« L’écriture en pointe »
Dans la Walkyrie et le professeur,
deux récits s’alternent. Une femme raconte sa vie, depuis la passion
que très tôt,
dans sa toute petite enfance, elle contracte pour l’écriture – avant
même celui de la lecture, avant même de connaître le son des lettres
qu’elle dessine ; et cela bien sûr n’est pas anodin
–, son adolescence marquée par la perte précoce et douloureuse de ce
qu’elle vivait comme un don, jusqu’à sa maturité, où – peut-être, elle
l’a retrouvé ; puisqu’on la lit. En italiques,
alternant avec le récit féminin qui ouvre et clôt le livre, un
pharmacien mycologue, vaguement romancier du dimanche, rapporte en
commençant par la fin – une tentative d’étranglement qui n’émeut
guère ni l’étrangleur ni l’étranglée –, sa liaison orageuse avec sa
maîtresse, dont la passion se concentre surtout… sur les mots-valises,
sujet de sa thèse.
Comme dans Une très vieille petite fille,
le récit d’une vie se joue dans le rapport de l’être à l’écriture, que
ce
soit pour Kriemhild dont la passion naissante, sous les auspices des
frères Grimm, de Heinrich Heine et d’une grand-mère attentive
(initiatrice à la « Spitzschrift », « l’écriture
en pointe » gothique), est entravée par le conformisme paternel aux
idées de son époque – le nazisme – et plus encore par le manque d’amour
maternel ; ou pour Jacques, devenu écrivain –
plutôt raté – afin de précisément se conformer au désir de sa propre
mère, et à son patronyme : Lécrivain. L’homme comme la femme restent
dans la maturité déterminés parce qu’ils ont vécu,
qui fait d’eux au présent des êtres dérisoires (il y a toujours un
peu de férocité dans l’humour de Michel Arrivé), des personnages aux
attitudes de marionnettes – comme les mains de Kriemhild au
moment de l’amour – auxquels seul le récit rétrospectif de leur vie
rend une dimension humaine et émouvante.
A vouloir nommer avec quelque précision la qualité du plaisir goûté à cette lecture, me revient cette expression,
« l’écriture en pointe », qui, pourquoi pas, pourrait aussi bien qualifier celle de l’auteur.
Janvier 2008.
Du même auteur, voir aussi Un bel immeuble et le tout récent Homme qui achetait les rêves.
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