Les refus de Corti et de Verdier m’ont redonné du courage. Je
trouverai un éditeur pour Chroniques imaginaires de la mort vive,
j’en suis sûr. Je décide de joindre ces refus à mes prochains
envois. C’est une drôle d’idée, ça peut avoir l’effet
contraire à celui désiré, mais pas forcément. Un éditeur peut
aimer un texte et se trouver mal placé pour le publier, son avis
peut intéresser quelqu’un d’autre. Et que faire de ces refus ?
Si Bobillier s’est donné le mal de m’écrire cette lettre (citée
dans l’épisode précédent), ce n’est pas juste pour me prouver
qu’il a lu mon texte, c’est pour que j’en fasse quelque chose.
Je crois de plus en plus en la solidarité chez les gens qui aiment
vraiment la littérature.
Pendant
l’été, un nouveau projet prend forme dans mon esprit. A partir de
textes jusque-là éparpillés de manière incohérente (ou
rassemblés de manière trop peu cohérentes dans Affleurements),
je conçois une première version de mes Mémoires des failles.
Le titre apparaît pour la première fois. C’est à mes yeux un de
mes textes les plus importants, mais je me rends bien compte que ce
ne sera pas le plus facile à publier (de fait il ne le sera qu’une
bonne dizaine d’années plus tard grâce aux éditions de
l’Attente, qui ne savent pas à quel point elles sont bien nommées
concernant ce livre).
Dès
septembre, je reçois un coup de téléphone de Sabine Wespieser.
Elle n’en est pas encore à décider la publication de Chroniques
imaginaires de la mort vive, mais elle souhaite me rencontrer
pour en parler. Je me rends compte que décider de me publier n’est
vraiment pas une décision facile. Car c’est l’auteur entier qui
l’intéresse – ou pas. C’est le cas pour la plupart des
éditeurs. A propos de Chroniques, elle trouve que la fin
manque trop de clarté. A la relecture, elle a raison,
indiscutablement. Il y a beaucoup de non-dit dans ce récit, c’est
là-dessus qu’il fonctionne, mais je me rends compte que j’en ai
abusé à la fin. Je réécris la fin. Un mois a passé. Elle trouve
la nouvelle fin meilleure, mais réserve encore sa réponse ;
elle attend un texte « plus costaud » (plus long,
peut-être ? Chroniques est un livre court). Je lui
envoie Par temps clair mais l’espoir est passé. Au même
moment, Frédéric Joly prend contact avec moi, pour les éditions
Climats. Il lui faut encore convaincre le directeur de la maison (je
ne sais pas à ce moment-là qu’elle ne va pas tarder à être
absorbée par Flammarion, si je me souviens bien). Le manuscrit est
encore en attente chez Melville, une maison qu’Alain Veinstein a
fondée avec Léo Scheer. Elle est récente, c’est peut-être une
bonne idée.
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