Bütow, le 8 juillet 1918. Mes
bien chers Parents Plus d’un mois
d’écart. Il en manque.
après être resté encore quelques
jours sans nouvelles, j’ai reçu jeudi tout le courrier en retard, c’est-à-dire
les cartes de Papa des 6-7-8-10-11-12 et la lettre de Maman du 9. il y avait en
outre une carte de Papa du 4 mai, arrivée en retard parce qu’elle ne portait
pas le lieu de destination. Bizarre
omission, il écrivait presque tous les jours à son fils. Je suis
bien content de savoir que vous êtes en bonne santé et que vous êtes assez bien
installés. J’ai oublié de regarder
l’adresse au dos. C’est toujours Madame Annocque à Forges-les-Eaux, mais
« 51 rue des Eaux Minérales ». Le réflexe Google Map m’informe que
cette adresse est introuvable à Forges-les-Eaux. Alors je cherche « Rue des
Eaux Minérales » sur Google, c’est bien que je pensais ; la rue a
changé de nom, elle s’appelle maintenant « Avenue des Sources ». Elle
s’était déjà appelée « Rue des Fontaines ». Le 51 est facile à trouver,
mais la numérotation a pu changer. Quoi qu’il en soit, les maisons accolées les
unes aux autres sont quasi identiques, et existaient très probablement au début
du siècle dernier. Et ce n’est pas juste mon arrière-grand-mère, c’est toute la
famille, ou au moins les deux parents, qui sont logés là, qui sont allés
« prendre les eaux ». C’est sûrement comme ça qu’on dira.
J’ai reçu ce matin trois colis, les n°s 28, 1 et 2. J’ai renoncé à comprendre le système de numérotation Peut-être
s’agit-il juste des dates d’envoi. Dans le 28 il y avait encore
quelques œufs cassés, mais le 1 était en bon état. Merci pour le beurre et la
farine ; D. fera un petit gâteau pour le 14 Juil. Le savon dentifrice est
arrivé à point. La boîte de Je
n’arrive pas à lire, ça commence par co et ça se termine par se ; je le
note, comme ça j’aurai peut-être une illumination en me relisant.
n’avait pas coulé. Dites à ma Tante que je la remercie bien pour ce qu’elle a
donné pour moi, elle est bien gentille et je lui en suis très reconnaissant. Le
Ct. W est un brave et aussi un veinard, il a eu raison d’essayer car mieux,
pour un soldat, mieux vaut la mort que la captivité. Nous n’aurons pas l’occasion d’en discuter. La
maladie espagnole, comme on l’appelle a fait son apparition dans le camp. Ce
n’est pas grave, un ou deux jours de fièvre et c’est fini. Bon nombre de
camarades l’ont déjà attrapée ; mais j’espère bien passer au travers
quoique ça n’ait pas beaucoup d’importance. Si
Edmond pouvait deviner l’ampleur et les effets de cette épidémie, il se
garderait bien de l’évoquer dans sa carte, et surtout de terminer là-dessus. A
moins que ces phrases ne soient qu’une réponse rassurante à une question
inquiète. Je vous quitte, mes bien chers Parents, en vous embrassant
bien fort tous les deux ainsi que Ma Tante Geneviève et Louis et toute la famille.
Votre fils qui vous aime de tout son cœur. EAnnocque
"pour un soldat, mieux vaut la mort que la captivité" : la famille a pu ressentir un choc en lisant cela. La phrase a-t-elle échappé au prisonnier de guerre? Il reste encore quatre bons mois....
RépondreSupprimerC'est terrible. La captivité lui pèse de plus en plus mais s'il laisse passer cette remarque, c'est aussi parce que c'est un jeune officier et fils d'officier ; l'honneur militaire fait partie de sa culture familiale.
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