Le 4 juin 1917. Mes chers parents. Nous
aussi nous sommes le 4 juin, aujourd’hui. Je sentais venir cette
concomitance. Ma lecture a pris naturellement le rythme de sa
correspondance.
J’ai
reçu comme courrier ces jours-ci les cartes de papa des 15-16-17-18 et
21 et la lettre de maman du 20 mai.
Comme colis j’ai été aussi bien servi. Sont arrivés les colis gare
n°6-7-8 et 10 + 1 colis de pain du 10 mai et le cake n°25. Le
cake n°25. Le pain était encore complètement moisi. Tout le reste était en bon état, sauf les œufs du colis n°7, il y en avait un de
cassé, il s’était gâté et avait abîmé tous ceux qui l’entouraient. Il y en a eu de ce fait plusieurs de perdus. Je
me demande
comment un œuf en pourrissant peut gâter des œufs encore en
coquille. La question me vient en même temps que la conscience de son
inanité. D’ailleurs je n’y connais rien, au fond.
L’œuf cassé se
trouvait dans un coin. Maman ferait bien de n’en pas mettre dans les
coins car souvent il y en a de fendus dans ces endroits, mais
jusqu’à présent le son avait bouché les fentes et comme il ne
faisait pas très chaud le reste était en bon état. Je
ne suis pas sûr
de bien lire « son ». La chose me paraît étrange. Mon
arrière-grand-mère l’employait-elle pour combler les espaces et caler
les œufs ? Pourquoi pas. Vous
exagérez les compliments sur les travaux, il y a beaucoup de défauts et
j’ai dû faire souvent usage de la colle. Il y a des officiers qui
travaillent
bien mieux et qui font des choses vraiment superbes. Mais nous ne pouvons pas faire la comparaison, nous. Je ne sais pas si les
compliments sont exagérés, mais je m’y joins. Depuis petit, c’est une évidence. Les
objets nous sont fournis tout montés et tout
dessinés. Quelquefois cependant on change le dessin ou on
l’interprète d’une façon différente. J’ai fini le service à fumeurs pour
Louis, il est ciré et prêt à être expédié
(c’est donc ça, cet aspect sur lequel je ne mettais pas de nom : tous ces objets sont cirés),
mais par malheur l’envoi de colis en France est suspendu pour le
moment. J’espère que ça ne durera pas trop longtemps car je voudrais que
Louis puisse le
voir à sa prochaine permission. Je
n’ai jamais vu ce service à fumeurs. Un instant la pensée que Louis non
plus me traverse – et
puis je me dis qu’il était peut-être tout simplement dans les
affaires de Louis, peut-être même était-il exposé quelque part la
dernière fois que nous sommes allés le voir, au début des années
70. Je
ne suis pas là d’avoir fini ce que j’ai projeté car c’est assez long,
surtout pour moi qui ne travaille qu’un petit moment par
jour. Je vais faire maintenant le cadre pour Tante Marie. Je vous
quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux
ainsi que Geneviève et Louis et toute la famille. Votre fils
qui vous aime de tt son cœur. EA
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