Le 14 juin 1917. Mes chers parents.
Il vient d’y avoir un peu de nouveau au camp. D’abord nous avons eu il y a quelques jours le bonheur de voir
arriver un aumônier qui est affecté au camp. Cela nous a fait plaisir car nous avons été si longtemps sans ou presque. Oui,
il en
avait déjà été question, et cette piété de mon jeune grand-père
m’avait arrêté sans que j’aille jusqu’au commentaire. J’y pense
rarement, mais je sais que l’avancement militaire de mon
arrière-grand-père, le père d’Edmond, avait été stoppé à cause de sa
trop grande piété – plus tard j’ai appris qu’il avait carrément été
fiché lors de l’« affaire des fiches »,
précisément. Serait plus à sa place « sous la soutane que sous
l’habit militaire », était-il écrit ; le tout (un très bref tout)
assorti de la flatteuse mention « très
dangereux ». Je trouve ça drôle. Trois générations plus tard, l’un
de ses arrière-petits-enfants lui rend volontiers hommage, tout éloigné
que je sois moi-même de la religion et carrément
prêt à voter communiste à l’occasion, sans qu’il y ait jamais eu de
rébellion envers la génération précédente, tout simplement un
cheminement personnel que l’éducation avait à chaque fois rendu
possible. Ou peut-être suis-je moi aussi très dangereux sans le
savoir ? Ensuite
il y a eu ce matin un départ de cinq officiers.
Tout cela a produit un peu de mouvement et a changé les idées. J’ai
reçu comme courrier la carte de papa du 26, la lettre de maman du 27, la
carte de papa du 28 et la carte de maman du 30. J’ai
reçu aussi une longue (il manque « lettre ») de
ma tante du
29 mai. Dites-lui que je la remercie et que je lui envoie mes
meilleurs baisers. Comme colis j’ai reçu les paquets postes 26 et 27 et
les colis gare n° 13 et 14 ainsi qu’un colis de pain
complètement moisi. Le reste était en bon état. Je continue de temps
en temps les matières classiques, je lis un peu d’histoire de
géographie ou de physique. Il y a en ce moment un camarade qui
nous fait quelques conférences sur l’acoustique. J’y assiste. Le
temps continue à être très beau, il fait même bien chaud dans la
journée, mais le soir de 7 à 9 il fait très bon.
Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis Madeleine et Jean et
toute la famille.
Votre fils qui vous aime de tout son cœur.
Ces retours à la ligne sont inhabituels. Edmond avait moins à dire. Pourtant pour une fois il s’était passé
un peu quelque chose.
Edmond
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