mercredi 4 avril 2012

L’Homme qui achetait les rêves, de Michel Arrivé.


Les vieilles tongs du père Manouvrier
 
Michel Arrivé aime croiser les destins. Cette croisée s’organise souvent sous la forme d’un récit polyphonique : c’était le cas dans ses deux derniers romans, la Walkyrie et le professeur* et Un bel immeuble**, c’est encore le cas avec l’Homme qui achetait les rêves, tout récemment paru, comme les précédents, aux très estimables éditions Champ Vallon.
Le récit commence par le journal intime (intime ? peut-être pas le plus intime de ses écrits) du personnage qui donne son titre au roman, le père Manouvrier, quinquagénaire avancé – nous sommes dans les années 80 – féru de mycologie et vivant de peu dans ce qui n’est presque pas une maison, et dont les préoccupations récurrentes concernent ses chaussures (plus précisément les tongs par lesquelles il a cru pouvoir remplacer ses traditionnelles espadrilles) ; ses rêves, devenus trop pauvres et trop simples pour qu’il puisse en faire l’usage qu’il désire (mais quel usage ?) ; ses livres dont il se débarrasse selon un protocole singulier ; enfin l’épineuse question de la validité de la méthode du père Béhanzin, son grand-père, dont on ne dira rien de plus afin de ne pas déflorer l’histoire. Ce « Journal du père Manouvrier » alterne avec les « Souvenirs de la Senhora Doutora », échouée depuis son Brésil natal dans cette Champagne reculée (quelque part entre Troyes et Bar-sur-Aube) pour y exercer une forme singulière de psychothérapie inspirée à la fois des écrits du « grand Sigmundo Freud » et des préceptes scrupuleusement (scrupuleusement ?) respectés de sa confession baptiste. Une troisième forme de récit enfin alterne avec les deux précédentes, un récit au narrateur très dépersonnalisé, presque officiel, assez mystérieux finalement, qui donne au lecteur les informations qui manquent, à la fois géographiques – la description des lieux est assez étonnante dans son extrême précision – et biographiques concernant le passé des deux protagonistes.
L’écriture, les rêves, la mort ; les thèmes majeurs des romans de Michel Arrivé (qui occupent aussi une place non négligeable dans ses ouvrages universitaires, comme le linguiste et l’inconscient) se conjuguent pour livrer l’un de ses récits les plus mystérieux, sous son apparente clarté et sa bonhomie caustique.
 
 
*/** : Je posterai dans les jours qui viennent un petit commentaire sur ces deux précédents romans.
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Commentaires

A force de lire vos commentaires alléchants, je vais finir... en tongs (dans un igloo, c'est très léger). Il se trouve aussi que cette Champagne reculée que vous citez est précisément la région où j'ai grandi.
Commentaire n°1 posté par Anonyme le 04/04/2012 à 23h38
Mais c'est très élégant, les tongs, surtout dans un igloo !
Réponse de PhA le 06/04/2012 à 22h40
Alors j'aurais dû dire : en arête de poisson. Mais avec la tête tout de même, parce que j'ai commandé les deux derniers ainsi que les Chroniques imaginaires... Sans vos commentaires ni votre blog, je ne serais pas allée les chercher. Je manque d'imagination.
Commentaire n°2 posté par Anonyme le 06/04/2012 à 23h13
Mais je vais vous ruiner ! (Quel bonheur !)
Réponse de PhA le 07/04/2012 à 13h48
Plque des tongs, achetez des champignons farcis ! 
Commentaire n°3 posté par michèle perret le 18/04/2012 à 19h48
Vaut-il mieux les préparer soi- même ? (Je n'en dis pas plus.)
Réponse de PhA le 19/04/2012 à 11h11
Si vous aimez la vie et la bonne cuisine. Je n'en dis pas plus. Lisez le livre et vous rirez bien !
Commentaire n°4 posté par michèle perret le 20/04/2012 à 08h07
Je sais que les détails personnels ne sont pas de mise sur un blog mais je ne résiste pas. Mon grand-père était chef de gare à quelques kilomètres des Riceys. J'ai joué dans les baraques alentour. Mon arrière-grand-père possédait des vignes que ma grand-mère, rude campagnarde devenue veuve, vendit pour survivre pendant la dernière guerre. Ces vignes sont devenues des terres à champagne (mutation évoquée par M. Arrivé). Mais ce n'est pas pour ces détails que j'ai beaucoup aimé le livre.
Commentaire n°5 posté par Anonyme le 08/05/2012 à 10h38
Ah oui, j'imagine que ce roman a dû vous parler ! Il y a un fort ancrage historique et géographique dans les romans de Michel Arrivé, et même si en effet ce n'est pas l'enjeu essentiel, ça donne une épaisseur supplémentaire au propos.
Réponse de PhA le 09/05/2012 à 15h14
Un roman fantasque, avec une touche lacanienne qui fait jubiler. Sourire. J'ai évidemment relevé la recette des cêpes farcis à la lepiota helveola, accompagnés d'un chablis. Quant aux tongs, ce n'est pas le genre de tatanes qu'on trouve chez mon Ernest chausseur... mais encadrées, elles conduiront à une gloire posthume évidente ! 
Bravo, Michel Arrivé, pour ce roman qui se lit en un seul rêve (éveillé, tout de même).
Commentaire n°6 posté par Katz le 19/05/2012 à 22h28
Je me permets de recopier votre avis, qui n'est pas bien lisible, ce qui est d'autant plus dommage que je le partage volontiers (vous apercevrez d'ailleurs par ces hublots d'autres romans de Michel Arrivé) :
"Un roman fantasque, avec une touche lacanienne qui fait jubiler. Sourire. J'ai évidemment relevé la recette des cêpes farcis à la lepiota helveola, accompagnés d'un chablis. Quant aux tongs, ce n'est pas le genre de tatanes qu'on trouve chez mon Ernest chausseur... mais encadrées, elles conduiront à une gloire posthume évidente ! 
Bravo, Michel Arrivé, pour ce roman qui se lit en un seul rêve (éveillé, tout de même)."
Réponse de PhA le 20/05/2012 à 15h27

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