mardi 19 janvier 2016

« Michel Tournier », les librairies et moi



Cinquième album, seizième pellicule : librairie, agenda aux lettres d’or



Nous qui ne sommes qu’un tout petit employé de librairie, figurez-vous ! Figurez-vous ce qui nous arrive à l’instant !

En effet – on a appris à ne plus s’étonner de ces changements d’état radicaux mais éphémères  –, on n’est guère plus qu’un tout petit, un tout jeune employé de librairie, sans doute intérimaire, une quantité négligeable dans l’immensité de cette institution vénérable (une dame nous dit quoi faire, nous donne des ordres et très clairement on n’est personne pour elle, la responsable, rapide et efficace qui nous dit : vous mettrez ça ici, ensuite vous rangerez ceci, vous…), et voici que nous tombe dans les mains une sorte de cahier, une sorte d’agenda plutôt, qui selon toute vraisemblance a été égaré, a été oublié par un client récent, qui se trouve n’être nul autre qu’un auteur prestigieux, depuis de longues années déjà, et que malgré une légère incertitude de notre part on a bien envie d’appeler « Michel Tournier ». Evidemment on l’ouvre, ce n’est même pas de la curiosité, il fallait bien que l’on mette un nom sur l’objet, et voici qu’à la page d’aujourd’hui on lit « Chroniques imaginaires de la mort vive, de Philippe Annocque. » Si l’on comprend bien, Michel Tournier, si c’est bien lui (mais si ce n’est pas lui c’en est un autre, non moins fameux), est à la recherche de ce livre. On en est tout ébaubi. On en est tout attendri dans son cœur de midinette.

Ce qui nous chiffonne un peu (mais à peine), c’est que ce n’est pas pour lui, qu’il cherche ce livre, si l’on comprend bien, c’est pour quelqu’un d’autre, quelqu’un que l’on ne connaît pas, dont le nom figure à côté du titre.

Ce qui plus durablement étonne, ce sont les caractères dans lesquels tout cela est écrit. On est bien pourtant à l’intérieur d’un agenda personnel ; et tout cela, de la main même de son propriétaire, apparaît en grosses lettres d’or, en caractères d’imprimerie richement imprimés. Cela semble bien solennel. Cela semble trop beau pour être vrai.



Mémoires des failles, éditions de l’Attente, mai 2015, p. 224-225.



Vrai différemment, autrement dit dans la vie qu’on dit réelle, figurez-vous qu’une fois, il y a quelques années (mais l’extrait ci-dessus était déjà écrit), je m’en vais découvrir l’une des rares librairies de ma région, dont on m’avait avec justesse fait l’éloge. Je flâne dans les rayons, on y a fait de beaux choix, en attendant aussi, soyons honnête, de jouer un peu le VRP de moi-même, puisqu’il me faut bien admettre que je suis quelqu’un qui a quelque chose à vendre ; et au moment précis où je m’apprête à aborder la libraire, voici qu’un client ouvre la porte à qui bien sûr je laisse la place, d’autant plus que c’est un vieux monsieur qui vient chercher sa commande, et c’est pour Monsieur Tournier, mais oui mais oui, je ne l’avais pas reconnu sous son bonnet, trop tard il est déjà sorti, qui vient en toute innocence me voler la vedette, mince alors, et que je salue aujourd’hui avec un peu de retard, ainsi que Lydia, qui tient la jolie libraire Les Racines du Vent, à Chevreuse.
 

4 commentaires:

  1. Très jolie cette "brève rencontre" à la librairie Les Racines du Vent; le nom de cette librairie laisse à penser qu'on doit y faire de belles découvertes.

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    1. Une vraie libraire qui fait ses propres choix. C'est un endroit très agréable en effet, on y vient vraiment pour le plaisir.

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