samedi 1 décembre 2012

Belle soirée, matin gris ; de Pierre Jourde à Quidam.


Hier soir j’ai passé une bonne soirée. Je suis allé à la bibliothèque de Chartres écouter Pierre Jourde qu’interviewait Olivier L’hostis (la belle librairie l’Esperluète) à propos du Maréchal absolu, récemment paru et que je me suis offert. C’était une bonne soirée parce qu’on y a vraiment parlé de littérature. Parce que l’intervieweur connaît vraiment bien l’œuvre de l’auteur (je le savais déjà, nous avions eu l’occasion d’en discuter). Parce que l’auteur a des préoccupations qui me touchent (là aussi, je le savais déjà ; je le lis depuis une dizaine d’années) : la fiction d’abord dans le réel, avant toute littérature, et le roman qui en devient révélateur ; la fiction de soi dans ce Maréchal qui se dédouble et disparaît (mais dont je n’ai pas honnêtement le droit d’en dire plus avant de l’avoir lu), le goût affirmé de l’auteur pour un certain égarement, pour le rêve et aussi cette réponse toute simple que j’ai moi-même faite si souvent : qu’il écrit le livre qu’il aurait envie de lire. Une réponse si simple qu’elle ne mériterait peut-être pas que je la rapporte si, précisément, elle ne perdait pas de plus en plus de son évidence. Les écrivains sont lecteurs, ils sont aussi leurs propres lecteurs comme le cuisinier a le droit de se régaler de ses plats ; la littérature est affaire de plaisir, et parfois ce plaisir mérite d’être partagé. C’est la raison pour laquelle je me moquais hier des conseils prodigués par Frédéric Beigbeder (dont au fond je ne doute pas vraiment de la bonne volonté, et c’est bien ce qui chagrine) qui considère que l’auteur (en l’occurrence c’était Eric Chevillard mais bien sûr je le prends aussi pour moi et pour d’autres auteurs que j’aime) doit se préoccuper des attentes du public, comme si le public était une entité clairement définie et distincte de l’auteur. Alors que le public, c’est celui qui lit. Le premier public, c’est soi-même. Et comme soi-même bien sûr ne suffit pas, c’est ensuite l’éditeur, naturellement moins indulgent pour la bonne et juste raison que c’est lui qui va engager son argent sur le texte, et souvent le perdre. Et puis le public enfin, celui qui a acheté et lu le livre. Et c’est la troisième raison pour laquelle la soirée d’hier était bonne : le public de Pierre Jourde à Chartres, et la qualité de ses interventions. C’est rassurant.
 
Pourquoi, maintenant, après une bonne soirée, la matinée est-elle morose. Voilà, je vous recopie l’appel de Quidam, mon éditeur bien sûr, mais pas seulement le mien. Un éditeur qui fait ce à quoi il croit, et dont les lecteurs « avertis » s’accordent sur la qualité rare du catalogue. Je vous assure que quand je rencontre un écrivain, un libraire, un éditeur qui ne me connaît pas (oui, il en reste encore quelques-uns) et qu’il apprend que je suis publié chez Quidam, ça fait toujours de l’effet. C’est la classe, quoi. (Enfin, parmi les écrivains, les éditeurs ou les libraires qui sont en même temps des lecteurs un peu curieux, évidemment.)
 
L’appel de Quidam (aux libraires) :
 
AVIS AUX LIBRAIRES…
 
Pendant deux mois, décembre et janvier,
- 45% sur tout le catalogue jusqu’à 3 exemplaires,
- 48% jusqu’à 6,
-50% au-delà,
en ventes fermes (sans possibilité de retours), port partagé en province (poste), paiement à réception ou à 30 jours, merci.
Prise de commande : quidamediteur@free.fr
Précision : les titres de Reinhard Jirgl, Les Inachevés et Renégat, roman du temps nerveux, sont épuisés, La Femme du métro de Ménis Koumandaréas quasiment. Votre soutien nous aidera peut-être à les réimprimer.
Au-delà de janvier, nous ne répondons plus de rien… si d’aventure nous survivons à la fin du monde.
 
 
L’appel est déjà relayé par la librairie Ptyx à Ixelles (en Belgique), qui connaît bien le catalogue de Quidam, lisez donc son article.
Voilà. Si je ne me sens pas trop bien ce matin en écrivant ce billet, c’est que je sens bien que les difficultés de Quidam et d’autres éditeurs (récemment les Allusifs, par exemple, chez qui Pierre Jourde, tiens, a fait paraître la Présence, que je vous recommande aussi), je sens bien que tout ça donne raison à la logique marchande sous-jacente dans les bons conseils de Beigbeder – et ça me désespère de laisser la littérature aux marchands.

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