Si le rêveur entre de lui-même
dans la géhenne on peut penser qu’il va bientôt mourir. Pour tout dire c’est un
mauvais signe. Car il est dit dans le Livre des Rigueurs : Seigneur écarte-nous
de la géhenne et des commissariats. Les tourments y sont perpétuels. Les températures
importantes. Ce sont de mauvais lieux pour s’arrêter et se reposer. Seigneur
aide-nous à reconnaître les flics lorsqu’ils se promènent en civil. Ou bien se
tournent en belles brunes. Car il est dit dans le Livre : Seigneur parfois
les flics s’essuient la suie du visage et leur image se trouble. On ne
distingue plus la mort figée dans leurs prunelles comme dans celles de
mannequins de cire. C’est là que leur répression est la plus terrible. Seigneur
parfois les flics sont de belles à brunes avec un large derrière. De grandes
brunes à cul de jument. Elles se parfument et se roulent dans la myrrhe qui
suinte des murs des cimetières pour ; que l’on sente moins la mauvaise
odeur qui se dégage comme du sulfure de leur derrière. C’est là que leur répression
est la plus terrible. Elles sont en panne d’amour et leurs conduits intérieurs jamais
débouchés accumulent la myrrhe qui se condense dans la partie sur laquelle
elles s’assoient. Seigneur un jour la misère faisait rage dehors et m’a fait
entrer de moi-même dans un commissariat pour y occuper un emploi. J’ai cru que
je pourrais m’y arrêter et m’y reposer. A présent je suis mort sous la terre et
j’ai chaud. J’ai fondu comme cire au soleil. Je suis entré dans un commissariat
on m’a lavé et parfumé à la myrrhe des cimetières. On m’a appris la langue des
chiens on a voulu me forcer à cogner un suspect comme on cogne dans la cire
fusible d’un mannequin. Comme j’ai refusé je suis mort. J’arrivais rien à
aboyer et je suis mort. On a voulu me forcer à faire l’amour avec des hommes
tournés en brunes qui en avaient après l’odeur de suif de ma fourrure et
cherchaient à se l’engloutir dans le derrière. A faire la chose d’amour avec
des juments-flics dont la répression fut terrible. Seigneur à présent je sais j’ai
eu tort. La misère n’était pas une excuse. C’est bien fait si j’ai brûlé tout
mon suif.
Antoine Brea, Roman Dormant, Le Quartanier, 2014, p. 96-97
Roman dormant prétend nous rapporter la voix d’Abû
Bakr (654-728), interprète des rêves dans le monde musulman. « Roman Dormant
est le nom du livre (…), car il est d’or mais par endroit il ment. » La
lecture du livre nous le confirme : qui dort ment et en mentant parle d’or. Ce n’est pas moi qui dirai le contraire.
Et les avis de Guillaume Contré, Romain Verger,
Philippe Chauché, Paul Kodama.
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