vendredi 14 août 2015

Mon jeune grand-père (92)



Cette carte-ci n’est pas du même modèle : le format est le même mais le carton beaucoup plus fin, c’est plutôt un épais papier.
Le 1er Février 1918 – Mes bien chers Parents,
J’ai été bien content d’apprendre que vous avez reçu une carte de moi ; j’espère que les autres auront suivi de près, et que vous recevrez dorénavant mon courrier régulièrement. Edmond avait-il lieu de penser que la précédente carte n’arriverait pas ? L’écart aussi, du 28 janvier au 1er février est inhabituellement court ; les prisonniers ont pu recevoir une autorisation exceptionnelle pour un courrier supplémentaire. J’ai reçu depuis Lundi la lettre de Maman du 13 et les cartes de Papa des 14-15-16. Je ne vous écris qu’une carte aujourd’hui, car je dispose de l’autre pour Tante Maria, à qui je n’ai pas écrit depuis quelque temps. Il y a aussi un moment que je n’ai rien reçu d’elle (depuis la carte du 29 octobre). Voilà l’explication. Il y a une autre correspondance, dans laquelle je ne me suis pas encore plongé : les lettres. Le changement de format à brûle-pourpoint probablement me rebute. Le petit-fils aussi a ses manies. J’ai reçu trois gros colis, n°s 17-20 et 22. Les pommes de terre malgré le bon emballage étaient pourries ainsi que les carottes. Je n’ai pu sauver que les oignons. Le cuir est bien arrivé, je vais pouvoir faire raccommoder mes brodequins. Les œufs étaient bon état ; ceux pondus à la maison étaient très bons. C’est une très bonne idée de reprendre l’envoi des farines de légumes. Surtout ne m’envoyez pas de ces boîtes de viande du commerce, ça coûte cher et ce n’est pas profitable. Je suis du reste habitué à en manger très peu. Envoyez seulement du lard c’est très pratique, on en met dans les haricots ou légumes secs, dans la choucroute que nous touchons ici. La suite est écrite d’un trait plus épais, plus baveux, comme si le papier avait été humide au moment de l’écriture. Merci aussi pour les pruneaux, c’est une bonne idée. Ma santé continue à être toujours très bonne : je ne sens plus jamais mon estomac. Ma fluxion est passée ; après une interruption d’un mois, la dentiste a repris ses visites, et elle va bientôt me plomber une dent. Au moment de finir ma carte je reçois une carte de ma Tante Maria du 19 Janvier. Elle n’a pas eu de chance, passer ainsi l’hiver avec une entorse, par les froids qu’il a fait, ce ne devait pas être gai. Enfin heureusement qu’elle est complètement remise maintenant. La suite est à nouveau d’un trait plus fin, il n’y a plus de traces d’humidité. Envoyez-moi un passe-poil et une paire d’écussons pour mettre à mon complet de toile ; je n’en avais pas mis l’année dernière. Je suis obligé de chercher ce qu’est un passe-poil, et ne vois pas bien à quoi correspond la paire d’écussons – sinon à un souci d’élégance du prisonnier. Je vous quitte, mes chers parents, en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève, Louis, Ma Tante et toute la famille.
Votre fils qui vous aime de tout son cœur. EAnnocque Pour une fois « Annocque » est très lisible.


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