mercredi 18 octobre 2017

dernières nouvelles avant départ en pure fiction

Plusieurs choses. Je suis très heureux de la prochaine parution de mes Notes sur les noms de la nature, que j'évoquais dans le billet précédent, et qui va paraître incessamment aux éditions des Grands Champs, au catalogue desquelles j'aurai si je ne me trompe l'honneur d'être le premier auteur vivant.
Avec un peu de chance, il ne sera peut-être pas impossible de voir le livre, l'auteur vivant et son illustratrice Florence Lelièvre au Salon de l'Autre Livre (Espace des Blancs Manteaux, 48 rue Vieille du Temple à Paris), si je peux y être ce sera le samedi 18 novembre, car le dimanche 19 je serai au Salon des Essarts-le-Roi, rue du 11 novembre, avec j'espère lesdites Notes, en tout cas avec Elise et Lise, Pas Liev et quelques autres. Ces Notes sur les noms de la nature ne tromperont pas leur lecteur : il y s'agira bien des noms qu'on donne à ce qui vit. J'aime à penser que ce sera mon premier livre de poésie assumé.

En attendant je vais disparaître un peu en pure fiction, car tel est le nom de la maison qui m'accueille en résidence d'écrivain pour les semaines à venir, j'ai maille à partir avec un projet de roman qui me résiste un peu et je dois bien le reconnaître : j'ai besoin d'un peu de tranquillité pour écrire.

samedi 14 octobre 2017

Mon 13 novembre

Je suis en train de lire le livre d'Erwan Larher, Le Livre que je ne voulais pas écrire que je ne voulais pas lire. Ça me prend du temps parce que je n'arrête pas de penser. Alors quand même je vais peut-être raconter deux ou trois choses ici, pour m'arrêter de penser un peu, si c'est possible.
Erwan, d'abord. On ne se connaît pas très bien mais sur Internet depuis un bout de temps quand même ; vers 2009-2010 on allait faire les justiciers sur le blog de Wrath, il y avait aussi Philippe Jaenada ; quelques blogueurs doivent s'en souvenir ; je ne sais pas trop pourquoi on faisait ça ; moi c'est parce que j'aime bien les gens qui ont tort, ça leur donne un surcroît d'humanité. Et puis on s'est lus, lui Liquide moi Qu'avez-vous fait de moi ?, je crois bien que c'est par moi que tu as connu Quidam Erwan, et lu Jérôme Lafargue suite à un billet sur ce blog ; tu me diras si je me trompe ; finalement c'est bien les blogs. Et rencontrés aussi, à la Fête de l'Huma et peut-être ailleurs aussi. Et puis on s'est perdus un peu de vue, et de temps en temps un livre d'Erwan sortait et je me disais qu'il faudrait que je le lise, j'avais trouvé le premier drôle et intelligent, et puis le temps passait et puis voilà.
Et puis on est arrivé au 13 novembre 2015. Moi je savais depuis la veille que ce jour-là il allait se passer une chose incroyable, une chose qui allait changer le monde. C'est un peu montrer ses fesses que de raconter ça mais tant pis. J'avais réussi à écrire Pas Liev et c'était le grand livre de ma vie même s'il n'est pas très long, bien plus grand que moi tellement que j'avais peur (j'ai toujours peur) de l'après. Et il y avait des gens qui avaient l'air d'être d'accord. J'attendais un article dans Libé notamment et ailleurs aussi et le 13 novembre je savais depuis la veille que j'en attendais un très spécial. Pas très spécial seulement parce que c'était dans le Monde et que je n'avais encore jamais eu d'article dans le Monde mais parce qu'il serait signé Eric Chevillard et Chevillard je l'aime comme un frère inconnu dont j'aurais été séparé à la naissance (c'est par lui que je suis revenu à la lecture en 2001, j'ai déjà raconté ça, bref).
Alors le 13 novembre c'était forcément le plus beau jour de l'année 2015. J'étais à Paris ce jour-là, notamment au Salon de l'Autre Livre, j'y avais vu notamment mes éditrices des Grands Champs (oui, vous avez bien lu « mes » : un petit livre de poésie scientifique illustrée intitulé Notes sur les noms de la nature va paraître incessamment). Et puis je suis rentré, je ne me souviens plus, je me souviens juste que le soir je suis allé faire un tour sur Facebook et j'ai compris qu'il se passait quelque chose. Tout était étrange, étrange. Chez moi tout le monde était couché, personne à qui parler. J'ai envoyé quelques messages pour prendre des nouvelles, je n'en ai reçu que de rassurantes. Est-ce que je me suis dit que personne ne lirait le bel article de Chevillard ? Sûrement, mais je ne m'en souviens plus. Plus tard je me suis rappelé que quelques jours après la sortie de mon premier roman au Seuil, deux avions percutaient les tours du World Trade Center. Oui, j'étais sûrement encore plein de moi-même.
Le lendemain matin, je m'inquiétais de ne pas avoir de nouvelles de ma sœur. J'ai réussi à avoir mon frère. C'est lui qui m'a dit. Il m'a dit que Frédéric était au Bataclan et qu'il s'était pris une balle dans la mâchoire.
C'est un homme, il a trente ans, il est grand et mince, sportif, il a une compagne, un métier.
C'est, avec sa sœur, le premier bébé dont j'ai changé les couches. C'est lui qui m'a appris quelle étonnante quantité de caca un petit bébé est capable de produire. C'est peut-être à ce moment-là que je suis devenu adulte.
Il était pas loin d'eux, il les a vus avant. Ils étaient comme tout le monde. Lui aussi, il a cru à des pétards. A un moment où ils se sont arrêtés de tirer pour recharger, il en a profité pour s'enfuir par l'autre côté, la petite rue, pour s'éloigner le plus possible. En tenant sa mâchoire à la main car elle ne tenait plus. Il s'est retrouvé dehors et il s'est passé du temps, longtemps avant que dans un café il ne trouve de l'aide. On n'aide pas facilement un gars qui a la gueule en sang et qui ne peut pas parler. C'est un couple, des gens de son âge, qui se sont occupés de lui, et qui n'ont pas osé monter dans le camion des pompiers parce qu'ils ne le connaissaient pas vraiment. Et qui ne savaient pas s'il avait survécu jusqu'à ce qu'il les retrouve pour les remercier et les rassurer. Car cette histoire se finit bien – à la manière dont les histoires se terminent bien dans la réalité.
Car pendant un temps, on ne savait pas s'il pourrait reparler. On ne savait pas s'il pourrait sourire.
C'est peut-être parce que pendant un temps on lui a ôté la parole que j'ose parler de ça aujourd'hui.
Sa mère, sa sœur et sa compagne (l'ordre est juste celui dont moi j'ai fait leur connaissance) ont été avec lui tout le temps ; mais c'est lui aussi, lui d'abord qui, en se sauvant – en se sauvant la vie – a sauvé la leur, et a sauvé la nôtre. Merci à tous ceux qui ont survécu.
J'ai écrit un truc comme ça, sur Facebook, juste ça, en quelques mots. Je pensais que les gens ne comprendraient pas, souvent on ne comprend pas tout ce que je dis, c'est normal. Mais tout le monde a compris.
Et Erwan, pendant ce temps, j'ai appris qu'il était à l'hôpital (mais pas le même que Frédéric, du coup je n'ai pas eu le courage d'aller le voir), j'ai appris à peu près en même temps qu'il publiait chez Quidam, Marguerite n'aime pas ses fesses ; c'était bizarre d'apprendre ça en même temps, et j'ai vu tout le monde autour de lui, et qu'il allait s'en sortir alors je l'avoue, je n'ai pas tellement pensé à lui. Le chagrin est un sentiment égoïste. N'empêche, c'est un peu tard mais je l'embrasse.

Voilà, pour une fois j'ai été un peu long mais je crois qu'il me fallait bien ça pour pouvoir continuer tranquillement ma lecture.

mercredi 11 octobre 2017

Cette défense qui est en fait une attaque qui est en fait une défense

Je suis fier comme Artaban : je ne suis pas cité dans le dernier livre d'Eric Chevillard. J'ai nommé : Défense de Prosper Brouillon.
Rappelez-vous : pendant six ans, six années merveilleuses, Chevillard a tenu sa chronique littéraire au Monde des Livres. Et puis, il y a peu, il a jeté l'éponge. Désespoir dans les foyers. Heureusement Claro a pris la suite, on peut lui faire confiance.
Et l'on peut comprendre Chevillard. Il a dû s'en farcir, des horreurs. Mais dans un souci très clairement écologique, voici qu'il nous en sort Défense de Prosper Brouillon ! Soucieux de ne rien laisser perdre, Chevillard fait bien mieux qu'y recycler ses propres chroniques (comme aurait fait par exemple un Patrick Besson) ; ce qu'il nous ressert, ce sont les phrases les plus ridicules de nos plus ridicules auteurs à succès du moment et qui, attribuées à ce Prosper Brouillon qui les incarne tous et toutes, trouvent soudain un éclat inespéré. Garanties authentiques, elles sont pourtant méconnaissables. Des phrases telles que « On n'entendait pas siffler le passage du temps », « Le visage de la jeune femme se précisa et lui empoigna l'âme » ou dans la même veine néo-romantique « Une fille, ça s'ouvre et ça se ferme : le problème est de trouver le bon mot de passe » deviennent les clés de voûte d'une authentique œuvre littéraire ; on ne pouvait pas trouver à de telles perles meilleur défenseur que le narrateur de Défense de Prosper Brouillon. Les voici enfin dans un livre qui vaut vraiment quelque chose ; et il y a au fond une sorte de paradoxe dans cette attaque déguisé en défense : les auteurs sont (anonymement, on n'est pas cruel) condamnés mais au moins leurs pires phrases sont sauvées.

Défense de Prosper Brouillon est illustré par Jean-François Martin qui illustrait la chronique d'Eric Chevillard au Monde des Livres et publié par les éditions Notabilia.

dimanche 8 octobre 2017

Mon ami Paillard fait son homme-orchestre.

Je viens de (re)découvrir, mais cette fois sur papier, le premier tome de Mon ami Terrier, de Jean-François Paillard, rappelez-vous, ah non, je ne vois rien sur ce blog, je dois perdre la tête, c'est parce que je le lisais sur son site, Territoire3, lequel se fait éditeur et y édite donc Les scandaleuses privautés de mon ami Terrier ; c'est le premier tome de l'homme-orchestre Paillard qui est aussi l'auteur des dessins, premier tome avalé ce matin en guise de petit déjeuner, il y en a trois comme le territoire, j'y reviendrai quand j'aurai lu les deux autres. De celui-ci je ne vous copie pas d'extrait, mieux : je vous mets le son, c'est interprété par Brigitte Guedj, écoutez :

mercredi 4 octobre 2017

Oui, Amazon, j'ai trouvé ce commentaire utile.

Tiens, en passant sur le site d'Amazon, je tombe sur ce commentaire à propos d'un livre que je n'ai pas lu mais d'un auteur dont j'ai vraiment beaucoup aimé un autre livre, et dont j'efface le nom car là n'est pas mon propos :

« J'ai beau chercher : à part les suggestions d'Amazon, je ne vois pas ce qui m'a poussé à acheter ce bouquin : pas de quatrième de couverture sur la fiche produit, pas de commentaire(s) de clients à ce moment là.. mystère. En tout cas, si c'est une suggestion du moteur Amazon, c'est complètement raté.
Dès la première page, on se dit que l'auteur a lu 'Acide sulfurique' d'Amélie Nothomb. On en déduit qu'il a aimé, et qu'il s'est dit 'pourquoi pas moi ?'.. C'est justement là le GROS problème : L'auteur n'est pas Nothomb, loin s'en faut. »


Il y a toujours sur Amazon une petite rubrique « Avez-vous trouvé ce commentaire utile ? » C'est intéressant, tout compte fait ; car si évidemment j'ai d'abord trouvé ce commentaire idiot (l'idée que l'auteur ait pu vouloir imiter Nothomb au premier chef), je le trouve aussi finalement utile. Le commentateur se plaint à juste titre d'avoir été fourvoyé par les suggestions d'Amazon ; la plainte est on ne peut plus recevable. Un vrai libraire, un de ces êtres de chair et de sang qui ont pour vocation non seulement de vendre des livres mais aussi d'en faire découvrir, aurait su, avec le tact qui caractérise sa profession, lui faire sentir qu'on n'était pas avec ce livre dans de la littérature commerciale (laquelle n'est pas non plus forcément calamiteuse, là n'est pas non plus le propos) mais dans quelque chose de littérairement plus ambitieux. Il aurait pu soit aiguiller le lecteur vers autre chose ou encore, dans un monde idéal, simplement dégager l'horizon d'attente dudit lecteur, condition essentielle à toute bonne lecture, lequel au sortir de celle-ci, légèrement interloqué, aurait peut-être été traversé par la pensée qu'il était en train de découvrir quelque chose.

lundi 2 octobre 2017

La glace fond, lisez Baqué !

Inplicit Joël Baqué, la fonte des glaces :
« Louis prend la tasse de café et remercie Alice devant le corps raidi. »
Pour ceux qui auraient oublié la règle de ce petit jeu littéraire que j'ai inauguré il ya quelques mois : je prends les premiers mots de l'incipit auxquels je colle les derniers mots de l'explicit. Ça colle particulièrement bien ici, on a presque l'impression que la phrase va de soi. Ça colle même, oserais-je le dire ? improbablement bien.
Des quatre romans publiés par Joël Baqué (je les ai tous lus, vérifiez par vous-même, et même un peu aussi sa poésie), la fonte des glaces est le plus improbable : l'histoire d'un charcutier retraité et déprimé qui devient sans le vouloir une icône de la cause écologique. Il y a quelque chose là qui tient de l'effet papillon et qui signe à la fois une conception de la littérature et une vision de la relation de l'homme au monde. Joël (oui j'avoue c'est un copain) laisse à la littérature la chance du hasard et le destin de son charcutier sur la banquise n'est pas plus invraisemblable au fond que celui du policier poète que l'auteur est aussi. Il peut faire mourir un personnage sous le pied d'un éléphant (le père du héros) sans qu'on se dise « c'est un peu gros » : le ton y est qui rend tout possible et la couleur trop voyante (un orange récurrent de père en fils) lui va bien.
Du point de vue du lecteur que nous sommes vous et moi, attendez-vous clairement à du cocasse, mais la loufoquerie est douce et nous parle de l'homme et du monde en en disant au fond la même chose que le très beau et quand même assez triste La mer c'est rien du tout du même Baqué de l'an dernier. Il y a quelque chose sur quoi clairement on n'a pas prise mais on va faire quand même. La chance au hasard que l'auteur donne à son écriture aboutit à des romans à chaque fois bien singuliers, l'écriture elle-même n'y est pas même ; il y a de l'aventure dans cette façon de la pratiquer, elle n'attend plus que vous.
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dimanche 1 octobre 2017

cata

Le négativisme, c’est-à-dire l'opposition à toute proposition, défini par Henri Ey comme le « refus de tout contact avec autrui et avec le réel », est un des symptômes de la catatonie. Le catafalque n'est pas loin, la catastrophe non plus. Voire le cataclysme.