jeudi 13 août 2015

nul et non avenu



Le poète avait été, pendant la nuit écoulée, témoin auditif de son propre éloge funèbre à la radio, en rêve : « C’est une femme qui en donna lecture, une speakerine très appréciée à cause de sa voix, d’habitude toute de cordialité à chaque occasion. Dans mon cas sa voix prit un son non seulement différent, mais satisfait de ce qui m’arrivait, et vengeur même. C’était comme si ma disparition était celle d’un malfaiteur, comme si on avait réglé son compte à un ennemi du genre humain. Ce que j’avais écrit ma vie durant, elle le déclara nul et non avenu, et au nom de tout le monde. Nul et non venu ! – Or ce fut ce mot-là qui remit pour moi les choses à leur place. Oublié à bon droit ! dit-elle, et, tout à coup, je ne me vis plus du tout seul, ou en tout cas nettement moins que pendant les rêves et les jours précédents. […] »

Peter Handke, Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille.


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