Est-ce
moi que j’aperçois là-bas entre les branches des arbres sans feuilles ?
Moi tout au bout de la file indienne
encore une fois le dernier abattu, noblement abattu comme un grand
cervidé ? Moi à peine noblement abattu de nouveau tout au bout de la
file à attendre, attendre d’être de nouveau
noblement abattu ?
C'était il y a quelques années. Je rentrais d'une longue randonnée dans la montagne (je vais tous les étés en montagne parce que mon père y possède un appartement en haut d'une haute tour). J'étais avec mon amie et nous étions rompus de fatigue. En approchant de la haute tour où nous logions (donc), je lève le nez et vois la fenêtre de laquelle, habituellement, lorsque nous ne partions par marcher, je passe le plus clair de mon temps à regarder la nature et les sentiers au loin.
Or là, rentrant, je saisis Anne par la manche et je lui dis : "Imagine qu'à notre fenêtre, là-haut, nous apercevions deux silhouettes. Deux silhouettes qui seraient nous, nous deux, penchés à la fenêtre, nous regardant arriver."
Frayeur.
(Le dédoublement amène de plus gros frissons que l'escalade d'un glacier.)