Cinquième album,
seizième pellicule : librairie, agenda aux lettres d’or
Nous qui ne sommes qu’un tout
petit employé de librairie, figurez-vous ! Figurez-vous ce qui nous arrive
à l’instant !
En effet – on a appris à ne
plus s’étonner de ces changements d’état radicaux mais éphémères –, on n’est guère plus qu’un tout petit, un
tout jeune employé de librairie, sans doute intérimaire, une quantité
négligeable dans l’immensité de cette institution vénérable (une dame nous dit
quoi faire, nous donne des ordres et très clairement on n’est personne pour
elle, la responsable, rapide et efficace qui nous dit : vous mettrez ça
ici, ensuite vous rangerez ceci, vous…), et voici que nous tombe dans les mains
une sorte de cahier, une sorte d’agenda plutôt, qui selon toute vraisemblance a
été égaré, a été oublié par un client récent, qui se trouve n’être nul autre
qu’un auteur prestigieux, depuis de longues années déjà, et que malgré une
légère incertitude de notre part on a bien envie d’appeler « Michel
Tournier ». Evidemment on l’ouvre, ce n’est même pas de la curiosité, il
fallait bien que l’on mette un nom sur l’objet, et voici qu’à la page
d’aujourd’hui on lit « Chroniques imaginaires de la mort vive, de
Philippe Annocque. » Si l’on comprend bien, Michel Tournier, si c’est bien
lui (mais si ce n’est pas lui c’en est un autre, non moins fameux), est à la
recherche de ce livre. On en est tout ébaubi. On en est tout attendri dans son
cœur de midinette.
Ce qui nous chiffonne un peu
(mais à peine), c’est que ce n’est pas pour lui, qu’il cherche ce livre, si
l’on comprend bien, c’est pour quelqu’un d’autre, quelqu’un que l’on ne connaît
pas, dont le nom figure à côté du titre.
Ce qui plus durablement étonne,
ce sont les caractères dans lesquels tout cela est écrit. On est bien pourtant
à l’intérieur d’un agenda personnel ; et tout cela, de la main même de son
propriétaire, apparaît en grosses lettres d’or, en caractères d’imprimerie
richement imprimés. Cela semble bien solennel. Cela semble trop beau pour
être vrai.
Mémoires des
failles, éditions de l’Attente, mai 2015, p. 224-225.
Vrai différemment, autrement dit
dans la vie qu’on dit réelle, figurez-vous qu’une fois, il y a quelques années
(mais l’extrait ci-dessus était déjà écrit), je m’en vais découvrir l’une des rares
librairies de ma région, dont on m’avait avec justesse fait l’éloge. Je flâne
dans les rayons, on y a fait de beaux choix, en attendant aussi, soyons honnête,
de jouer un peu le VRP de moi-même, puisqu’il me faut bien admettre que je suis
quelqu’un qui a quelque chose à vendre ; et au moment précis où je m’apprête
à aborder la libraire, voici qu’un client ouvre la porte à qui bien sûr je
laisse la place, d’autant plus que c’est un vieux monsieur qui vient chercher
sa commande, et c’est pour Monsieur Tournier, mais oui mais oui, je ne l’avais
pas reconnu sous son bonnet, trop tard il est déjà sorti, qui vient en toute
innocence me voler la vedette, mince alors, et que je salue aujourd’hui avec un
peu de retard, ainsi que Lydia, qui tient la jolie libraire Les Racines du
Vent, à Chevreuse.
Très jolie cette "brève rencontre" à la librairie Les Racines du Vent; le nom de cette librairie laisse à penser qu'on doit y faire de belles découvertes.
RépondreSupprimerUne vraie libraire qui fait ses propres choix. C'est un endroit très agréable en effet, on y vient vraiment pour le plaisir.
SupprimerC'était un vendredi ?
RépondreSupprimerA vérifier mais il y a de fortes chances en effet.
Supprimer