mercredi 30 mai 2018

dimanche 27 mai 2018

que la route se courbe comme une tige


« Il y a, dit-elle, quelque chose de difficile qui se fait jour. Mes échanges avec cet homme prennent un tour belliqueux. C'est qu'il est fait d'un métal dur ou qu'il a besoin de se garder des chocs, je ne sais pas, en tout cas il faut sans cesse qu'il affirme une suprématie, qu'il pose de l'implacable. C'est comme si on avait usé l'été jusqu'à la corde. Dans quel désert a-t-il relégué la tendresse ? Pourquoi se plaît-il dans ces coupes acérées, ces coupes sombres qu'il opère et dans cette atmosphère raréfiée ? Comprenez-moi, je n'aime pas quand l'accès est trop aisé, quand on me précède sur la route et qu'on m'ouvre grand les chambres et les paradoxes intimes. Mais j'aime que l'alliage se fasse, fluide, évident, et qu'il en résulte des étincelles. Or lui, il barre la route à l'évidence, il semble fait d'un métal pas même rare mais qui n'existe pas ailleurs sur terre. Je m'élance, il répond et soudain quelque chose dans sa réponse fait de moi une silhouette stoppée net. Il m'adresse des mots, en quantité, et de menus cadeaux mais je ne sais pas où il est ni où il me situe. Je ne sais pas si je suis une partenaire, une adversaire, une participante, un jeu ou un enjeu. Suis-je, posée sur sa vie, une plume, volatile, sans poids et sans nécessité ? J'aimerais parfois que la route se courbe comme une tige, comme le dos des enfants dont vous vous occupez.

Que peut-elle savoir des enfants ? Des enfants de Verre ? »

C'est un passage que je viens de découper dans On a brûlé les ruches blanches, de Bénédicte Heim, qui vient de paraître aux éditions Et le bruit de ses talons.



mercredi 16 mai 2018

Chapitre Nature


Nature est le dénominateur commun au festival du Blanc et à mes récentes Notes sur les noms de la nature, qui me valent le plaisir d'être invité à l'édition 2018 dudit festival, Chapitre Nature donc, où je serai présent dès vendredi en fin d'après-midi et tout le week-end, avec lecture de ma pomme le samedi après-midi. Mettez-vous donc au vert ! (Pour se mettre au courant, c'est ici.)

lundi 14 mai 2018

Grève de la faim est-il préférable à Désir d'être en pension ?


Le duo Monomère & Maxiplace appartient à la catégorie des Minizup et Matouvu, petits maigres, gros ventres, clown qui appuie sur le nez de son camarade, tire sur l'élastique de son chapeau.

Quand les dépareillés se démodent (Patron/Secrétaire, Prof/Étudiante), il faut explorer d'autres séductions, une maîtresse récente plus jolie que l'ancienne, un peu plus riche, un amant à qui ne manque aucune dent. La jupe short ne tient pas, même chez les bourgeois monospaces des Yvelines, dont la morale catholique exclut la monoparentalité.



En 2016, la famille Fillon retrouve une France déboussolée, provinciale, en loden. La messe du dimanche ne figure pas dans mon jeu, ni la tête blonde des petits garçons (oreilles dégagées). Les jupettes bleu marine, non plus.

La famille Citoyenne a dispersé ses enfants dans la masse des électeurs : rejetons récalcitrants, filles de la semaine et fils du samedi (la valise dans l'entrée).

Pourquoi le vocabulaire lié au divorce est-il militaire ?

Garde alternée, garde à vue, pension alimentaire...

Grève de la faim est-il préférable à Désir d'être en pension ?

Véronique Pittolo, Monomère & Maxiplace, éditions de l'Attente, 2018.



dimanche 13 mai 2018

Histoires de personnes


Catégorie du verbe. Première deuxième troisième personnes du singulier et du pluriel c'est un peu court.
Potentiellement il existe (vite fait)
- celle qui précède l'existence, celle de personne, celle du verbe quand il est à l'infinitif
- celle de l'univers, celle d'avant la conscience de soi, celle de toutes les tournures verbales dites im- ou plutôt uni-personnelles (ces deux-là que pour simplifier j'appelle « personne zéro » quand je parle de mon roman Liquide)
- celle de la prise de conscience de soi que le français appelle je. Se penser avant de pouvoir se dire car ce je ne prends sens que par confrontation à
- celle de la prise de conscience de l'autre que tu aimes appeler tu. Les deux aussitôt s'additionnent pour former une bulle :
- celle que faute de mieux le français appelle nous mais qu'il ne faut pas confondre avec l'autre nous qui n'est pas encore là, on n'en est encore qu'à l'addition de toi + moi mais c'est déjà beaucoup se disent les amoureux
- celle aussi d'une autre addition : toi + un autre toi + un autre toi... : tout ce vous qui m'entourez mais qu'il ne faut pas confondre avec l'autre vous qui n'est pas encore là car d'abord il faut
- celle qui dit l'autre, celui qui n'est pas dans mon échange, ce troisième à qui il suffit de mettre un s car la langue parfois fait bien les choses et c'est clair qu'il est souvent ils
- celle donc que je viens de dire qu'on appelle la troisième du pluriel et qui est ainsi la seule à peu près convenablement nommée
- celle que le français appelle nous mais qui n'est que l'addition de je + il
- celle que le français appelle nous mais qui n'est que l'addition de je + ils
- celle que le français appelle vous mais qui n'est que l'addition de tu + il
- celle que le français appelle vous mais qui n'est que l'addition de tu + ils
Ce qui nous fait non pas six mais douze. Douze personnes à penser pour penser un peu mieux.

samedi 12 mai 2018

Nouvelles très brèves (8)


Il y en eut un pour émettre l'hypothèse de la présence de pétrole puis un autre pour jeter son gobelet en plastique. (L'instant d'avant une libellule survolait cette forêt du carbonifère.)



vendredi 11 mai 2018

Bienvenue à Clonck

Après Tardigrade à l'Arbre vengeur, rappelez-vous, Clonck et ses dysfonctionnements est le deuxième livre de Pierre Barrault, et je l'aime encore un peu plus que le premier. L'auteur cette fois assume la forme romanesque, pour un propos poussé encore davantage vers le non-sens. Or le roman est un genre qui aime le sens. Le lecteur s'y attend à y lire une histoire, une histoire qu'on ne lit que dans un seul sens car elle est supposée n'en avoir qu'un – parfois le lecteur en voit plusieurs, et alors il se réjouit que le roman soit riche. La déception le guette à Clonck, mais je lui souhaite de savoir jouir de ses déceptions. Car s'il y a bel et bien une histoire dans Clonck – celle d'Aughrim et Podostrog en mission dans la ville de Clonck, chargés d'y retrouver un certain Perstorp –, le sens s'y dérobe. En effet la ville dysfonctionne – on ne pourra pas cette fois reprocher à l'auteur un titre trompeur – et l'histoire est aussi celle de ces dysfonctionnements. Ce sont ces dysfonctionnements, sortes de bugs poétiques cocasses et variés, qui font la matière essentielle de ce livre. Et ce faisant – faisant mine de ne rien dire – ils disent vraiment l'essentiel : l'incapacité du sujet à appréhender le monde. Notre lot commun, en somme.
On attend avec impatience le troisième livre de Pierre Barrault. En attendant, on relit Clonck et ses dysfonctionnements, qui vient de paraître, illustré par Claire Morel, aux éditions Louise Bottu.

Résultat de recherche d'images pour "clonck et ses dysfonctionnements"



dimanche 6 mai 2018

Nouvelles très brèves (6)


Camille Ducast n'eut pas le temps de s'entendre appeler ainsi car malgré les efforts de ses parents il n'y eut pas fécondation.


vendredi 4 mai 2018

"C'est lui, l'inventeur du poème carré."


Je n'ai pas du tout le temps de rédiger un billet mais lisez donc ça, ça parle tout seul. Ce sont deux des 49 poèmes carrés dont un triangulaire d'Emmanuel Venet et c'est publié à La fosse aux ours.


jeudi 3 mai 2018

Nouvelles très brèves (5)


Madame Bertinier a amené la petite Pauline le matin à l'école maternelle des Lutins mais elle n'est pas revenue la chercher à la sortie de l'Ecole Polytechnique.



mercredi 2 mai 2018

Nouvelles très brèves (4)


Band et Brown furent les premiers à atteindre la cime du Kangchenjunga qui n'est pas tellement connu du grand public bien qu'il soit ou parce qu'il n'est que le troisième sommet du monde, et puis ils en redescendirent.



mardi 1 mai 2018

Berlin on/off


Berlin on/off de Julien Syrac est trois fois le monologue intérieur d'un jeune aspirant artiste – trois car il y a trois parties, trois nouvelles si vous voulez, intitulées chacune par leur incipit (« En attendant la poétesse israélienne », « Debout sur le podium », « Le marteau à la main » ; tiens, ça aurait pu en faire un autre, d'incipit, en les collant bout à bout) ; trois fois le monologue intérieur d'un jeune aspirant artiste disais-je qui n'est pas forcément le même, ou peut-être que si peu importe, lequel vasouille dans les milieux underground et berlinois de l'art, poétique ou plastique même combat, à faire l'accompagnateur de poètes, le modèle nu (qui n'avait pas prévu de le faire devant sa colocataire) ou l'apprenti sculpteur (dont l'un des buts et non le moindre est de sortir vivant de cette aventure). Ecrit dans une langue toute bouclée (vous n'êtes pas sûr de comprendre ce que je veux dire ; c'est exprès, pour que vous alliez vérifier par vous-même), sans paragraphes mais bien en bouche (tentez donc la lecture à haute voix, c'est quasi fait pour) ; très caustique et même un peu méchant mais plus tendre en final qu'il n'y paraît de prime abord ; Berlin on/off est aussi le livre le plus drôle que j'ai lu ces derniers mois, ce qui n'est pas la moindre des qualités.