Parmi les livres que j’ai lus cet été, Faits II, de
Marcel Cohen, dont je n’avais encore rien lu, est à
coup sûr un de ceux qui m’a laissé la plus forte impression. Mais j’ai
du mal à trouver les mots pour l’expliquer. Je
comprends mieux d’ailleurs pourquoi la quatrième de couverture est
si longue et si précautionneuse. L’objet, a priori, ne revendique pas
son statut d’œuvre littéraire. La lecture cependant sans
faille le lui assure. Composé d’une matière qui ne doit rien à la
fiction, écrit dans une langue épurée qui vise à l’efficacité, Faits II
est
littéraire d’une manière sobre, mais essentielle. C’est une
littérature où le moi discrètement s’efface, se réduit à la simple
subjectivité d’un regard, plus souvent encore d’une écoute, celle
aussi du choix des motifs ; une littérature entièrement orientée
vers le monde, dans sa plus grande diversité – sa plus grande disparité.
Sont tour à tour évoqués, en une succession de
textes brefs sans titres, juste numérotés comme des chapitres, la
résistance héroïque d’un tout petit enfant aux semonces de son père, les
messages des déportés sur les murs de Drancy à la veille
de leur départ pour Auschwitz, les conditions de vie des marins sur
un porte-conteneur, l’étrange odyssée du Buddleia Davidii dont
un plant unique parvient à essaimer à travers toute
l’Europe… J’arrête la liste : il y a cent cinq textes sur les sujets
apparemment les plus variés mais où, le plus souvent (quoique de
manière discrète), la résistance joue un rôle essentiel.
Là, sans doute, se dessine en creux l’histoire personnelle, à
laquelle l’auteur ne donne pas plus de place. Marcel Cohen emprunte
parfois ses sujets à la presse, met en scène nommément des
personnes réelles et ne craint pas si nécessaire d’insérer des notes
explicatives. D’autres fois, il crée des manières de fictions minimales
et putatives (« Un homme prend chaque
matin… », « Deux fois au moins, se souvient un homme… ») ; quand il
ne limite pas son texte à un simple dialogue entre interlocuteurs
anonymes. C’est que l’essentiel n’est pas
là. Le temps de la mise en forme décorative est dépassé.
L’essentiel, c’est de dire, dans l’urgence, ce que vivent les hommes.
2007
Puisque je sors tout juste de Sur la scène intérieure, le dernier livre paru de Marcel
Cohen, c’est peut-être l’occasion de ressortir ces quelques notes qui suivent ma lecture de Faits II, au cours de l’été 2007, avant l’ouverture de ces Hublots. (J’en ai déjà
posté un extrait, à propos du Buddleia Davidii, précisément).
On ne peut pas s'en rendre compte mais le jour où j'ai pris ces photos, tout le fond du jardin n'était qu'un vaste bourdonnement, d'insectes très variés.