mercredi 17 décembre 2008

Seul à voir (en Hollande)

En Hollande nous sommes au restaurant. Salle moderne et impersonnelle, éclairage insuffisant, plafond bas. Mais qu’importe ! La nourriture est bonne et nous ne cherchions qu’à nous restaurer à peu de frais.
Le repas est terminé. Les clients, les autres, se lèvent de table et sortent, mais par le fond, au lieu de repasser par l’entrée principale. Il se fait de ce côté une sorte d’obscur commerce de tickets. La porte du fond donne sur une cour pavée à gauche de laquelle s’élève un immeuble sans charme au ravalement ancien. C’est là que se rendent les clients, hommes ou femmes, munis d’un ticket, là où les attendent d’autres personnes s’adonnant à la prostitution. Cette sortie clandestine prend presque l’aspect d’un passage obligé.
 
En Hollande je voyage aussi bien en voiture qu’en avion. De ma fenêtre j’aperçois tout en bas une plaine très plate traversée d’une route toute droite. Il y a surtout des champs, quelques bosquets, mais pas la moindre construction. Les seuls édifices, qui d’ailleurs semblent s’élever à une hauteur vraiment considérable, sont quelques bottes de paille, de parfaits parallélépipèdes blonds aux arêtes acérées, serrés les uns contre les autres en plein milieu d’un champ. Quelques véhicules aussi se croisent sur la route toute droite : à un point bien précis de cette route un camion roule à la rencontre d’un car, chacun suivi de quelques rares voitures.
C’est du moins l’image qui me reste sur la photo que j’ai désormais entre les mains, depuis que je suis en voiture. La carte routière d’ailleurs m’informe du nom de la région – curieusement, c’est un nom français : Les Lointains.
 
En Hollande nous allons à la poste, dans cette province reculée. Nous sommes maintenant dans la poste et les choses y sont encore plus obscures, savez-vous ? à la poste les choses sont encore plus corrompues, à la poste les choses font l’objet de machinations insaisissables.
A l’extérieur de la poste, dans un massif fleuri au-delà des gravillons, je vois un arbuste ; feuilles ovoïdes et vernissées, d’un vert sombre, fleurs blanches réunies en ombelles : je devine un membre de la famille des éricacées, certainement très proche des rhododendrons – mais ce n’en est pas un, non, pas de doute, ce n’en est pas vraiment un. J’ai vraiment du mal à mettre un nom dessus. Et je le vois aussi à l’intérieur, ce même arbuste, de la même espèce, sans le moindre doute possible. Pourtant ici il offre l’aspect d’une plante grasse, aux tiges renflées, dépourvues à la fois de feuilles et de fleurs. Il n’est d’ailleurs pas très décoratif. Sans doute n’est-il pas très bien soigné. Mais cela peut-il expliquer son aspect, et surtout celui de cette branche, la plus haute de toutes, grande et large comme un gourdin, à l’extrémité arrondie, luisante, comme lustrée par l’usure ? Et pourtant c’est le même, le même arbuste qu’à l’extérieur, le même qui exhibe la blancheur crémeuse de ses fleurs sur la photo de mon encyclopédie – et voici soudain qu’enfin je l’identifie : il s’agit de x Ledodendron, un genre hybride entre Ledum et Rhododendron, dont j’avais presque oublié l’existence.





Commentaires

Dans les premières pages d'Un temps de saison (Marie Ndiaye), un couple manque l'occasion de rentrer chez lui. Les vacances sont terminées mais ils sont coincés dans ce village où tous les ans ils passent un merveilleux mois d'été. Les vacanciers étant partis, il se met à pleuvoir et petit à petit tout le village se modifie. C'est comme une porte ouverte au fond d'un café qui donnerait sur un monde très étrange et dérangeant.
Commentaire n°1 posté par Cécile le 17/12/2008 à 12h29
Et moi qui ne l'ai toujours pas lue ! (à propos de ce que tu me disais hier...)
Commentaire n°2 posté par PhA le 17/12/2008 à 13h32
 

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