« Est-ce
bien moi qui ai fait ce que j’ai fait ? Peut-être s’achève ici la
vie d’un autre. Un autre sans chair, un autre aveugle et glacé, paquet
de connexions calculateurs, petit amas d’humeur
chagrine acharné à être. »
Pierre Jourde, Dans mon chien, PARC édition,
2002.
J’ai fini Dans mon chien.
« Dans
mon chien », c’est là (ou plutôt c’est de là, depuis là)
que se passe ce récit évidemment peu
banal que je ne raconterai pas, n’expliquerai pas ; puisque au fond
(d’) ici je ne parle que de moi. Moi on ne sait jamais bien ce que
c’est, dans mon chien non plus on ne le sait pas,
forcément, on le sait encore moins ; dès lors qu’il nous dévore.
Avant de lire Dans mon chien
j’avais (j’ai toujours) dans mon dos deux dos jumeaux que
je sentais un peu ironiques (dans mon dos sont les rayons de la
bibliothèque). Ironie de la gémellité car rares sont les livres d’un
même auteur, publiés par le même éditeur, qui au moins en
surface se ressemblent aussi peu que L’heure et l’ombre (L’Esprit des Péninsules 2006) et La Cantatrice avariée
(paru en 2008 chez le même éditeur). Quant à Pays perdu, lu encore avant, c’est encore vraiment autre
chose. Bien sûr on peut dire que ce sont des genres, ou des
sujets différents. On n’aura pas dit grand-chose (qu’on ne compte pas
non plus sur moi pour dire grand-chose).
Il y a, peut-être, des auteurs qui ne changent que quelques mots par livre – et ces variations sont très belles. Il y en a aussi
peut-être qui, jamais, ne sont le même.
Dans mon chien, tout de même, me renvoie à la Cantatrice avariée.
Même si ce roman, dernier en date, assume a priori davantage le
genre en (se) jouant (de) l’intrigue ; les affinités sont manifestes. Il
y a là quelque chose, sans doute, quelque chose de
défait, d’épars
qui tient à cœur à l’auteur, j’imagine. Un flottement des contours. Un
sentiment aigu
du disparate. D’où, peut-être, ce désir d’apparente disparité dans
l’œuvre entière. Je dis peut-être des bêtises : je me contente
d’imaginer ; je n’ai pas lu tout Pierre Jourde. Et
d’ailleurs, même si j’avais « tout » lu, je n’aurais pas tout lu. Et
qui plus est : il n’a pas tout écrit. Et il ne proposera à la lecture
que ce qu’il jugera possible. Mais il est
peut-être moins « tout » qu’un autre.
Des strates, des veines, la plupart du temps invisibles parcourent le sol du domaine. Belle promenade sur les
affleurements.
Pierre Jourde