« La
vérité, c’est que, en dehors d’une très courte période et d’un
"modernisme" exacerbé propres au seul XXe siècle,
les artistes véritables et les écrivains les plus authentiques
n’ont jamais été des marginaux, méconnus et miséreux. » C’est Luc Ferry
qui parle, celui-là même dont le talent
incontesté lui a valu d’être payé pour un cours d’université qu’il
n’a jamais assuré. Allez donc lire un peu ce que le Figaro
vous autorise. Et d’enchaîner avec Picasso qui, certes…
Il aurait pu citer Van Gogh aussi, mais non ; on se demande
pourquoi. Bref, nous vivons une époque formidable où le talent
authentique est forcément et grassement récompensé, et si vous
n’entendez pas les espèces sonner à votre porte et trébucher dans
votre escarcelle, ce n’est pas parce que vous êtes un incompris, mais
parce que vous n’avez pas l’authentique génie de Marc Lévy
(si indiscutablement génial que son dernier roman va être offert par
Rachida Dati aux bacheliers du VIIe arrondissement – rappelez-vous).
Que je me le tienne pour dit. Surtout moi, dont les droits d’auteur
transforment
par comparaison mon salaire d’enseignant en une authentique et
permanente roue de la fortune (que je suis toutefois contraint de faire
tourner à la main, ce n’est pas mon fantôme que l’on paie).
Surtout moi qui suis, je vous l’avoue sans honte, pire écrivain
encore que le dernier des derniers, car non content de compter les
clopinettes gagnées sur les doigts de la main qui écrit, je mets
en difficulté tous mes éditeurs : seul Quidam survit encore vaille
que vaille mais non sans mal, Melville a fondu comme neige au soleil dès
la parution de Par temps clair, quant aux
éditions du Seuil, le succès d’estime d’Une affaire de regard
les a si bien mises à mal qu’il a bien fallu les revendre à la
Martinière dans la foulée. (D’ailleurs pendant que j’y pense,
même Bordas qui à l’époque préhistorique m’avait commandé un
parascolaire d’orthographe a dû être racheté par Havas dans les mois qui
ont suivi sa parution.) Bref, on devrait m’interdire de
publication. Renouveler avec un tel sans-gêne le cliché de
l’écrivain maudit (car je suis maudit, je le sais bien), ça ne devrait
pas être permis. C’est à peine si je mérite de vivre. Pourtant il
y a encore quelques lecteurs, des fous, qui apprécient mon travail.
Il y a même quelques éditeurs, des inconscients, qui ne craignent pas de
me publier. Heureusement il y a Luc Ferry qui, en bon
philosophe du capital, considère qu’il ne faut surtout pas aider la
création, si elle vaut la peine ça se saura forcément, on a quand même
dans ce beau pays une presse unanimement indépendante,
curieuse de tout, qui sait débusquer les talents méconnus, comme Libération qui cette année nous a quand même fait découvrir Marcella Iacub et Christine Angot – nous rappelle Pierre
Jourde sur son blog –, c’est vrai, de quoi se plaint-on, quoi.
(Entendons-nous
bien : je ne suis pas non plus partisan de faire n’importe quoi avec
l’argent public. Et personnellement je ne
postule à aucune bourse ni à aucune résidence, considérant que
d’autres auteurs en ont davantage besoin que moi. Ce n’est pas non plus
une raison pour dire n’importe quoi – quoi.)
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