Rapidement, la fin de l’aventure Melville. La publication de
Chroniques imaginaires de la mort vive, juste un an avant, ça
reste un bon souvenir. Celle de Par temps clair, non. Déjà,
la correction des épreuves est très pénible. Ça n’est jamais
une partie de plaisir mais jusque-là (et par la suite non plus) ça
ne m’avait jamais fait cet effet-là. Le texte fait l’objet d’un
dégraissage systématique dont je ne vois pas bien le sens.
Dégraisser, c’est souvent utile ; mais Par temps clair,
je le vois comme une sorte de cancer de la pensée – je renvoie ses
rares lecteurs à l’explicit (les deux mots de la fin),
particulièrement explicite à cet égard. Alors pourquoi dégraisser
à ce point ? Le vocabulaire de la biologie, délibérément
amplifié, y est aussi bien réduit. Cela dit le texte n’est pas
non plus dénaturé et il faudrait que je relise les deux versions
pour vérifier laquelle est la meilleure, je n’en sais rien. Ce que
je sens, c’est que la communication avec Séverine Weiss, très
bonne l’année précédente, est devenue difficile. Le livre paraît
en mai, ce qui n’est pas la meilleure période. Pas de réunion
avec les représentants comme pour Chroniques. Aucune
réaction, ni de la presse, ni des libraires. C’est comme si le
livre n’avait pas été publié – sauf qu’il l’est, donc
c’est pire : il aurait mieux valu qu’il ne le soit pas. A
l’automne, un petit mot très bref de Séverine m’annonce son
départ de Melville. Je devine que ça a dû être très compliqué
pour elle, je regrette un peu qu’elle ne m’en ait pas dit un peu
plus, ça aurait dissipé mon brouillard ; je ne lui en tiens
pas rigueur non plus, tout ça n’a rien d’évident, surtout quand
l’éditeur est salarié et qu’il a des comptes à rendre, sans
parler de tout ce que je ne sais pas puisque je ne le sais pas – en
l’occurrence à l’époque déjà le grand patron ne m’inspire
aucune confiance. Par temps clair reste donc un livre publié
mais sans existence. Sans la lecture d’un autre patron (Claude
Cherki), il serait paru au Seuil, en 2002 ou 2003. Mais alors je
n’aurais pas écrit Chroniques, j’en suis sûr, qui a été
écrit notamment pour arracher l’étiquette. Et j’aurais sans
doute été plus contraint dans mon écriture, par la suite, pour
rester au Seuil. Plus contraint encore. On est toujours contraint,
mais au moins on a le choix des contraintes.
Chez
Léo Scheer par la suite, quand par acquit de conscience je
proposerai Liquide, c’est comme si on ne savait pas qui
j’étais.
A
la date du 21 octobre, je lis dans mon vieux carnet vert (à la suite
de l’annonce du départ de Séverine) : « Réaction
habituelle : écrire plus. » Et le 10 décembre je finis
le premier jet d’un livre que vous lirez peut-être un jour –
celui qui depuis un certain temps déjà ne s’appelle plus Premier
roman.
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