seigneur et le Rivage des Syrtes. On ne me demande rien mais parmi les récits de Gracq c’est plutôt Un beau ténébreux qui m’a laissé froid alors qu’Un balcon en forêt m’enchante et que le Rivage des Syrtes se perd un peu dans ma mémoire.
Au fond moi aussi j’aimerais bien dire du mal, c’est forcément pour ça que j’ai entamé ce billet : le démon m’anime. Mais je dois reconnaître que je suis un peu embêté. Je suis un peu embêté parce que, quand je n’aime pas, je laisse tomber. Je ne suis pas un héros. Du coup je n’ai aucun argument valable qui me permette d’affirmer que la Condition humaine est illisible : j’ai dû en lire moins de dix pages. Et personne parmi les quinze du peloton d’exécution pour tirer dans cette direction : si je veux des munitions, il faudra que je me force à le lire. Alors il vaudrait mieux que je me rabatte sur la Peste que j’ai trouvé bien laborieux et grossièrement saboté (tandis que l’Etranger quand même). C’est vache parce que la Peste je l’ai quand même lu en entier, donc. Ou alors le Docteur Pascal, en remontant un peu dans le temps. Tout ça pour ça, que je m’étais dit à l’époque – mais c’était il y a bien longtemps, je ne me rappelle pour ainsi dire rien. Je n’ai aucun argument. Je ne suis vraiment pas doué pour dire du mal.

http://www.obs-reputation.org/wp-content/uploads/2010/09/diable-5-flou1.jpg

jeudi 17 janvier 2013

La vie quotidienne est un mystère.

Ce matin, nous avons trouvé un petit bout de quelque chose, sur la table de la cuisine. C’était vert et transparent, j’ai cru que c’était du verre mais non. Nous nous sommes posé la question. Dans notre cuisine, un petit bout de quelque chose devrait pouvoir être identifié assez facilement, nous semblait-il.
Et puis nous avons trouvé : ce n’était pas du verre en effet, mais c’était bien un bout de verre.



Commentaires

Magnifique ! Je n'aurais jamais trouvé !
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 17/01/2013 à 17h15
Mais si, voyons ; il n'était pas si petit que ça.
Réponse de PhA le 17/01/2013 à 17h18
Ah! le verre a de ces mystères.... Moi qui croyais, quand j'était petite, que la pantoufle de Cendrillon était en verre....
Commentaire n°2 posté par Michèle le 17/01/2013 à 17h17
Eh bien figurez-vous que vous aviez raison. C'est à la suite d'une réinterprétation tardive et un peu rapide de Balzac, je crois bien, qu'on a cru bon de remplacer le verre merveilleux par un vair supposé plus réaliste (quoique cette fourrure fût très impropre à confectionner des pantoufles). Chez Perrault, la pantoufle était bien en verre - et chez Grimm : en or.
Réponse de PhA le 17/01/2013 à 18h18
Ah! Merci! Vous me rendez mon enfance..... quand je ne me demandais pas comment on pouvait danser avec des pantoufles en verre....
Commentaire n°3 posté par Michèle le 17/01/2013 à 18h24
J'aime bien quand les enfants ont raison. Et puis, cette pantoufle de verre, c'est un peu la transposition féérique et princière du sabot de bois - avec lequel on a bien dû danser.
Réponse de PhA le 17/01/2013 à 18h49
ah ça ! vous me la baillez belle !
http://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_sur_la_composition_des_pantoufles_de_Cendrillon
Commentaire n°4 posté par Mme de K le 17/01/2013 à 18h31
Ah eh bien voilà. Et c'était donc bien Balzac le coupable !
Réponse de PhA le 17/01/2013 à 18h51
Nous avons besoin de ces petits mystères qui nous racontent leurs sornettes.
Commentaire n°5 posté par Dominique Boudou le 19/01/2013 à 13h02
Souvent il suffit de se pencher un peu et de regarder par terre.
Réponse de PhA le 19/01/2013 à 18h26
 

mercredi 16 janvier 2013

Le Miquépithèque de Masse


Voilà, je continue à ressortir les BD de ma jeunesse, comme on dit, histoire de voir si elles ne sont pas trop oubliées. Les deux du balcon, de Masse, avant de les lire en album je les ai connus dans la revue (A suivre), comme Altan que j’évoquais la dernière fois. Pas d’intrigue, juste un dialogue entre toujours les deux mêmes, de l’humour scientifique et décalé dans un décor onirico-vénitien, à propos de la tectonique des plaques, des attracteurs étranges ou encore, comme ici, de la théorie de la néoténie appliqué à l’évolution du personnage de Mickey à travers les âges (là c’était inspiré par Steven Jay Gould et par Konrad Lorenz). Ce n’est pas seulement drôle et étrange, c’est aussi très bien vu. Et c’était complètement fait pour moi.
(Je dois sûrement quelque chose à Masse car, même si je n’y ai pas pensé sur le moment, moi aussi j’évoque la néoténie dans Par temps clair et plus fugitivement les attracteurs étranges dans Liquide.)




































Masse, Les deux du balcon, Casterman, 1985, p. 35 36.
 
Cliquez quand même sur les images pour mieux voir, malgré la médiocre qualité du scanner.
(Et puis si vous voulez voir encore mieux je vois sur la page Wikipédia que Glénat a réédité récemment cet album, en voilà une bonne nouvelle.)

dimanche 13 janvier 2013

des notes aux livres


Il y a des gens qui mettent des notes aux livres. Je vois ça sur des blogs, sur des sites où il est question de la littérature, sur des sites marchands bien sûr – mais aussi dans des journaux à prétention culturelle.
C’est peut-être parce que par ailleurs je suis obligé de mettre des notes toute l’année, mais de voir ça les bras m’en tombent ; si vous voyez des coquilles dans ce billet c’est parce qu’il est tapé avec les moignons.
Non que les livres soient des objets sacrés ou les notes des pratiques forcément inutiles mais dans ce cas-là : quoi ? Je veux dire : qu’est-ce qu’on note ? Le livre ? Mais selon quels critères ? – puisque si vraiment il est bon les critères précisément n’existent pas encore.
Un petit rappel donc pour ces nostalgiques de l’école.
La note, c’est un moyen de signifier à l’élève à quel degré il s’est conformé à ce qu’on attendait de lui par rapport à un objectif clairement défini (en espérant que plus tard, pourquoi pas, il transcendera les modèles de ses apprentissages) car à l’école on est encore en formation. Mettre une note à une œuvre littéraire (ces petits cœurs ou ces étoiles qu’on voit partout et qu’on vous oblige à mettre quand vous souhaitez juste formuler un avis), c’est considérer que le livre, tel la copie que vous rendiez jadis, doit se conformer à une attente. Or cette attente de conformité est la négation de toute créativité. Le livre qu’on n’attend pas (ou plus justement : un livre qu’on n’attend pas) personnellement c’est à chaque fois celui que j’espère. (Que j’espère lire, que j’espère écrire ; je ne sais pas bien faire la différence.) Tout en étant bien conscient de l’effet pervers de cette espérance : qu’elle soit confondue avec mon attente par un auteur qui ne chercherait qu’à me surprendre – et n’y parviendra pas, tant ses efforts d’originalité (« pour faire genre original », dirait-on expressivement aujourd’hui) seront, précisément, attendus.
 

vendredi 11 janvier 2013

à propos de blogs littéraires (plus ou moins) et de services de presse

Il y a dans le Magazine Littéraire un de ces articles désormais récurrents à propos de la critique littéraire amateur sur Internet, pour dire vite, qui donne la parole à quelques blogueurs et animateurs de sites participatifs, assez peu d’ailleurs.
J’avoue que j’y vais aussi, sur les blogs. Certains, parce qu’ils sont excellents, tout simplement, mais il faut bien dire qu’ils sont loin d’être majoritaires. D’autres, pour constater qu’ils lisent à peu près tous la même chose, sans doute parce qu’ils se lisent entre eux et qu’au fond le livre est aussi (surtout ?) un moyen de se retrouver. Pourquoi pas.
Les blogs littéraires vraiment intéressants le sont parce que, outre l’intérêt profond de leur auteur pour la littérature, ils ont la place pour développer un vrai discours critique, place qui souvent manque cruellement aux journalistes papier, il faut bien le reconnaître à leur décharge. Mais alors, il y a fort à parier que ces articles, à cause même de leur longueur, et aussi par le simple fait qu’ils cherchent à faire connaître des titres qui ne créent pas « du flux », ne seront guère lus que par quelques passionnés. (En même temps, ces quelques-là, on les embrasse.)
Je vois aussi que « plusieurs blogueurs stigmatisent Gallimard, très chiche en services de presse ». Bon. Voilà un bien étrange reproche. Les services de presse, avant même la distribution en librairie, c’est la toute première source d’inégalité des chances, pour un livre. Il y a des éditeurs qui ont les moyens d’arroser la presse de SP, et d’autres pour lequel ça représente un effort considérable. Il y a même quelque chose d’un peu pourri dans ce système. (C’est ce que je me suis dit quand j’ai vu chez Gibert un exemplaire en solde de Chroniques imaginaires de la mort vive plusieurs jours avant la parution du livre.) On peut s’étonner que des blogueurs (à qui après tout personne n’a jamais rien demandé) considèrent comme naturel et allant de soi qu’on leur envoie des services de presse, alors que leur légitimité tient précisément à leur indépendance supposée.
Il y en a aussi qui revendiquent le fait d’acheter avec leurs sous les livres dont ils parlent. Voilà.

mardi 8 janvier 2013

un guide Parker des éditeurs


Existe-t-il un Guide Parker des Editeurs ?
(Il y a des idées comme ça qui me traversent l’esprit, ce doit être un reste des fêtes.)
Connaissez-vous quelque chose, un livre, un site, une bonne adresse où l’amateur peut se renseigner sur les caractères ou même, n’ayons pas peur des idées sinon des mots, des qualités et des faiblesses aussi bien du Château Gallimard que du Clos de Verdier ou du Domaine de Quidam ? Quelque chose d’évolutif bien sûr parce qu’une maison d’édition ça change aussi. Quelque chose qui dise un peu ce que c’est que telle maison d’édition, son esprit, sa singularité – si elle en a. Mais quelque chose d’ouvert aux commentaires de tous dans le respect de chacun, afin que ce ne soit pas juste une vitrine mais une manière de rendre vraiment justice au travail de l’éditeur, et de remettre ce dernier dans le rôle qu’il occupe encore mais seulement pour quelques lecteurs vraiment avertis : être le premier prescripteur, la garantie d’une certaine littérature et d’un regard singulier sur la littérature.
Ça pourrait être un site Internet, par exemple.
Tiens, ma bouteille est vide. Je la jette à la mer.
 

lundi 7 janvier 2013

je devrais peut-être apprendre à lire


Ça fait des années (en fait, un peu plus de quatre : depuis l’ouverture de ce blog) que je me dis qu’il faudrait ouvrir un hublot sur la BD. Pas tellement sur la BD contemporaine parce que je ne suis plus tellement au courant, mais sur celle qui l’était au moment où j’en lisais beaucoup. Tout ça ne nous rajeunit pas. Cette planche, par exemple, c’est l’aube d’un an 2000 grouillant d’une vermine invisible aux yeux de Friz Melone, dont nous étions encore plus loin qu’aujourd’hui. (Du futur dans le passé, quoi.)
 
 
Altan, Friz Melone, Casterman, collection Un auteur (A suivre), 1983, p.9.
 
C’est dans (A suivre) en effet que j’ai découvert Altan, fameuse revue déjà évoquée ici et .
Pas grand-chose dans l’Internet français sur Altan, mais cinq autres albums quand même sur l’étagère.
Et cliquez donc sur l’image, vous verrez moins mal, vous aussi. (Et cliquez encore.)

dimanche 6 janvier 2013

runbook


«  runbook est un livre d’artiste en devenir via le réseau des boîtes mail. Un certain nombre d’écrivains et d’artistes invités par runbook invitent à leur tour plusieurs personnes à participer, ces personnes reconduisent l’invitation vers d’autres, ainsi de suite pendant une année. Le but de l’expérience étant d’avoir un ouvrage collectif et imprévisible qui se développe de façon autonome. »
« runbook n’a pas de thème défini.
Il existera en fonction de l’air du temps et des préoccupations artistiques des participants. »
 
On trouvera quelques mots de votre serviteur dans le volume septembre-octobre-novembre 2012, aux côtés notamment d’Alexander Dickow (que je remercie pour l’invitation) et de Dominique Quélen.
http://despaysages.fr/images/logo.gif

samedi 5 janvier 2013

mais encore


Certains écrivains aiment à raconter comment leurs personnages leur échappent pour aller vivre leur propre vie. Pour ce manque flagrant d’autorité on les appelle plutôt romanciers qu’auteurs, étymologie oblige.
(Honnêtement on les comprend, les personnages ; on ferait pareil à leur place, on est de tout cœur avec eux et on leur souhaite bon vent.)
Et comment appellera-t-on celui dont tous les personnages depuis longtemps se sont heureusement échappés, il n’y en a plus un seul en vue, c’est à peine s’il se rappelle encore ce que c’est – et qui pourtant écrit encore ?

vendredi 4 janvier 2013

mercredi 2 janvier 2013

alcool


j’ai la migraine
une bête
je me lève, je me couche
j’avale deux litres d’eau
mélangés de croquettes
d’aspirine
 
pourtant
je pisse debout
 
 
Antoine Brea, Simon le mage, éditions Le grand os, 2009, p. 37.
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEibnKu3ZV7kUGxZIP-jRRrAOm1vYZxHoAwBQqKKf466zMwxkHf62PtnzQiaEfmvPv5Qq7JiH9sJDdi40pnHBvgPLu2TBFYHbJDdM0I4l7JDNHhyluQYt8KBMlXSrxy84lW42wpn4WE2PTSx/s1600/Simon+le+Mage.jpg