Bütow, le 25 octobre 1918. Mes bien chers Parents. Plus d’un mois après la précédente. Ça devrait être la
dernière, en toute logique temporelle. Je sais qu’il y a des lettres, mais je
me suis fixé sur les cartes.
J’ai reçu depuis lundi la lettre de
Maman du 29 septembre. Et les cartes de Papa des 27 et 30. Un point c’est tout.
Comme courrier, cela peut aller, mais le plus embêtant ce sont les colis qui
n’arrivent pas. Ce qui me laisse quelqu’espoir c’est que la chose est générale.
Il en arrive presque tous les jours, mais en très petite quantité. Heureusement
que nous avons des réserves et que nous pouvons attendre. Nous pouvons
attendre. Je vous expédie
cette carte à Amiens La précédente en effet était encore adressée à
Forges-les-Eaux., et j’espère
qu’elle vous y trouvera complètement installés. Surtout ne vous fatiguez pas
trop et que Papa soigne bien son estomac. L’estomac de mon arrière-grand-père survivra
à celui de son fils. Mais pas plus d’un an. Je suis content de savoir que les réparations ont été faites rapidement et
surtout que le ravitaillement soit bien organisé. Je comprends votre joie de
pouvoir rentrer chez vous, car la vie à Forges ne devait pas être bien
agréable. Je voudrais bien être quelques semaines plus vieux, pour savoir où se
trouve Ma Tante Maria et comment elle a passé les mauvais moments. Ici rien de
nouveau En allemand, « rien de nouveau » se dit « nichts Neues ».
En 1918, il n’y a nichts Neues, à l’est comme à l’ouest, on enregistre les événements avec joie et on
a de plus en plus espoir de voir finir notre exil. Le temps n’est pas trop
mauvais ces jours-ci car on ne va pas s’attarder sur l’espoir si souvent
déçu. Si cela continue nous
aurons une belle arrière-saison. Je vous quitte mes bien chers Parents en vous embrassant bien, bien fort tous les
deux ainsi que Geneviève Louis et tte la famille Votre fils qui vs aime de tt
son cœur. La place manque pour la signature.
On dirait que la censure se relâche : "on enregistre les événements avec joie", on a "l'espoir de voir finir notre exil". Des informations mauvaises pour l'Allemagne doivent filtrer. Cela en dépit du "nichts Neues" (que j'aurais écrit avec un "n" minuscule, neues, mais le titre du roman fait référence). Plus que deux semaines à tenir.....
RépondreSupprimerC'est vrai, je me suis aussi fait la réflexion (et j'ai eu la même hésitation sur "neues").
SupprimerC'est-à-dire qu'au fond, ce n'est pas "nichts neues" mais "etwas neues"....
RépondreSupprimer