lundi 28 janvier 2019

Noirs cafés 8


Tant que tu n'as pas tué quelqu'un à mains nues, c'est comme si tu n'avais rien fait. Ta vie n'a pas de sens.
Non, les coups de poing, les coups de pied, ça n'est pas la meilleure méthode. Ça manque trop de contact. Préfère l'étranglement. L'étranglement à mains nues, c'est ce qu'il y a de mieux. C'est plus vrai.
Après, essaie sur toi-même. Saisis-toi à la gorge. Serre. Mais serre donc !



dimanche 27 janvier 2019

Billet écrit sous l'emprise de la lecture de l'explosion de la tortue d'Eric Chevillard


Qui n'a pas par négligence causé la mort de son poisson rouge ou de son canari éprouvera peut-être quelques difficultés à mesurer l'importance de l'argument qui sous-tend le Chevillard nouveau.
Au fait, savez-vous que j'ai ressuscité deux fois le mien (de poisson rouge, je n'ai jamais prétendu avoir un canari) ? Il a profité de mes vacances pour mourir lâchement, (mon poisson rouge, le canari est jaune). Bien conscient (mon cyprin doré, les écailles du canari sont des plumes) que j'aurais su, comme Héraclès le fit pour Thésée, une troisième fois le ramener des Enfers. Si j'avais été là. Nos animaux nous lâchent trop souvent en notre absence, on ne dira jamais à quel point le carassin d'or est sournois à ce propos, ne parlons pas du canari, on tomberait sur un bec.
Qui n'a pas par négligence causé la mort de son poisson rouge ou de son canari, disais-je, éprouvera peut-être quelques difficultés à mesurer l'importance de l'argument qui sous-tend le Chevillard nouveau, tout frais paru ; Minuit en janvier c'est rarement la canicule. Plus frais en tout cas que sa tortue ; elle a imité mon poisson rouge, et mon canari si j'en avais eu un : envolée, oui, au paradis des tortues. Suite à son explosion, c'est le terme choisi par l'auteur : L'explosion de la tortue, d'Eric Chevillard ; tel est mon sujet, comment vais-je m'y prendre ?
Je suis bien armé heureusement, même si la mienne n'a pas explosé.
Mais oui j'en ai eu une, de tortue, encore une raison de chérir ce frère des lettres ; Eric c'est quasi un chéri dans le désordre. Bon la mienne était grecque, on n'a pas tous les moyens de s'offrir la Floride.
Je suis bien armé disais-je, car si ma tortue n'a pas explosé, combien d'escargots, petits-gris pour la plupart, ont craqué sous ma semelle tandis que d'un pas lourd et négligent je regagnais mon domicile à la tombée de la nuit dans mes bras. Crac. Chevillard le dit lui-même et, je dois le reconnaître, mieux que moi :
Crac.
Écrit-il. C'est que la carapace de la tortue de Floride est plus épaisse que la coquille de l'escargot, fût-il de Bourgogne. C'est à la force du crac qu'on reconnaît celle de la mauvaise conscience. Car l'explosion de la tortue, après ces bluettes sur la vie et la mort que sont en comparaison les récents Ronce-Rose et Juste Ciel, mises en bouche délicieuses et parfaites pour découvrir notre auteur, est une épouvantable descente dans les bas-fonds de la mauvaise conscience. J'ose à peine vous en recommander la lecture. Vous ne vous en remettrez pas.
Quand je repense à tous ces gastéropodes trépassant sous mes pas. Ils traçaient de leur salive une œuvre sibylline, et moi, sans y penser, j'y marquais le point final. Crac. Le résultat m’écœurait plus encore qu'une fiente d'oiseau, laquelle est souvent moins verdâtre. De cette merveille spiralée il ne restait qu'un glaire. A chaque fois la dépression me guettait. Alors dans l'explosion de la tortue, pensez donc. D'autant plus que ce n'est pas sous les pas du narrateur, que la tortue craque.
Crac.
Une tortue de Floride, qui plus est. Ce n'est plus la banale dépression, c'est la mélancolie psychiatrique, moins stuporeuse qu'anxieuse et délirante, qui nous guette, à la lecture de ce nouvel opus. Dei ? c'est quasi. La maladie merveilleuse s'étend : plus de deux cent cinquante pages pour mieux dire « crac ». Sinistre est le bruit de la fracture quand c'est la conscience qui se brise. Mais à la mauvaise conscience répond la mauvaise foi ; notre narrateur s'y délecte, on lui pardonne, c'est la condition de sa survie. La mythomanie délicieusement le sauve. Je ne peux préciser davantage : cet article est une critique littéraire, mais si, et l'on ne doit pas y dévoiler les ressorts de l'intrigue. Fermez-moi la bouche où je vous révèle que l'écriture joue, comme dans d'autres livres de notre auteur, un rôle essentiel.
Brisons là. Avec un accent grave, pour Phoebe la tortue c'est déjà fait. On aura compris que parmi les Chevillard, celui-ci est l'un des plus terriblement jubilatoires. Encore un addendum, à destination et pour l'édification de notre auteur au cas où il passerait par ici, car l'hypothèse lexico-zoologique soulevée à la page 211 mérite un écho : la « grenouille ailée » pour ainsi dire existe vraiment, même si on l'appelle plutôt « grenouille volante », ainsi que, modèle inavoué de Phoebe qui dans sa fourberie a omis d'en informer son propriétaire, la « tortue molle » ; je me renseigne incessamment sur le « papillon fouisseur » et ne désespère pas d'incarner une fois pour toutes « l'homme naturellement bon ».
PS : Les Parisiens auront samedi prochain à 20h la chance d'écouter Christophe Brault lire l'Explosion de la tortue à la Maison de la Poésie de Paris.

vendredi 25 janvier 2019

Mon jeune grand-père à Saint-Mandé


Demain samedi 26 janvier, Mon jeune grand-père et moi serons avec les éditions Lunatique au Salon du Livre à Part de Saint-Mandé, à la salle des fêtes de l'hôtel de ville de Saint-Mandé, 10 place Charles Digeon, Métro Saint-Mandé (sur la ligne 1).



mardi 22 janvier 2019

dimanche 20 janvier 2019

Hors sol, le roman arrêté de Pierre Alferi


Je viens seulement de terminer la lecture de Hors sol, le roman de Pierre Alferi. C'est un roman arrêté. Comment vous dire. C'est un roman arrêté parce qu'il aurait aussi bien pu être plus long, ou plus court, mais qu'à un moment il faut bien s'arrêter – ce qui ne signifie pas du tout qu'il n'y a pas de fin, oh non pas du tout – d'ailleurs le roman entier est une fin. C'est un roman arrêté comme les personnages qui y sont arrêtés car le Navire Amiral qui emmenait prétendument sur Mars ces gagnants du grand concours qui permettait de ne pas cuire irrémédiablement sur la Terre trop réchauffée en 2063 (année du grand Ravissement – entendez l'envol desdits lauréats vers des cieux plus cléments), le Navire Amiral disais-je s'est arrêté lui-aussi, en panne à quelques encablures seulement de la Terre, depuis une quarantaine d'années, tandis que ses habitants ont été répartis dans le Calice, une couronne de 130 satellites tournant à 30000 km d'altitude et surtout dans la Corolle, une autre couronne de 360 vaisseaux de sauvetage suspendus à 13 km seulement de la surface (la température y est agréable même si la promenade sur la coursive rend nécessaire le port du masque à oxygène) et plus gracieusement rebaptisés « nacelles » – car tout est euphémisme encore dans cet avenir proche –, ce qui vaut à leurs occupants, répartis en petits groupes d'une dizaine de personnes en fonction de leurs hobbys, le délicieux nom de « Corollaires ». Et surtout c'est un roman arrêté car le temps n'y avance pas ; si jamais un spécialiste de narratologie passe par ici, qu'il s'arrête lui aussi sur cette curiosité : oui, voici un roman, indiscutablement romanesque et même assez traditionnellement plutôt épistolaire, où paradoxalement le temps ne passe pas. En effet, à l'occasion d'un bug, c'est tout un état des publications à une même date précise sur la MER (Mise En Relation électronique, rejeton céleste de notre Internet) qui nous est donné à lire. Je ne vais pas en dire beaucoup plus car il me faudrait développer et le développement n'est pas mon fort, ni mon goût, et il n'est pas tellement de mise d'occuper trop d'espace à soi seul dans une nacelle de quelques mètres de long. Je m'arrêterai juste après avoir précisé ceci : que cette narration arrêtée est à l'image d'un monde, un mini-monde plutôt, qui ne doit sa survie, ici décrite, qu'à son propre arrêt, à tourner autour d'une planète morte (pour l'homme, nul doute que certains invertébrés continueront à y prospérer), une survie qui vous l'aurez compris ne fait pas vraiment envie, sauf à lire.


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dimanche 13 janvier 2019

Une crise de la représentation


En tant que Français, je ne me sens pas bien représenté par le Président Macron. Il faut dire aussi que c'est une personne. En tant que gauchiste, je ne me sens pas bien représenté par Jean-Luc Mélenchon. Il faut préciser que lui aussi, c'est une personne. En tant que pas content, je ne me sens pas forcément bien représenté par d'autres gens pas contents. Il ne faut pas oublier que ces gens pas contents sont aussi des personnes. En tant qu'écrivain, je ne me sens pas bien représenté par Michel Houellebecq, qui représente pourtant la littérature française contemporaine, même si je n'ai pas bien compris pourquoi. N'oublions pas qu'il est, lui aussi, une personne. En tant que professeur de français, il n'y aura personne pour me représenter à la réunion de parents de jeudi soir prochain, aussi me représenterai-je moi-même, même si j'avoue que j'aurais préféré représenter le lecteur de Chevillard que je suis aussi, à la librairie le Monte-en-l'air, à Ménilmontant, où lui-même représentera en personne l'auteur de l'Explosion de la tortue, puisque après tout c'est lui qui l'a écrit. La représentation, ça ne va pas de soi. La personne non plus. On devrait y réfléchir sérieusement, pas comme moi.


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lundi 7 janvier 2019

Derrière le cirque d'hiver


Ça commence comme une série de portraits, apparemment indépendants les uns des autres, mais de personnes réelles, connues de l'auteur ou juste de vue, ou même seulement croisées, ça laisse les choses se dire d'elle-même car on ne sait pas encore vers où ça va ; le livre qu'on est en train de lire s'écrit en même temps sous les yeux ; il laisse venir ce dont il est vraiment question, mais doucement, tout doucement, car on est jamais sûr de savoir de quoi parle vraiment ce livre qu'on est en train d'écrire, jusqu'à ce que peu à peu, il finisse par le dire, en parlant de cet homme rencogné dans un coin de mur, de cet autre qui a vécu autrefois dans l'appartement où l'on habite, de ce même pas vraiment aïeul connu pour de mauvaises raisons, de cette maison de retraite, de ce mutisme de l'enfance. Ça finit par le dire sans le dire et ça s'appelle Derrière le cirque d'hiver. L'auteur, c'est Xavier Person, l'éditeur Verticales et vraiment c'est très beau.



« Il va pour s'avancer et quelque chose le retient. Sur le quai du métro République, il voudrait progresser mais une force trop grande l'en empêche. Tout ce à quoi il parvient est de rester debout. Il se concentre pour ne pas tomber, son avancée se réduit à son immobilité si fragile et menacée. Ce qu'il désire peut-être, on peut l'imaginer, ce à quoi il aspire serait de se laisser tomber à même le sol, au milieu de la foule : quoi qu'il puisse arriver, s'allonger et dormir, céder au trop grand remuement qui telle une tempête invisible l'assaille. Je le vois si démuni face à cette rafale, il vacille dans son ivresse et que faire sinon chercher à ne pas le perdre de vue quand déjà mon métro s'éloigne ? »

dimanche 6 janvier 2019

Noirs cafés 6


Et avec cette surpopulation galopante il devient immoral de faire plus d'enfants qu'on est soi-même. Deux c'est même déjà trop : ça maintient le nombre, puisqu'on s'y met à deux pour les faire. A la naissance d'un troisième enfant, pour équilibrer, on devrait exécuter l'un des parents. A la naissance d'un quatrième, on devrait exécuter les deux.
Ah non, il y a un truc qui cloche, mathématiquement parlant.