Le 4 janvier 1917. Mes chers parents.
Il
y a du désordre dans les cartes. Il faudra que je les classe. J’ai dû
les laisser de côté quelque temps – beaucoup moins
de quatre mois cependant – mais laisser passer un peu de temps,
pourquoi pas. Un peu de temps pour moi, plus de temps pour lui.
Sur cette carte-ci, l’écriture, toujours au crayon à papier pâle et taillé fin, est un peu moins serrée que sur les
précédentes, mais à peine. Sans même la lire, on voit que rien n’a changé.
Voilà
encore une nouvelle année loin de vous, et celle-ci dans des
circonstances bien pénibles, aussi ce n’a pas été une fête
pour nous. Nous nous sommes tout de même réunis pour faire un petit
dîner pour ne pas changer les habitudes _ Je n’ai plus reçu de colis (ce
tiret doit signifier sans doute un changement de paragraphe ainsi
économisé : toute la surface de la carte est recouverte de son
écriture, comme c’est le cas à chaque fois) depuis ma dernière carte, il n’y a rien d’étonnant à cela puisque j’ai reçu
tous ceux partis avant l’interruption sauf toutefois le n°11 gare (gare ?) _
Comme correspondance j’ai reçu les cartes de papa des 18, 19 et 20 la
lettre de Jacqueline et les lettres de Madeleine et Jean sans
oublier le mot du petit Michel. Tout cela m’a fait grand plaisir et
je vous charge de les remercier et de les embrasser bien fort. Je
remercie Madeleine et Jean de leurs bons souhaits et je leur
envoie les miens. Que cette année ne se termine pas sans qu’ils
aient revu leurs chers parents. Je leur ai écrit le 30 déc et leur
envoyé aussi les mêmes vœux _ Il est difficile de se procurer du
cuir ici aussi soyez assez gentils pour m’envoyer afin que je puisse
faire ressemeller (sic) mes
deux paires de chaussures. Mes brodequins ont les semelles complètement
usées et les bottines commencent à s’éculer. J’en profite pour
vous rappeler que je vous ai demandé des pantoufles _ Depuis
quelques jours le temps n’est pas beau, il pleut toute la journée et on
ne peut pas aller se promener dans le parc. Je vous
quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux
ainsi que Geneviève et Louis Madeleine et Jean et toute la famille. _
Votre fils qui vous aime de tout son cœur.
E.Annocque
Les deux dernières lignes laissent juste la place pour la signature oblique et abrégée : après les deux n ; o, c et
q se confondent et le reste disparaît.
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