vendredi 8 mai 2015

Thérèse Raquin en Livre de Poche : mauvaises notes



Quant aux « classiques », comme on appelle un peu vite ces livres dont le succès semble résister au temps, il n’y a plus guère que dans les classes qu’on les lit encore, à en croire les éditeurs – c’est ce que je me dis en sortant d’un Thérèse Raquin chez Le Livre de Poche, collection Les Classiques de Poche (c’est écrit dessus) ; édition que je ne conseillerai pas au lecteur qui, n’ayant pas encore lu Thérèse Raquin, serait tenté de l’y découvrir. Les notes y sont nombreuses, on vous y explique par exemple le sens d’« impudence » ou d’« implacable ». Bon. Mais faut-il vraiment que, sous prétexte que l’édition s’adresse à des élèves (ce qu’elle pouvait faire en l’annonçant plus clairement en couverture), faut-il absolument priver ces jeunes gens du plaisir de découvrir l’histoire par eux-mêmes ? Les deux événements majeurs du récit (disons : le dénouement de la première moitié et le dénouement final) sont carrément annoncés, sans la moindre précaution, dans les notes. Histoire de bien rappeler à nos jeunes lecteurs que s’ils lisent, c’est parce que l’école les y oblige ; pas du tout parce qu’ils pourraient trouver, pourquoi pas, du plaisir à cette lecture. Spoiler, comme on dit aujourd’hui. Gâcheur, en français, c’est parlant aussi. En revanche, alors que tout du long de Thérèse Raquin court la métaphore obsessionnelle de l’enterré vivant – c’est tout le drame de Thérèse –, même lorsque, concernant un autre personnage, on tombe sur cette phrase :
« Ses sensations ressemblaient à celles d’un homme tombé en léthargie qu’on enterrerait et qui, bâillonné par les liens de sa chair, entendrait sur sa tête le bruit sourd des pelletées de sable. »
jamais n’est fait le rapprochement avec la Mort d’Olivier Bécaille, cette nouvelle de Zola où l’enterré vivant n’est pas là simplement à titre métaphorique. Et pourtant, pour rester en pédagogie de la littérature, c’est une nouvelle très accessible au jeune élève qui serait curieux de prolonger sa découverte de Zola.


Allez, une petite image de Walking Dead en illustration parce que les amateurs de cette série savent particulièrement bien ce que Spoiler veut dire et que des morts qui marchent c’est un peu la même chose que des enterrés vivants, sauf que c’est exactement le contraire – quoi.

2 commentaires:

  1. Gâchage, sabotage, oui. Pour moi, ce fut trahison lorsque je dus apprendre par coeur, il y a longtemps, "Les Effarés", qui avaient non pas pas "leurs culs en rond" mais "leurs dos en rond"....

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    1. Ah, les éditions censurées... Il faudrait voir si ça existe encore, je ne jurerais pas du contraire.

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