J’oublie
son nom, et son prénom plus encore. Parfois il me faut plusieurs
minutes pour les retrouver. Ils ne cadrent plus avec ce que
je dis de lui. Sa figure se dessine. Délivrée des nom et prénom, sa
figure se dessine. Je le peins en nomade, émergeant péniblement du
brouillard, clopin-clopant, dans des frusques aux couleurs
sourdes, bleu mauve, brun presque noir, rouge étouffé, couleurs de
ses Palissade qui ont
l’air amples et somptueuses quand elles ne sont que des
collages, recoller les morceaux afin qu’on se fasse prendre, qu’on
n’y voie que du feu, qu’on ne sache plus l’éparpillement dont elles
procèdent. Je le peins en nomade. Pour ne pas quitter ses
brumes, il s’est fait nomade, il a accompli le minuscule voyage qui
tient dans un département ou presque, l’immense voyage, le seul qui
vaille : soulever l’ailleurs alors qu’on est
dedans.
Maryline Desbiolles, les draps du peintre, p. 95
Editions du Seuil, Fiction & Cie, 2008.
Comment en effet évoquer quelqu’un par son nom ?
comment se résoudre à une
telle réduction de la personne ? (Surtout, bien sûr, quand le nom
est si évocateur – mais même.) L’amour, notamment, sait bien cela.
A propos de cette belle peinture de peintre, un article sur Sitaudis, une interview dans le Matricule, une
autre dans le Magazine des Livres…
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