Ce n’est pas facile d’honorer en même temps deux invitations différentes : comment ai-je pu me mettre dans une
telle situation ? Je n’en ai aucune idée, je ne parviens pas à m’en souvenir, je ne saurais dire laquelle fut la première.
Maintenant me voici bien obligé de ne décevoir personne. On compte sur moi des deux côtés : il y a en effet bien
longtemps que je ne les ai vues, toutes ces personnes.
J’ai
encore de la chance, dans mon malheur ; je dois bien le reconnaître :
par un heureux hasard, les deux
réceptions ont lieu non loin l’une de l’autre, de chaque côté du
pont, en contrebas, en plein air, juste au bord du fleuve. Je suis
encore sur le pont, sur le point d’arriver. Il suffit que je
tourne à droite pour me retrouver dans la famille de ma mère. Si je
tourne à gauche, je serai l’hôte tant attendu de mon vieil ami
d’enfance, mon vieil homonyme, qui a tellement
insisté.
Il ne peut pas être question pour moi de choisir : je
dois me résigner à faire la navette entre les deux, à courir de
l’une à l’autre, malgré les voitures, sans vraiment pouvoir parler à
personne, sans donner d’explications. Tous ces gens,
dites-vous, seront un peu désappointés par mon comportement étrange,
par mon singulier manque de disponibilité. C’est mieux cependant que de
leur faire entièrement défaut.
Me voici donc contraint de réduire ma condition à ces
incessants allers-retours, qui semblent-ils débordent parfois un peu jusque de l’autre côté du pont, de l’autre côté du fleuve, dans la ville où j’ai grandi et que toujours je ne reconnais plus, malgré mes multiples traversées à pieds, à bicyclette, en car, toutes ces
traversées certes un peu pénibles mais que j’accomplis malgré tout, avec même peut-être un soupçon de complaisance.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire