Butow, le 12 novembre 1917. Le 12 novembre. Mais 1917. Ma
bien chère Maman.
Cette
carte aussi est à l’encre, une encre plus franchement noire, à moins que ce ne
soit la plume qui soit plus fine. Comme la correspondance n’est pas
très régulière en ce moment, je m’y prends à l’avance pour t’envoyer mes vœux
de bonne fête, car je tiens à ce qu’ils arrivent à temps. Il faut quand même que j’aille jeter un œil
dans mes notes pour me rappeler que mon arrière-grand-mère se prénommait Lucie,
et un autre sur Google pour apprendre que la Sainte-Lucie se fête le 13
décembre. Je t’envoie à l’occasion de la Ste Lucie
(je n’avais pas lu jusque-là, ma
lecture est en direct) les meilleurs souhaits que je forme pour ton
bonheur et ta santé. Je profite aussi de cette occasion pour te redire toute
mon affection et pour te remercier de tout le mal que tu donnes (« te » manque) pour
m’envoyer tout ce que j’ai besoin _ Je commence à être tout à fait
installé ; notre petite chambre a un aspect très gai Est-il toujours avec Daussy ?,
décorée qu’elle est de photos et de gravures. Le temps est à peu près le même
que chez nous à la même époque ; c’est-à-dire assez humide. Mais nous
avons de quoi nous chauffer et jusqu’ici nous n’avons pas souffert du froid. Le
seul défaut que je trouve à la chambre c’est qu’elle est trop bruyante et qu’il
est difficile de travailler sérieusement. Les lettres et les colis commencent à
arriver, et cela fait plaisir. J’ai reçu les cartes de papa des
17-19-20-22-23-24 et la lettre de maman du 21 plus une carte du 7 du cousin Je n’arrive pas à lire. Ça ressemble à
« Noip » mais ce n’est sûrement pas ça. Je vais regarder dans mes
notes pour voir si je trouve quelque chose. Non. Je ne vois rien qui puisse
ressembler à ça, ni dans les prénoms, ni dans les patronymes. C’est peut-être
un surnom. Ou un nom dont nous avons perdu la trace. Les traces sont tellement
effacées. J’ai été content de savoir qu’il était toujours en bonne
santé. J’ai reçu les colis 16 et 22 qui étaient en bon état. J’ai causé avec un
capitaine et un lt (si
je lis bien) du 25 qui ont tous deux bien connu mon oncle. Là il s’agit sans doute d’Hector Mangot,
commandant, et décédé le 21 septembre de cette année-là. Le 1er
qui est de l’active le connaissait bien, le 2e était mitrailleur
dans son Bon (son bataillon) et a eu pendant
longtemps son poste à côté du sien et ils faisaient ensemble de longues parties
de piquet. C’est à peine si je sais
que le piquet est un jeu de cartes. D’autres officiers sont encore
arrivés. J’ai trouvé Lecerf-Renaud d’Arras (le fils) lt au
145 pris à Maubeuge. J’ai aussi vu un autre lt du 87 pris en
sept. 14, il était officier de réserve. 33 officiers de Reisen sont revenus
nous rejoindre vendredi. Je crois que le camp est maintenant au complet. Nous
sommes environ 450. Je te quitte ma chère Maman en te renouvelant mes vœux de
bonne fête et en t’embrassant bien fort ainsi que Papa et tte la famille. E La
signature, soulignée, est illisible.
Alors cette carte est datée du 12 novembre. Je crois (il me semble que vous l'avez écrit) que vous n'avez pas classé les envois dans l'ordre chronologique. Peut-être y en a-t-il une autre, plus longue, du 1er novembre comme vous le suggériez.
RépondreSupprimerIl semble que cette transplantation ne soit pas totalement négative (à l'exception du bruit qui empêche de travailler) : plus de gaieté, de nouvelles connaissances, des retrouvailles, des sujets de conversation, on peut même évoquer la famille. Une distraction provisoire.
Il y a un peu de désordre en effet mais là je crois bien que c'est la carte suivante. Vous avez raison, le changement est bien vécu ; c'est la routine qui tue.
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