Si je n’avais pas noté ce qui suit dans mon vieux Carnet vert,
j’aurais juré que tout ce que je vais recopier maintenant est
beaucoup plus récent. Ce sont plusieurs notes, espacées dans le
temps mais de moins en moins, et qui annoncent ce que peut-être j’ai
fait de mieux (je préférerais dire : ce qui s’est fait de
mieux par mon intermédiaire car c’est comme ça que je vis les
choses).
Vendredi
12 janvier 1996
Pourquoi
ne pas écrire une pièce de théâtre autour d’un personnage qui
se croirait engagé comme précepteur dans une famille riche, mais
que l’absence de l’enfant ou des enfants obligerait à assumer la
fonction en principe temporaire de sous-intendant. Il pourrait y
avoir, comme personnages, les parents, un fils presque adulte et
apparemment amical, une fille qui lui ferait des avances qu’il
repousserait ou feindrait de repousser par crainte – elle pourrait
d’ailleurs être fiancée à un propriétaire du coin passionné
pour la chasse –, un intendant, son chef, qui réclamerait le titre
de gestionnaire, une servante en bas de l’échelle qu’il
séduirait, d’autres domestiques, des invités à une partie de
campagne ; le tout dans une atmosphère parfois assez proche du
Château de Kafka.
Mardi
12 septembre 2006
Dans
l’histoire du précepteur-intendant : ce qui compte pour lui,
c’est la considération. Il aura, à un moment, le sentiment
d’avoir été considéré, puis de ne plus l’être : d’être
déconsidéré.
Mardi
9 janvier 2007
Dans
un récit en point de vue interne (histoire du précepteur), celui-ci
pourrait au préalable aller au cinéma, avant de se rendre là où
l’attend son emploi. La fin du film serait muette. Un spectateur
parlerait de remboursement mais on ne saurait pas s’il est sérieux
ou non.
Plus
tard, le précepteur doutera de l’existence des enfants.
Plus
tard, il pourrait imaginer qu’ils sont morts, qu’ils ont été
tués. On n’en saura jamais rien.
Mercredi
10 janvier 2007
Hier,
puis à l’instant, jeté premières lignes d’un récit de ce
genre. (De « Quand il sortit de la gare... » à « …
Liev a pris un billet. »
Voilà,
avec la dernière note même le nom du héros y est. Mais tout y
était déjà presque, en tout cas la distribution des personnages,
dès janvier 96 (alors que j’écrivais le début d’Une affaire
de regard), pour un roman sur lequel je travaillerai jusqu’en
2015. Tout y est sauf l’essentiel, car l’essentiel n’est arrivé
qu’au moment même où je l’écrivais vraiment, en direct. Mais
c’est trop tôt pour en parler.
Le
chapitre introductif avec le cinéma n’est plus dans le roman, il
n’y servait à rien. Mais ça a été un bon lanceur. On peut
encore le lire ici même, en un, deux, trois, quatre, cinq épisodes.
Et
il n’est pas bien difficile a posteriori d’appliquer à l’auteur
le commentaire du 12 septembre 2006, juste après la déception de la
publication de Par temps clair.
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