Le 18 juin 1917 - Mes chers parents. Cette carte-ci est particulièrement bien remplie, bien serrée. L’impression, à la voir, qu’il y avait de quoi dire.
J’ai reçu ces 4 jours des nouvelles de plusieurs personnes. Ce sont d’abord la carte de papa du 31 main
(sic), celle de maman du 24 mai et sa lettre du 2 juin, puis une carte de
l’oncle Desmarets (j’opte définitivement pour cette orthographe) du
1er juin ainsi qu’un mandat du 20. Il est bien gentil et je suis
toujours heureux de recevoir de ses bonnes nouvelles et de savoir qu’il
est en bonne santé ainsi que toute sa famille. Je ne
savais pas que Mme Desmarets-brodeur et le père Lecoq étaient morts. Les nouvelles sont tellement serrées sur la carte que parfois
elles se collent bizarrement. J’ai aussi reçu une carte de Blanche Lévêque ; elle vient d’être évacuée, elle ne connaît pas
votre adresse ; elle a appris la mienne par hasard. La sienne. Son
adresse. Offiziergefangenenlager Reisen in Posen. Aussi elle me charge de vous demander si vous pouvez lui donner des nouvelles de
son mari qui était à Quimper au début de la guerre. Elle habite près de notre cousin Je n’arrive pas à lire le nom, ça ressemble à
« Loip », il y en avait des cousins à cette époque dans la famille, 37 rue de la claie. Je n’évite pas le réflexe Google, la rue de la claie existe toujours à Saint-Quentin – mais moi je ne connais pas du tout
Saint-Quentin. Le capitaine de mon régiment qui est là-bas est sans doute le capne
Maldidier. Je le connais en effet très
bien, s’il est encore là rappelle-moi à son bon souvenir. Je vous
assure que je ne suis pas las du tout du cake. Il nous sert pour prendre
le thé. C’est très agréable. Comme colis je n’ai reçu
qu’un colis de pain qui cette fois-ci n’a mis que quinze jours et
était en assez bon état. Avant-hier au cours d’une conversation j’ai
appris qu’un camarade avait fait une partie de ses études au
collège de Maubeuge. Son père qui est officier d’administration y
est arrivé en janvier 1904. Nous avons donc été six mois environ
ensemble. Edmond a été élève au collège de Maubeuge. Je n’ai jamais mis les pieds à Maubeuge. Il
est
plus jeune que moi d’un an, il était donc en 8e pendant que j’étais
en 7e. Nous ne nous rappelons pas l’un de l’autre, mais nous avons dû
certainement jouer ensemble. Il se rappelle très bien de
tous ceux que j’ai également connus. Il était très copain avec Jean
Potier, Verlynde, Charles Fleuret etc. Je
comprends pourquoi
l’écriture est si serrée. Edmond savait de quoi parler. Il savait
que cette fois la surface de la carte y suffirait difficilement. Nous avons causé très longtemps, évoquant tous les souvenirs communs, la ville, les professeurs, les camarades. Je n’ai aucun souvenir commun avec Edmond. Mon père n’a pour ainsi dire aucun souvenir commun avec Edmond. Il demeurait rue des Je n’arrive pas à lire le nom mais je me dis qu’il me suffirait de
chercher sur un plan de Maubeuge, il s’appelle Gauduchon, vous rappelez-vous de ce nom ? Il a écrit aussi chez lui pour causer
de moi. Il s’appelle Annocque, vous rappelez-vous de ce nom ? C’est très drôle d’avoir vécu un an sans savoir que l’on s’était déjà connu. Un an. C’est
très drôle. J’oublie toujours de vous demander une pierre d’alun pour laisser sur je n’arrive pas à lire, un repentir et un coup de gomme à la ligne en dessous déborde sur le mot après
s’être rasé. Envoyez-moi aussi des souliers de tennis car depuis trois
jours je fais partie du tennis club, j’ai déjà fait plusieurs parties.
Pas moi. Je
ne me rappelle pas avoir jamais tenu une raquette de tennis. Il est
vrai aussi que je n’ai jamais fait la guerre et que je
n’ai jamais été interné en camp de prisonniers. Je vous embrasse tous bien fort. Votre fils qui vs aime si fort.
Chaque millimètre compte. Une boucle suivie d’un trait ondulé sous « aime si fort » fait office de signature.
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