Mikki et le village miniature
est un livre dont le titre annonce franco le sujet, il n’y a pas à
tortiller : ça parle de Mikki et du village miniature, et notamment de Mikki
et le village miniature, autrement dit des relations qu’il y a ou qu’il
n’y a pas entre Mikki et le village miniature.
La relation d’un titre au livre
qu’il désigne, c’est intéressant aussi. Certains font mine de s’ignorer, de se
tourner carrément le dos. A l’autre bout d’un entre-deux largement majoritaire,
d’autres titres surjouent avec leurs livres l’évidente complicité. Ici, par
exemple, c’est en effet l’histoire d’un type qui s’appelle Mikki et qui vient
d’hériter du pavillon de ses parents récemment disparus dans un accident de
téléférique dans la cave duquel (du pavillon, pas du téléférique) il découvre,
derrière une porte soigneusement verrouillée, un village miniature, dont les
habitants, on l’apprendra très vite, d’ailleurs c’est écrit en 4e de
couverture, sont vivants. Et le roman ne parlera que de ça : de Mikki et
de son village miniature.
Ou plutôt de Mikki et du village
miniature, car il a beau en avoir hérité, ce village miniature n’est clairement
pas à lui. Mikki a beau être à sa manière une sorte de grand gros enfant
attardé dans le pire sens du terme (il doit glandouiller près de la trentaine)
et être affublé d’un sobriquet mignon, et le village miniature a beau quant à
lui ressembler au prime abord à un jouet merveilleux, ce n’est pas le sien, et
d’ailleurs Mikki n’a jamais aimé les trains miniatures de feu son père, principal
suspect de cette invraisemblable réalisation. Et ce village miniature est un
drôle de jouet, quand on regarde de près ce qui s’y passe. Et Mikki et le
village miniature est un drôle de roman, dont le titre mignon grince
joliment à la lecture : non non, ne le rangez pas au rayon des livres pour
enfants.
Les habitants de ce village
miniature sont aussi des personnages du roman, au même titre que Mikki, et eux n’ont
pas du tout le sentiment de faire partie d’un jeu (alors que, quand même…). Il
y a un plaisir tout ludique à observer voire à essayer d’interagir, vous verrez
bien si c’est possible ou non en lisant, avec ce petit monde, mais si c’est un
jeu il est clairement pour adultes avertis. Car les quelques habitants des
quatre ou cinq rues (ça fait peu d’habitants mais pas mal de personnages quand
même, tous les romans ne sont pas des villages) vivent une vie qui, si elle est
miniaturisée d’un strict point de vue dimensionnel, est au contraire assez
clairement exagérée dans les horreurs et / ou les absurdités qu’elles nous
révèlent. C’est aussi que, par-dessus l’épaule de Mikki, nous devenons
nous-mêmes voyeurs – et même carrément équipés d’un endoscope pour mieux
pénétrer dans l’intimité de chacun.
Ce village est donc bien une
sorte de jeu absurde et cruel dont nous sommes moins les jouets que le Dieu, un
Dieu un peu minable qui n’en comprend pas les règles et porteur d’un nom (un
surnom plutôt ?) qui n’est pas sans évoquer le prénom infantilisé de
l’auteur : on est aussi, à coup sûr, dans une méditation jubilatoire sur
la fiction en littérature.
Mikki et le village
miniature, de Mika Biermann, est paru récemment aux éditions
POL.
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