Les
comptes-rendus de lecture, c’est toujours instructif. Je dois avouer un
vicieux penchant pour ceux qui développent un avis
opposé au mien, le seul bien sûr qui ait quelque valeur à mes yeux,
quoique de façon assez fugitive. C’est l’occasion de me gausser
intérieurement : encore un qui n’a rien compris.
D’ailleurs certains, très honnêtement et humblement, l’annoncent
d’emblée : « il se peut que je n’ai rien compris ». C’est toujours bien
de l’envisager, d’ailleurs je me le dis
aussi assez souvent à moi-même.
Parfois,
quand même, ça intrigue. Manifestement, le lecteur n’a rien compris, il
le suggère lui-même et en effet, moi qui ai
tout compris ou presque je peux le lui confirmer : il n’a rien
compris. Mais ça intrigue quand même parce qu’on se demande pourquoi il
n’a pas compris. Ce n’était pas si difficile, de
comprendre. Le vocabulaire était simple. La langue était française.
Les mots disaient ce qu’ils voulaient dire avec toute la volonté dont
ils sont capables. Alors quoi ? Pourquoi ne pas
comprendre ?
Alors
on lit les arguments, généralement formulés sous la forme négative,
celle qui va bien pour dire qu’en effet on n’a pas
aimé. Mais qui ne dit pas que ça. Qui dit aussi : « il ne se passe
rien », ou bien : « il n’y a pas de psychologie des personnages », ou
bien : « il n’y
pas de plan », ou bien : « il n’y a pas de fin », ou bien : « il n’y
a pas de message », etc. Parce que forcément il devrait y avoir tout
ça, ou au moins ceci
ou cela, parce que c’est ce qu’on attend d’un livre : qu’il y ait
tout ça, ou au moins ceci ou cela. Sinon quel intérêt. Hein. A quoi ça
sert.
Alors
voilà : on n’a pas vu ça, ni ça, ni même ça et donc on n’a pas aimé.
Moi j’ai aimé, et pourtant je n’ai pas vu ça non
plus, puisqu’en effet ça n’y était pas. C’est sans doute que j’ai vu
autre chose. Aurais-je donc un don de double vue, des hublots à double
foyer (j’avoue : je porte des verres
progressifs) ? Chouette ! (mais non). Souvent, il me semble au
contraire que la chose que j’ai vue était énorme, et placée bien en
évidence par l’auteur dont le souci principal n’est
pas, contrairement à un soupçon récurrent, de ne pas se faire
comprendre par ses lecteurs. Mais elle était un peu inhabituelle.
Parfois même un peu inouïe (j’aime bien cet adjectif,
in-ouï, qui dit mieux que d’autres ce qu’il veut dire). Ou
in-solite (que j’aime aussi pour les même raisons) dans notre monde
sublunaire. Et c’est précisément cette chose-là qui a été
perçue comme une lacune, un manque, une carence impardonnable.
L’inouï est la porte ouverte au malentendu.
Pour comprendre, sans doute ne suffit-il pas ou même n’est-il pas nécessairement besoin d’être compétent ; il est bon
toutefois d’être prêt. Disponible.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire