vendredi 1 mai 2015

Seigneur écarte-nous de la géhenne et des commissariats.



Si le rêveur entre de lui-même dans la géhenne on peut penser qu’il va bientôt mourir. Pour tout dire c’est un mauvais signe. Car il est dit dans le Livre des Rigueurs : Seigneur écarte-nous de la géhenne et des commissariats. Les tourments y sont perpétuels. Les températures importantes. Ce sont de mauvais lieux pour s’arrêter et se reposer. Seigneur aide-nous à reconnaître les flics lorsqu’ils se promènent en civil. Ou bien se tournent en belles brunes. Car il est dit dans le Livre : Seigneur parfois les flics s’essuient la suie du visage et leur image se trouble. On ne distingue plus la mort figée dans leurs prunelles comme dans celles de mannequins de cire. C’est là que leur répression est la plus terrible. Seigneur parfois les flics sont de belles à brunes avec un large derrière. De grandes brunes à cul de jument. Elles se parfument et se roulent dans la myrrhe qui suinte des murs des cimetières pour ; que l’on sente moins la mauvaise odeur qui se dégage comme du sulfure de leur derrière. C’est là que leur répression est la plus terrible. Elles sont en panne d’amour et leurs conduits intérieurs jamais débouchés accumulent la myrrhe qui se condense dans la partie sur laquelle elles s’assoient. Seigneur un jour la misère faisait rage dehors et m’a fait entrer de moi-même dans un commissariat pour y occuper un emploi. J’ai cru que je pourrais m’y arrêter et m’y reposer. A présent je suis mort sous la terre et j’ai chaud. J’ai fondu comme cire au soleil. Je suis entré dans un commissariat on m’a lavé et parfumé à la myrrhe des cimetières. On m’a appris la langue des chiens on a voulu me forcer à cogner un suspect comme on cogne dans la cire fusible d’un mannequin. Comme j’ai refusé je suis mort. J’arrivais rien à aboyer et je suis mort. On a voulu me forcer à faire l’amour avec des hommes tournés en brunes qui en avaient après l’odeur de suif de ma fourrure et cherchaient à se l’engloutir dans le derrière. A faire la chose d’amour avec des juments-flics dont la répression fut terrible. Seigneur à présent je sais j’ai eu tort. La misère n’était pas une excuse. C’est bien fait si j’ai brûlé tout mon suif.

Antoine Brea, Roman Dormant, Le Quartanier, 2014, p. 96-97

Roman dormant prétend nous rapporter la voix d’Abû Bakr (654-728), interprète des rêves dans le monde musulman. « Roman Dormant est le nom du livre (…), car il est d’or mais par endroit il ment. » La lecture du livre nous le confirme : qui dort ment et en mentant parle d’or. Ce nest pas moi qui dirai le contraire.

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