dimanche 8 avril 2012

La Walkyrie et le professeur, de Michel Arrivé.


« L’écriture en pointe »
 
Dans la Walkyrie et le professeur, deux récits s’alternent. Une femme raconte sa vie, depuis la passion que très tôt, dans sa toute petite enfance, elle contracte pour l’écriture – avant même celui de la lecture, avant même de connaître le son des lettres qu’elle dessine ; et cela bien sûr n’est pas anodin –, son adolescence marquée par la perte précoce et douloureuse de ce qu’elle vivait comme un don, jusqu’à sa maturité, où – peut-être, elle l’a retrouvé ; puisqu’on la lit. En italiques, alternant avec le récit féminin qui ouvre et clôt le livre, un pharmacien mycologue, vaguement romancier du dimanche, rapporte en commençant par la fin – une tentative d’étranglement qui n’émeut guère ni l’étrangleur ni l’étranglée –, sa liaison orageuse avec sa maîtresse, dont la passion se concentre surtout… sur les mots-valises, sujet de sa thèse.
Comme dans Une très vieille petite fille, le récit d’une vie se joue dans le rapport de l’être à l’écriture, que ce soit pour Kriemhild dont la passion naissante, sous les auspices des frères Grimm, de Heinrich Heine et d’une grand-mère attentive (initiatrice à la « Spitzschrift », « l’écriture en pointe » gothique), est entravée par le conformisme paternel aux idées de son époque – le nazisme – et plus encore par le manque d’amour maternel ; ou pour Jacques, devenu écrivain – plutôt raté – afin de précisément se conformer au désir de sa propre mère, et à son patronyme : Lécrivain. L’homme comme la femme restent dans la maturité déterminés parce qu’ils ont vécu, qui fait d’eux au présent des êtres dérisoires (il y a toujours un peu de férocité dans l’humour de Michel Arrivé), des personnages aux attitudes de marionnettes – comme les mains de Kriemhild au moment de l’amour – auxquels seul le récit rétrospectif de leur vie rend une dimension humaine et émouvante.
A vouloir nommer avec quelque précision la qualité du plaisir goûté à cette lecture, me revient cette expression, « l’écriture en pointe », qui, pourquoi pas, pourrait aussi bien qualifier celle de l’auteur.
 
 
Janvier 2008.
 http://www.decitre.fr/gi/85/9782876734685FS.gif
Du même auteur, voir aussi Un bel immeuble et le tout récent Homme qui achetait les rêves.

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