Le 25 février 1918. Mes bien
chers parents. Deux semaines après
la précédente carte, c’est bizarre. Il a dû s’en égarer une ou deux. Cette
carte-ci est d’ailleurs d’un autre modèle encore : tout un côté est
dentelé. Le côté gauche quand on tient la carte horizontalement, à côté de la
mention de l’expéditeur, de la main d’Edmond : Absender : S-Lieutenant
Annocque Baraque 9 - Offiziergefangenenlager Bütow in Pommern, au-dessus du tampon du camp qui vaut pour
affranchissement. Absender, c’est expéditeur en allemand. L’expéditeur est
l’absent.
Je
retourne la carte. Maintenant les dents sont en bas.
Voilà trois jours que je n’ai pas reçu de courrier, et je commence à
m’ennuyer. J’espère que cela ne va pas durer trop longtemps. Je n’ai reçu cette
semaine que les cartes de papa des 6 et 7 févriers c’est peu ! (comme l’indique sans doute ce désir de
pluriel) J’ai été plus heureux pour les colis. J’en ai reçu quelques
uns et j’en ai encore trois gros et trois petits d’annoncés pour la semaine
prochaine. Les colis gare reçus sont les suivants : n°s 14-18 (rajouté avec une flèche)-21-24-27-29-2
et 3. Tout n’était malheureusement pas en bon état. Le colis 21 était
complètement pourri, le n°24 presque, quelques patates ont cependant pu être
sauvées. Le reste était en bon état et les réserves commencent à augmenter de
nouveau. Merci pour le beurre ! Il nous a semblé bien bon depuis le
temps ! Le n°14 m’a étonné, car je n’en avais pas reçu avis, et bien qu’en
retard, les œufs étaient encore bons. Quand j’ai porté à ressemeler mes gros
brodequins, le cordonnier a trouvé qu’elles valaient à peine le ressemelage.
J’ai quand même fait faire le travail, espérant qu’elles tiendraient encore
quelque temps. Les correspondances étant si longues et les vols de chaussures
si fréquents, vous pourrez d’ici quelque temps penser à m’en envoyer une paire.
Je vous quitte mes bien chers Parents vous embrassant bien fort. Votre fils qui
vous aime de tout son cœur. EAnnocque
Le temps passe si lentement qu'on a l'impression que les cartes sont toujours la même carte.... Même si cette fois, le "vol de chaussures" est une péripétie qui m'étonne, je n'y avais jamais pensé. Rien d'étonnant pourtant ("À la guerre comme à la guerre").
RépondreSupprimerC'était sans doute monnaie courante, il y a d'ailleurs un passage assez terrible au sujet des bottes d'un jeune camarade du narrateur mortellement blessé au début d'A l'ouest rien de nouveau, de Remarque.
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