En Hollande nous sommes au restaurant. Salle moderne et impersonnelle, éclairage insuffisant, plafond bas. Mais
qu’importe ! La nourriture est bonne et nous ne cherchions qu’à nous restaurer à peu de frais.
Le
repas est terminé. Les clients, les autres, se lèvent de table et
sortent, mais par le fond, au lieu de repasser par
l’entrée principale. Il se fait de ce côté une sorte d’obscur
commerce de tickets. La porte du fond donne sur une cour pavée à gauche
de laquelle s’élève un immeuble sans charme au ravalement
ancien. C’est là que se rendent les clients, hommes ou femmes, munis
d’un ticket, là où les attendent d’autres personnes s’adonnant à la
prostitution. Cette sortie clandestine prend presque
l’aspect d’un passage obligé.
En
Hollande je voyage aussi bien en voiture qu’en avion. De ma fenêtre
j’aperçois tout en bas une plaine très plate
traversée d’une route toute droite. Il y a surtout des champs,
quelques bosquets, mais pas la moindre construction. Les seuls édifices,
qui d’ailleurs semblent s’élever à une hauteur vraiment
considérable, sont quelques bottes de paille, de parfaits
parallélépipèdes blonds aux arêtes acérées, serrés les uns contre les
autres en plein milieu d’un champ. Quelques véhicules aussi se
croisent sur la route toute droite : à un point bien précis de cette
route un camion roule à la rencontre d’un car, chacun suivi de quelques
rares voitures.
C’est du moins l’image qui me reste sur la photo que j’ai désormais entre les mains, depuis que je suis en voiture. La
carte routière d’ailleurs m’informe du nom de la région – curieusement, c’est un nom français : Les Lointains.
En
Hollande nous allons à la poste, dans cette province reculée. Nous
sommes maintenant dans la poste et les choses y
sont encore plus obscures, savez-vous ? à la poste les choses sont
encore plus corrompues, à la poste les choses font l’objet de
machinations insaisissables.
A
l’extérieur de la poste, dans un massif fleuri au-delà des gravillons,
je vois un arbuste ; feuilles ovoïdes et
vernissées, d’un vert sombre, fleurs blanches réunies en ombelles :
je devine un membre de la famille des éricacées, certainement très
proche des rhododendrons – mais ce n’en est pas un,
non, pas de doute, ce n’en est pas vraiment un. J’ai vraiment du mal
à mettre un nom dessus. Et je le vois aussi à l’intérieur, ce même
arbuste, de la même espèce, sans le moindre doute possible.
Pourtant ici il offre l’aspect d’une plante grasse, aux tiges
renflées, dépourvues à la fois de feuilles et de fleurs. Il n’est
d’ailleurs pas très décoratif. Sans doute n’est-il pas très bien
soigné. Mais cela peut-il expliquer son aspect, et surtout celui de
cette branche, la plus haute de toutes, grande et large comme un
gourdin, à l’extrémité arrondie, luisante, comme lustrée par
l’usure ? Et pourtant c’est le même, le même arbuste qu’à
l’extérieur, le même qui exhibe la blancheur crémeuse de ses fleurs sur
la photo de mon encyclopédie – et voici soudain qu’enfin je
l’identifie : il s’agit de x Ledodendron, un genre hybride entre Ledum et Rhododendron, dont j’avais presque oublié l’existence.
Commentaires
Dans les premières pages d'Un temps de saison (Marie Ndiaye), un
couple manque l'occasion de rentrer chez lui. Les vacances sont
terminées mais ils sont coincés dans ce village où tous les ans ils
passent un merveilleux mois d'été. Les vacanciers étant partis, il se
met à pleuvoir et petit à petit tout le village se modifie. C'est comme
une porte ouverte au fond d'un café qui donnerait sur un monde très
étrange et dérangeant.
Commentaire n°1
posté par
Cécile
le 17/12/2008 à 12h29
Et moi qui ne l'ai toujours pas lue ! (à propos de ce que tu me disais hier...)
Commentaire n°2
posté par
PhA
le 17/12/2008 à 13h32