samedi 29 septembre 2018

Invasion (2)


On a beaucoup écrit sur les différences entre sapiens et Neandertal. Mais je n'ai jamais lu – sans doute n'ai-je pas tout lu, qu'une – voire la principale – différence entre les deux espèces réside dans le caractère invasif de l'une d'elle, à l'inverse de l'autre. Pourtant quand on parle des frelons européens et asiatiques, c'est la première distinction que l'on fait.
Ce billet est un addenda à celui-ci.



jeudi 27 septembre 2018

un peu d'auto-satisfaction


Je me suis offert un peu d'auto-satisfaction. En cette rentrée est paru aux éditions de la Baconnière Feuilleton, d'Eric Chevillard, qui rassemble 153 de ses 270 chroniques littéraires, que le Monde des Livres a publiées de 2011 à 2017. Les plus croustillantes sont sans doute les plus à charge, c'est l'occasion de les relire. Les autres sont l'occasion – trop rare dans la presse littéraire – de faire de belles découvertes, car notre auteur est convaincu, à l'encontre de l'opinion trop courante pour qu'on lui prête foi sans vérifier par soi-même, « qu'il y a autant d'excellents écrivains aujourd'hui qu'aux époques les plus glorieuses de notre littérature ». Je ne vais pas dire le contraire, puisque sa chronique sur Pas Liev fait partie des 153 sélectionnées. Je vous l'ai photographiée si vous avez envie de vous casser les yeux à la relire (c'est aussi faisable ici). J'ai aussi fait un gros plan sur la date de parution dans le Monde, vous comprendrez pourquoi.







mercredi 26 septembre 2018

Invasion


Celle de la perruche à collier (je crois que c'est elle) dans les grandes villes européennes notamment m'intéresse. Je l'ai repérée à Londres, à Bruxelles, à Barcelone évidemment (elle est y est déjà légion), à Paris, à Cannes, à Rome.
La définition d’une espèce exotique envahissante donnée par le Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer est la suivante :
« Une espèce exotique envahissante est une espèce (animale ou végétale) exotique (allochtone, non indigène) dont l’introduction par l’homme (volontaire ou fortuite) sur un territoire menace les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences écologiques, économiques et sanitaires négatives. Le danger de ce type d’espèce est qu’elle accapare une part trop importante des ressources dont les espèces indigènes ont besoin pour survivre, ou qu’elle se nourrisse directement des espèces indigènes. Les espèces exotiques envahissantes sont aujourd’hui considérées comme l’une des plus grande menace pour la biodiversité. »
La France s’est d’ailleurs engagée, à l’occasion du Grenelle de l’Environnement, à lutter contre ces espèces.

Exemples de taxons invasifs (je recopie Wikipédia) :

« Wasmannia auropunctata, la petite fourmi folle qui a envahi la Nouvelle-Calédonie et Tahiti ;
Le champignon Phytophthora infestans sur la culture de pomme de terre en Irlande provoquant la Grande Famine en 1845 ;
Le phylloxéra Viteus vitifoliae sur les vignes européennes à la fin du xixe siècle ;
La méduse Mnemiopsis leidyi en mer Noire ayant considérablement affaibli les ressources halieutiques ;
La moule zébrée qui peut boucher des canalisations, gêner la navigation et diminuer la biodiversité ;
L'étoile de mer dévoreuse de corail (Acanthaster planci) est sujette à des « explosions de populations » qui ruinent les écosystèmes coralliens, parmi les plus riches et les plus fragiles au monde ;
La guêpe commune Vespula vulgaris en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Hawai ;
Le frelon asiatique Vespa velutina en France notamment, prédateur d'abeilles et d'autres insectes pollinisateurs ;
L'introduction du Rat noir Rattus rattus et du Rat gris Rattus norvegicus en Europe au Moyen Âge ;
La jacinthe d'eau, diminuant la vie aquatique, faute de lumière, dans les rivières ou les lacs. »

Je constate avec une satisfaction intellectuelle non dénuée d'une certaine affliction que l'on n'y a pas oublié le plus fameux d'entre eux :
« Homo sapiens peut être considéré comme une espèce envahissante du fait d'une démographie incontrôlée, d'impacts significatifs et néfastes sur l'environnement global (flore, faune, climats…) »

Je me souviens que j'ai eu ma plus mauvaise note au bac à l'épreuve écrite de français. Je l'ai attribuée, à l'époque, à une comparaison que je faisais entre l'homme et le lemming, lequel, lorsque sa démographie explose, se lance dans une longue migration qui décime la plus grande part de sa population, ce qui à mes yeux était un peu l'équivalent de la guerre pour l'homme, considérant la guerre comme un comportement naturel dont le rôle est de maintenir la population humaine dans des limites raisonnables. Je me rends compte aujourd'hui que ma mauvaise note était méritée. Évidemment la guerre est un comportement naturel, comme toutes les activités de l'homme qui fait partie de la nature, mais il est clair qu'elle ne sert pas à limiter la démographie puisque, depuis ma mauvaise note au bac français, la population humaine, déjà considérable, a doublé.

lundi 24 septembre 2018

créer un vide

« Un auteur admiré écrivant sur un écrivain qu'il aime crée un vide. Ne pas lire le second, c'est ne pas comprendre tout à fait le premier. L'adolescent sentait bien que les livres appellent les livres dans une fuite en avant sans fin. Autour de lui, personne ne semblait deviner que le lecteur reste toujours en arrière, de plus en plus dépendant, avec une conscience de plus en plus aiguë de ses propres lacunes, et seul au milieu de ces absents illustres. »
Marcel Cohen lui ne nomme pas d'écrivains, du moins pas en tant qu'objets d'admiration, et moi je lui sais gré de ne pas créer trop de vide, trop de vides autour de moi – manière aussi de dire la mienne (admiration). J'achève seulement maintenant la lecture de Détails paru pourtant l'an dernier, mais où est donc passé le temps. Je ne cacherai pas que l'ambition de ce billet est clairement de créer un vide, pour ceux qui n'auraient pas encore lu Marcel Cohen. Son audace immense est quasi invisible. Il écrit sans tout le fatras qui d'ordinaire fait la littérature – même la bonne (de la construction du récit à la métaphore, en passant par tout ce qu'on l'on met trop facilement sous l'adjectif littéraire). Et à chaque instant de ma lecture, je me dis qu'il touche à l'essentiel.
La quatrième de couverture de la collection blanche de Gallimard où sont parus ses Détails le présentent comme l'auteur de « textes brefs, (...) d'une trilogie (...) » etc., suivent les titres concernés (d'ailleurs évoqués ici, cliquez donc). Une présentation somme toute factuelle, comme ses textes revendiquent de l'être. Une présentation qui ne dit pas que Marcel Cohen est peut-être l'écrivain d'aujourd'hui le plus important publié dans ladite collection. Il ne faudrait pas que ça se sache.


dimanche 23 septembre 2018

mardi 18 septembre 2018

La nuit tombe tous les soirs


Alors forcément comme c'est la saison il y a toujours un peu de nouveau à propos de Seule la nuit tombe dans ses bras : pour Laurent Gourlay c'est « le récit ironique et émouvant d’une liaison en équilibre instable entre réalité et fantasme. L’auteur y parle avec talent de l’illusion, des sentiments, de l’absence, de la littérature, du rêve, du quotidien, de sexe aussi, et de tant d’autres choses. Faux roman érotique mais réel plaisir de lecture, un livre à acheter dans la vraie vie » ; un roman « ultra-réaliste » (c'était bien l'une de mes ambitions) dont Anna Valenn cite deux et même trois passages bien différents (avec précisément les changements de registre jusque dans l'écriture par souci de réalisme) ; et une magnifique chronique à écouter de Nikola Delescluse qui a déjà lu tant de mes livres que rien ne lui échappe.

lundi 10 septembre 2018

L'auteur passe aux aveux.


Des questions de lecteurs me parviennent, à propos d'un précédent roman dont je tairai le titre par égard pour les personnes qui ne l'ont pas encore lu – que ceux qui savent veuillent bien garder le silence –, à savoir si le personnage principal se livre réellement ou seulement dans son imagination à cette pratique consistant à fracasser des crânes de jeunes enfants à coups de brique. Bien évidemment je ne répondrai pas à cette question, la littérature garde ses secrets, mais je ne cacherai pas plus longtemps que, dans un souci de réalisme, je n'ai pas hésité à en faire personnellement l'expérience : la description avait tout à y gagner.

(Ce petit billet, à l'instar de mes romans, ne dit pas ce qu'il raconte.)

samedi 8 septembre 2018

Nouvelles très brèves (18)


Robert Dandier passa quatre ans et dix mois sur ce roman dont j'ai oublié le titre et dont Jean-Pierre Bitonnot parcourut en trois minutes et neuf secondes les onze premières pages pour écrire dans un grand quotidien national un article de quatre-cent-trente-et-un caractères que lurent vingt-cinq abonnés, dix-sept acheteurs et un SDF.



vendredi 7 septembre 2018

des échos dans la nuit


J'aime qu'un texte dise plusieurs choses en même temps. Même des choses en apparence contradictoires. Ou incompatibles. Réalisme romantique. Pornographie pudique. Histoire d'amour sans amour avec amour puisque l'amour est une histoire. Et même – car il y a de la perversion chez l'auteur –, prendre plaisir à mal écrire exprès, au moins certains passages, pour que ce soit plus vrai.
« Il y aura donc – en mots, certes, mais quand même – des fellations, des cunnilingus, des pénétrations. Ce qui ne fait pas du roman de Philippe Annocque un livre érotique, loin de là. (…). On pourrait dire que ce roman plus romantique qu'érotique, cette histoire d'un amour qui n'est pas vraiment réalisé mais fait mal quand même, est aussi une réflexion sur la littérature, sur sa capacité à multiplier les mondes » écrit Guillaume Contré dans le Matricule des Anges, numéro de septembre (j'en ai collé une mauvaise photo ici, cliquez donc), et je ne sais pas si j'ai réussi mais c'était exactement mon ambition, convaincu que la fiction vit sa vie dans la nôtre, quoi qu'on y fasse. Car sans cette conviction jamais je n'aurais écrit sur un tel sujet (les rencontres érotiques et /ou amoureuses virtuelles, pour ceux qui n'auraient pas tout suivi).
« Philippe Annocque explore ce sujet casse-gueule avec beaucoup de subtilité, et transforme cette liaison pornographique à distance en une sorte de réflexion grandeur nature sur le pouvoir performatif du langage et la puissance de l'imagination. Un roman bref, un peu cru, addictif, d'une éclatante intelligence », écrit Bernard Quiriny dans Trois Couleurs, la revue du MK2 ; n'en jetez plus, mais si, encore un peu : « Seule la nuit tombe dans ses bras est un livre étrange et inquiétant. C’est évidemment voulu. Philippe Annocque, pour y parvenir, met en place un dispositif particulièrement malin. On le sent rusé, prompt à manier l’ironie, à parodier le roman d’amour, à percer l’identité bancale de cet homme et de cette femme apparemment heureux mais qui n’en restent pas moins accrochés, dans la grande nuit numérique, à cet écran bleuté dont ils ne peuvent plus se séparer et qui s’agite frénétiquement en se zébrant de mots bien réels », cette fois c'est Jacques Josse sur Remue.net, cliquez pour tout lire. Inquiéter, émouvoir, faire rire et faire pleurer, émoustiller les sens et donner à réfléchir ; c'était ma petite ambition. Je suis content.



lundi 3 septembre 2018

Seule la nuit par les hublots


Dix ans de Hublots hier, à ce qu'il paraît. Ça ne nous rajeunit pas, et pas sûr que la visibilité se soit tellement améliorée, pour autrui comme pour soi-même – cet autrui qui est un autre soi-même.
J'ai ouvert un hublot sur Seule la nuit tombe dans ses bras, quand un livre est écrit il faut le vendre, c'est étrange mais c'est comme ça – et c'est ici.
Il faudra que j'y rajoute les recommandations horoscopiques de Nathalie Peyrebonne déguisée en Madame Soleil, il y en a pour tous les signes ou presque, c'est tout frais d'aujourd'hui ; cliquez donc et n'oubliez pas les Poissons.
Mais même si vous êtes Vierge ou Balance, Capricorne ou Gémeaux, venez donc ce mercredi à partir de 19 heures à la librairie Le Monte-en-l'air, 71 rue de Ménilmontant à Paris, on n'attendra pas la tombée de la nuit pour en parler.





dimanche 2 septembre 2018

Albin 2, 2 Albin


Donc Albin à l'école. On l'y traitera d'imposteur pour la raison que le nuage à la moindre occasion pisse et que, semblable aux autres marches, celle où on a manqué s'étaler se répète et se fond dans l'interminable escalier, l'eau n'est plus la même dans le fleuve, le vin dans le verre, Albin soi-même perdu dans l'émoi du monde avec les sensations, le regard, les mots des poètes, Albin soi-même n'est pas soi-même n'est pas Albin.

Originalité, répète le maître et tous les mots qu'on lui a appris et qu'il n'a pas su oublier, mensonge, usurpation, tromperie et fausses apparences, imposture, et veut moralité et deux et deux font quatre.

L'imposte en architecture est la tablette saillante posée sur le pied-droit d'une porte, ou sur un pilier de nef ; en menuiserie c'est la partie supérieure d'une baie de porte ou de fenêtre.

Le mot vient du latin imponere, « placer sur ».

Pour qu'il y ait précipitation, poursuit le maître, il faut à la vapeur d'eau des poussières ou des grains de sel sur lesquels elle se déposera.

Sur quoi se placerait-elle, son imposture, sur qui, qui pourrait-il faire passer pour un autre qui lui-même n'était rien.

Dans les mots des autres, la voix d'Albin, partout où Albin n'est pas, tiens il pleut, dit-il en quittant l'école, la poussière dans l’œil donne à ses larmes un goût de sel, Albin ruisselle et coule, un gai murmure.

Albin saison 2, éditions Louise Bottu, 2017.

Les blogueurs se souviennent qu'Albin était un blog et un un blogueur, et depuis qu'Albin est livre – la bonne surprise que ce me fut en 2013 de le voir édité aux belles éditions Louise Bottu – Albin se confond avec Albin, auteur et livre, et cette confusion aussi est belle, qui dit aussi ce que devrait être notre rapport à la littérature. Albin du coup n'est pas connu, et le citer comme je viens de le faire ci-dessus ne dit pas vraiment ce qu'il dit – mais comment, un peu ; et ce comment devrait suffire à donner envie.
(Avec une couverture signée Patrick Szymanek.)



samedi 1 septembre 2018