mercredi 27 mars 2013

Les tranquilles abus du projet ReLire


Ouf ! Je suis un auteur exclusivement du XXIe siècle – mais à quelques mois près seulement, je l’ai échappé belle. En effet mon Affaire de regard, indisponible depuis quelque temps déjà mais parue en août 2001 n’est pas (encore) concernée par le projet ReLire  (Registre des Livres Indisponibles en Réédition Électronique), et je m’en félicite.
Voici le topo :
 
« ReLIRE vous donne accès à une première liste de 60000 livres indisponibles du XXe siècle : des livres sous droits d’auteur, publiés en France avant le 1er janvier 2001, et qui ne sont plus commercialisés.
Si les titulaires de droits ne s’y opposent pas, ces livres entreront en gestion collective en septembre 2013. Ils pourront alors être remis en vente sous forme numérique. »
 
Vu comme ça, du point de vue du lecteur (« vous »), ça a l’air plutôt pas mal. On se dit que chouette, on va pouvoir avoir accès à quelques introuvables.
Mais comme je ne suis pas que lecteur, je dois dire que le deuxième paragraphe me chatouille désagréablement. « Si les titulaires de droits ne s’y opposent pas ». Si je comprends bien, c’est à l’auteur (ou à l’ayant droit) de se manifester, sinon, on fait ce qu’on veut de son œuvre sans lui demander son avis. C’est bien ça ? Non, j’ai dû mal comprendre. Attendez, je clique sur « Vous êtes auteur », on va sûrement me rassurer.
 
« Que faire si l’un de vos livres, publié au XXe siècle, se trouve dans cette liste ?
Si vous souhaitez que vos livres entrent en gestion collective, vous n’avez aucune démarche à accomplir. En ne vous opposant pas, vous acceptez qu’une société de gestion collective exerce en votre nom les droits numériques sur le livre : elle pourra accorder des autorisations d’exploitation numérique du livre et vous versera une rémunération si le livre est exploité.
Vous pouvez remplir un formulaire en ligne sur le site dédié de la société de gestion collective pour vous faire connaître.
Si vous ne souhaitez pas que vos livres entrent en gestion collective, vous pouvez vous y opposer selon les modalités précisées ci-dessous. »
 
Ah non, on ne me rassure pas. On me prévient juste que si je ne fais rien, mon livre va être de nouveau publié, par je ne sais qui, je ne sais comment, selon les termes d’un contrat que je n’ai pas signé.
Je n’ai pas à me plaindre, remarquez : j’ai le droit de ne pas être d’accord – mais juste pendant six mois ; après, c’est trop tard. Sauf que bien entendu l’information passant comme elle passe, il y a fort à parier qu’elle échappera à bien des auteurs et encore plus d’ayant droit.
Non, si je n’ai pas à me plaindre, c’est parce qu’Une affaire de regard a été publié en 2001. Mais je me sens très concerné quand même, parce que la question de son éventuelle réédition me titille. Quand le livre a été épuisé, je trouvais que ce n’était pas plus mal au fond que le Seuil renonce à ses droits, malgré le relatif succès (au moins critique) que le livre avait connu. J’avais quelques réserves sur le texte et sur les conditions de son écriture – sur d’ailleurs lesquelles j’aimerais revenir un jour. Et puis trois lecteurs auxquels je fais confiance m’ont assuré que mes réserves étaient excessives, voire infondées. Allez, foin de la discrétion, je les nomme dans l’espoir fou de leur attirer quelques lecteurs de plus ; deux d’entre eux sont de sacrés beaux écrivains : Gabriel Bergounioux et Didier da Silva – quant au troisième, c’est Quidam. Et c’est chez Quidam bien sûr que le livre serait déjà ressorti en poche, un rien corrigé, si les soucis que l’on sait n’avaient retardé ce projet.
Bref, j’entends faire ce que je veux de mes textes. Je veux choisir mes éditeurs, comme eux-mêmes me choisissent. Relire, d’accord. Mais pas sans l’accord de l’auteur, merci.

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