C’est quand même de ne pas avoir
lancé un projet de réforme du scrutin des présidentielles quand il était au
pouvoir. Franchement, c’était plus important que le passage au quinquennat.
L’homme a la mémoire courte quand
il a échappé au pire, il est bon parfois de la lui rafraîchir. Rappelez-vous.
En 2002, au premier tour, c’est de quelques milliers de voix seulement que
Lionel Jospin précède Jean-Marie Le Pen. Sueur froide. On n’y croyait pas. Et
puis l’émoi du moment a vite passé, avec la victoire de Jospin sur Chirac on a
un peu oublié l’affaire. Mais tout de même, un tel scénario – osons carrément
proférer la chose : Le Pen au second tour des présidentielles, avec pour
beaucoup d’électeurs de gauche le sentiment de devoir voter Chirac pour faire
front –, un tel scénario n’avait rien d’invraisemblable. Il aurait suffi par
exemple que Charles Pasqua ne soit pas parvenu à réunir ses cinq cents
signatures et se soit retrouvé dans l’impossibilité de se présenter. On peut
très bien imaginer qu’une partie de ses voix se soit reportée sur le leader du
Front National. La chose est tout à fait possible. Evidemment on dira que je
vois les choses en noir, ou que mon imagination galope. Sans doute. Mais enfin,
faisons comme si la chose avait pu avoir lieu. Que se serait-il passé si on s’était
retrouvé avec un second tour Chirac / Le Pen ? L’extrême droite a beau
être bien implantée dans notre pays depuis toujours, j’ai du mal à imaginer que
Le Pen ait obtenu plus de 20% des voix. Allez, soyons larges, 25%. (Oui, sa
fille, aujourd’hui, avec son FN new look et la crise que nous traversons
pourrait peut-être faire un peu plus, c’est possible. Mais restons en 2002.)
Indépendamment de ce qu’on pense des idées défendues par le Front National, n’y
a-t-il pas quelque chose de scandaleusement illogique, comme dirait Spok, à ce
que le candidat choisi pour affronter Chirac au second tour soit l’un de ceux
qui ait le moins de chances de l’emporter ? Car même à 25 % (et entre nous
je ne pense pas que Le Pen aurait atteint simplement les 20 %), son score
aurait été ridicule. Jospin a fait 51. Bayrou aussi aurait sans doute eu des
chances de battre Chirac. Et Chevènement. Mais même parmi les
« petits » candidats, j’aurais été bien curieux de voir par exemple
combien aurait fait Christiane Taubira, dont on n’entend plus tellement parler.
Face à Chirac, elle aurait peut-être bien fait le double de Le Pen, qui sait.
Quel sens aurait eu une telle élection, sinon la faillite de la Ve
République ?
Non, la grande faute du Président
Jospin, ça a été de pas tenter la grande réforme attendue des Français :
qu’on tienne compte en premier lieu de ce dont ils ne veulent surtout pas.
Ce n’est pas au second tour des élections qu’il faut voter contre, comme on
aurait été amenés à le faire en 2002 dans mon scénario catastrophe, c’est au
premier tour qu’il faudrait pouvoir le faire. Au premier tour, on devrait avoir
la possibilité de voter contre le programme qui nous fait le plus horreur et
d’éliminer le candidat qui le représente, afin de pouvoir procéder à un vrai
choix aux deux tours suivants. Comme en démocratie, quoi.
Comment ? Ça fait trois
tours ? Et alors ?
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