The Black Herald n’est pas
qu’une revue, c’est aussi – ou plutôt Black Herald Press est aussi – une maison
d’édition, pareillement de noir vêtue, et où je viens de lire les Dits des
xhuxha’i, (ou encore Tales of the xhuxha’i, car l’édition comme la
revue est bilingue), recueil de vingt-deux poèmes d’Anne-Sylvie Salzman. On y est
à la fois loin et proche des Dernières Nouvelles d’Œsthrénie, du même
auteur comme on dit, rappelez-vous. Apparemment loin par l’épaisseur de
l’objet, cette fois très mince, et par le genre, poétique. Encore que. Les Dernières
Nouvelles d’Œsthrénie étaient un roman qui était aussi autre chose, une
manière de géographie et d’Histoire fictive, qui donnait chair et sang à tout
un peuple, lequel se mettait à vivre (et encore davantage à mourir) sous nos
yeux. Or ces Dits des xhuxha’i, ces poèmes comme je les ai un peu vite
appelés (eux-mêmes se disent « chants », « contes » ou
« malédictions »), sont signés Anne-Sylvie Salzman à la manière dont
les Dernières Nouvelles d’Œsthrénie sont signés Anne-Sylvie
Salzman : avec le plus grand effacement possible de l’auteur même. C’est aussi
à un peuple que la parole est donnée, et là encore le mythe est en marche. D’ailleurs
l’envie traverserait bien l’esprit d’interroger l’oracle Google sur l’existence
de ces xhuxha’i comme sur celle de l’Œsthrénie, et l’on trouverait en effet
quelque chose, puisque les remerciements à la fin du recueil nous informent que
ces femmes dont les voix d’Anne-Sylvie Salzman disent l’origine et la fin
doivent leur existence à « 22 dessins au sang menstruel et à la mine de
plomb de Lmg Névroplasticienne », « on peut voir ces œuvres en ligne
à l’adresse suivante : http://lmg-nevroplasticienne.com/?page_id=4613 » (l’avantage
de recopier ça ici c’est qu’il ne vous reste plus qu’à cliquer). Mais seule une
citation vous dira ce que ces textes ont d’essentiel :
VII. (chant xhuxha’i)
Trois jambes : oh, j’ai
trois jambes, mon aimé : un chien m’a prise.
Un chien, un cheval que je
croyais homme.
Un sanglier.
Un serpent.
Où es-tu, aimé ?
Je te cherche dans la vallée.
Tes cheveux sont noirs.
Je te tresse trois cornes
avec mon sang.
Anne-Sylvie Salzman, Dits des xhuxha’i, Black Herald Press, 2015, p. 20.
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